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Comment améliorer Parcoursup, « ce système vécu comme opaque et injuste » ?

C’est ce jeudi soir la fin de la première phase de Parcoursup : les futurs bacheliers vont recevoir les premières réponses aux vœux qu’ils ont pu formuler dès janvier.

Pour nombre d’entre eux, confrontés à des refus ou placés sur listes d’attente, c’est le début d’une période de stress intense, auquel s’ajoute bien souvent un sentiment d’injustice. Auteur d’une thèse sur Parcoursup, Alban Mizzi éclaire son fonctionnement et tente malgré tout de distinguer des voies de progrès.

Est-ce les fameux algorithmes qui rendent Parcoursup si angoissant ?

Alban MizziSociologue, université de Bordeaux

Sociologue à l'université de Bordeaux

Au début, il y a eu une panique autour de ces questions. Aujourd’hui, tout le monde insiste sur le fait que Parcoursup n’est pas une boîte noire. Oui, la plateforme est structurée autour de deux types d’algorithme : l’un, national, consultable en accès libre, qui tente de faire correspondre les souhaits des candidats et ceux des formations ; et une multitude d’algorithmes locaux, propres à chaque commission d’examen des vœux (CEV) et couverts par le secret des délibérations – qui figure dans le Code de l’éducation. C’est ce manque de transparence-là qui pose problème.

Mais ces algorithmes restent des « outils d’aide à la décision », selon la terminologie, dans un contexte où budget et temps sont très contraints. Les CEV ne sont pas obligées de les utiliser, et la décision finale reste une décision humaine.

C’est cette partie-là du processus qui rend opaques les procédures de sélection – d’autant que, sur les fiches des formation, la part de l’humain et de l’algorithme n’est pas indiquée. Cela dit, avec 100 % d’algorithmes, on pourrait avoir 100 % de transparence. Mais je crois que ce serait très mal accepté…

Ce qui rend Parcoursup insupportable aux yeux de nombreux bacheliers, c’est que ses résultats leur paraissent injustes…

Mais pour dire si c’est juste ou injuste, il faudrait connaître les règles du jeu ! Là, faute de transparence, les jeunes ne connaissent que les résultats, ils n’ont aucun retour sur leur dossier, leurs vœux, aucun élément d’analyse.

J’ai rencontré beaucoup d’étudiants pour rédiger ma thèse sur Parcoursup : ils n’ont rien contre la sélection, la méritocratie, quoi qu’on en pense, ils ont intégré cela. Quand je leur expliquais la différence avec l’ancien système APB où un tirage au sort pouvait intervenir, pas un seul ne m’a dit que c’était préférable à Parcoursup, et il ne se trouvait pas grand monde non plus pour faire une lecture politique du problème, en me disant, par exemple, qu’il faut plus de places dans l’enseignement supérieur. Mais cet assentiment relatif à la procédure ne les empêche pas de se préoccuper de la validité et de la justesse de celle-ci.

En admettant que l’on mette de côté la dimension politique que vous venez de rappeler, est-il selon vous possible d’améliorer ce système ?

En effet, donner plus de moyens aux universités, créer des places pour les étudiants et des postes de personnels enseignants et non-enseignants, c’est l’alpha et l’oméga de toute réponse à cette question. Mais on pourrait aussi agir sur certains leviers.

Un exemple : quand j’ai passé un oral pour obtenir le financement de ma thèse, il y avait tous les professeurs, mais aussi une représentante de l’école doctorale, donc des étudiants, qui ne participait pas à la procédure, mais qui était là.

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Ne pourrait-on imaginer que des représentants des étudiants, des élus, par exemple, assistent aux CEV ? Avoir des observateurs de ce type serait une forme de garantie que les délibérations ne soient pas faites n’importe comment. Aujourd’hui, l’opacité de ces décisions fait que les candidats peuvent avoir l’impression qu’on revient à une forme de tirage au sort, de loterie.

Il y a aussi la question de la prise en compte, ou non, du lycée d’origine des candidats…

Aujourd’hui, aucune fiche de formation ne le mentionne. Mais on a de nombreux témoignages qui, sous couvert d’anonymat, disent le contraire. Par ailleurs, il serait plus juste de dire que c’est la réputation de l’établissement qui est prise en compte, sur la base des moyennes de classe, par exemple, ce qui n’est pas un critère absolument fiable.

En revanche, il pourrait être utile de prendre en compte les écarts des élèves à la moyenne, sans trahir l’anonymat du lycée d’origine. Certes, ce ne serait pas parfait, mais ce serait plus juste et moins opaque. D’ailleurs, certaines formations – en Staps notamment ou à Sciences-Po Bordeaux, par exemple – jouent le jeu de la transparence maximale. Hélas, c’est laissé à la discrétion des formations…

Au final, les candidats se voient notifier des décisions – admission, refus, liste d’attente – sans qu’on leur donne des clés de compréhension. C’est ce qui génère, année après année, déceptions, incompréhensions et sentiment d’injustice.

Il faut mettre à leur disposition, de manière systématique et sur la plateforme elle-même, un retour d’information qui leur permette de savoir ce qui a compté ou non dans la décision, ce qui a fait la force ou la faiblesse de leur dossier. Mais il ne suffirait pas de le décider : les enseignants n’ont ni le temps ni les effectifs pour le faire.

La longueur de la procédure ne constitue-t-elle pas, en soi, une forme de supplice ?

La lenteur, le fait de devoir apprécier entre une formation que l’on désire et où on se retrouve en liste d’attente et une autre où on est pris mais que l’on souhaite moins, tout cela fait partie de la difficulté. Il serait bon que les candidats sachent dès le premier jour à quelle sauce ils vont être mangés. Symboliquement, les listes d’attente constituent une violence – et cela, quel que soit le statut social ou scolaire des élèves.

Faut-il permettre aux candidats de hiérarchiser leurs vœux ?

Cela aurait l’avantage de raccourcir la procédure. J’observe d’ailleurs que la possibilité de hiérarchiser ses vœux a été réintroduite depuis l’an dernier… mais seulement dans le cadre de la phase complémentaire.

C’est évidemment dès le départ qu’il faut le permettre : quand les élèves formulent leurs choix, ils le font en fonction de critères de forme, c’est-à-dire en tentant d’évaluer leurs chances d’être pris dans telle formation plutôt que dans telle autre, et en fonction de critères de fond : leur projet, leurs motivations.

Si on leur permet de hiérarchiser leurs vœux en amont, on se débarrasse presque totalement des stratégies, des critères de forme. Au final, avant même de se demander si la sélection à l’entrée à l’université est juste, il faudrait déjà que ses règles soient lisibles.