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Comment l’usucapion peut vous priver d’un héritage

auteur

Rafaële Rivais

Les héritiers d’un terrain qui, pendant plus de trente ans, a servi de parking public, doivent céder celui-ci à la commune, qui en est devenue propriétaire par prescription.

Temps de Lecture 2 min.

Un propriétaire peut-il être contraint par une commune de lui céder son bien, en dehors des procédures de « préemption » ou d’« expropriation », toutes deux assorties d’une certaine indemnisation ?

En principe, non : le mécanisme d’acquisition de la propriété par « prescription acquisitive », ou « usucapion », « ne peut bénéficier aux communes », a récemment (22 mars 2011 et 8 mars 2012) affirmé le ministère de l’intérieur. Pourtant, la Cour de cassation l’autorise pleinement, comme le montre l’affaire suivante.

Le 15 mars 2011, Andrée X, 70 ans, et Laurent Y, 31 ans, deviennent, par héritage, propriétaires d’une parcelle de 14 ares (1 400 mètres carrés), située sur la commune de Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône). Cette ancienne aire à fouler le blé, dite « l’aire où l’on danse », appartient à leur famille depuis des générations ; c’est à la mort d’Antoine X, leurs père et arrière-grand-père respectifs, qu’elle leur revient. Ils envisagent d’y faire construire.

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Las, ils sont assignés devant le tribunal de grande instance de Marseille par la commune, qui entend être déclarée titulaire du terrain. Agissant sur le fondement de la prescription trentenaire, prévue par le code civil (articles 712, 2258, 2261 et 2272, notamment), elle fait valoir que, depuis 1971, soit depuis plus de trente ans, elle s’est comportée publiquement en propriétaire de la parcelle, sans être contredite : elle y a aménagé un parking, qu’elle a ultérieurement goudronné et planté d’arbres, sans opposition du propriétaire.

Le tribunal reconnaît qu’elle « bénéficie d’une possession paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de trente ans » et qu’elle en a ainsi acquis le titre.

Contrepartie financière

Les héritiers, furieux de voir ce bien leur échapper sans contrepartie financière, font appel. Ils affirment que la commune ne pouvait plus, depuis le 1er juillet 2006, date d’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), revendiquer la prescription acquisitive, car celle-ci ne fait pas partie des modes d’acquisition de la propriété qu’il énumère. Ce qu’approuve la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 3 juin 2021.

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La commune se pourvoit en cassation et son avocat, Me Hervé Hazan, soutient que la cour d’appel a violé le code civil d’une part, en jugeant qu’il réserverait la prescription acquisitive aux seules personnes privées, et le CG3P d’autre part, en jugeant que son énumération serait « exclusive ». Il souligne que la jurisprudence reconnaît ce mode d’acquisition de manière constante, y compris depuis le 1er juillet 2006. La Cour de cassation lui donne raison, et casse l’arrêt d’appel, le 4 janvier (2023, 21-18.993), en disant que « les personnes publiques peuvent acquérir par prescription ».

Elle souligne « le bénéfice » de ce mode d’acquisition, qui « répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique » : il confère un titre de propriété au possesseur d’un bien dont la détention n’a pas été contestée dans un certain délai. Les héritiers d’Antoine X ne peuvent donc s’en prendre qu’au défunt, propriétaire du terrain de 1961 à 2010 : il aurait dû réagir dès que la commune l’a transformé en parking.

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Rafaële Rivais

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