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Cognac : après le drame, la famille des sans-abri en deuil

À ce moment-là, Franck Ferrain et Patrick Martinez, deux personnes sans domicile fixe, « discutent de la misère, boivent des coups et fument des clopes tranquilou », raconte Ludo, leur ami lui aussi sans-abri. « On se disait qu’on allait aller dormir au 115, puis moi je suis parti faire un truc...

À ce moment-là, Franck Ferrain et Patrick Martinez, deux personnes sans domicile fixe, « discutent de la misère, boivent des coups et fument des clopes tranquilou », raconte Ludo, leur ami lui aussi sans-abri. « On se disait qu’on allait aller dormir au 115, puis moi je suis parti faire un truc. Quand je suis revenu, le banc était éclaté, il y avait les pompiers et un drap blanc sur Franck. »

Ce vendredi 3 février, à 11 heures, c’est la consternation au petit-déjeuner solidaire de la Croix-Rouge. Les mines sont sombres, les traits tirés. Un jeune de 20 ans, au volant alors qu’il présentait une alcoolémie de 2,06 grammes d’alcool par litre de sang, a perdu le contrôle de sa Peugeot 307 dans le rond-point. Il a percuté de plein fouet Franck, 38 ans, décédé sur le coup et Patrick, 52 ans, dont une jambe a été arrachée et l’autre broyée ; avant d’être amputée au CHU de Poitiers, où il a été héliporté.

Ça aurait pu être n’importe qui. Ça ne leur est pas arrivé parce qu’ils étaient dans la précarité.

Le chauffard est immédiatement interpellé par les services de police et placé en garde à vue au commissariat de Cognac. À ce moment-là, deux des compagnons d’infortune des sans-abri, Marie-France et Marco, font le pied de grue à proximité pour savoir ce qu’il se passe. « On sait que quelqu’un est décédé mais on ne sait pas qui, disent-ils au moment de l’accident. Il y a un drap blanc sur un corps, derrière les camions de pompiers. »

Ce sont les mêmes que l’on retrouve deux jours plus tard, place Jules-Ferry, auprès de l’association humanitaire. Sylvie Gautier, bénévole et conseillère municipale, revient sur sa maraude de la veille. « Il y a une chose qui est revenue chez tout le monde : on est une famille de la rue, mais on est une famille. »

Deux hommes attachants et respectueux

Avec d’autres bénévoles, elle raconte des garçons respectueux, attachants, reconnaissants de l’aide apportés. « On les voyait tout le temps ici. Patrick était quelqu’un au grand cœur. Il aimait bien pousser la chansonnette avec des classiques de la chanson française, dit-elle. Tout ce qu’il voulait, c’était un toit. Il vivait du RSA alors qu’il était handicapé des mains et pouvait prétendre à une allocation. »

Mercredi midi, le jour même de l’accident, Sylvie Gautier et Patrick Martinez venaient de prendre la décision de monter un dossier MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Cela aurait pu lui permettre de retrouver du travail et un logement.

S’il n’est pas décédé, ses compères en parlent déjà au passé. « Ça va être quoi sa vie s’il n’a plus de jambes ? Je le connais, il va se laisser mourir à petit feu », balance Ludo, qui a passé trois ans à la rue avec lui. Cette semaine, Patrick venait même de l’inviter à déjeuner à Buffalo Grill après avoir perçu un peu d’argent. « La preuve qu’il était généreux, disent-ils. Il n’hésitait jamais à donner alors qu’il n’avait pas grand-chose. »

Ce vendredi, des fleurs ont été déposées à l’endroit de l’accident tragique, à l’intersection de l’avenue Victor-Hugo et de la rue de Bellefonds.
Ce vendredi, des fleurs ont été déposées à l’endroit de l’accident tragique, à l’intersection de l’avenue Victor-Hugo et de la rue de Bellefonds.

Repro CL

Certains disent avoir des nouvelles par des amis qui seraient sur place, au CHU de Poitiers. « Apparemment son état se maintient mais on ne peut pas dire ce qu’il va se passer », glisse Marie-France. Elle les connaît bien, après avoir dormi deux ans dans la rue. « On était constamment avec, c’est très douloureux », rapporte-t-elle, la voix nouée et les yeux rivés au sol.

Franck, lui, était plus discret. « C’était un bon, on rigolait bien avec lui. Tout le monde le connaissait, c’était un peu la mascotte », glisse-t-on à l’association Puzzle, qui propose un accueil de jour et de l’aide aux personnes en difficulté. Pour lui rendre hommage, un tableau a été installé dans les locaux avec sa photo au centre. Autour, des petits mots, des poèmes, des souvenirs ont été inscrits par ses compagnons de route. Ils ont également installé un gobelet « Quête pour Franck », afin de lui offrir un bouquet de fleurs lors de son enterrement, dont le lieu et l’heure ne sont pas encore connus.

Tous ses amis sdf étaient dans les environs au moment de la catastrophe. Ils venaient de se croiser, allaient se retrouver. « Ça aurait pu être nous », murmurent-ils. « Ça aurait pu être n’importe qui de toute façon, renchérit Sylvie Gautier, agacée des commentaires stigmatisants postés sur les réseaux sociaux à l’annonce de la terrible nouvelle. Ça ne leur est pas arrivé parce qu’ils étaient dans la précarité. C’était des êtres humains avant tout. »