France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Comment la Caf fiche certains de ses allocataires

Comment la Caf fiche certains de ses allocataires
« On met en place un énorme dispositif, alors que le taux de fraude est insignifiant. »

Photo d’illustration AFP

Par charentelibre.fr, publié le 9 décembre 2022 à 19h14.

Des algorithmes pour caractériser certains allocataires comme « risqués » et ainsi les cibler pour des contrôles. Depuis 2010, cette pratique décriée est celle de la Caisse nationale des allocations familiales.

La Caisse nationale des allocations familiales utilise, depuis douze ans, des algorithmes pour cibler certains de ses allocataires. En croisant les données de plusieurs administrations, ils permettraient de calculer le taux de risques d’erreur ou de fraude de chaque bénéficiaire.

« On met en place un énorme dispositif, alors que le taux de fraude est insignifiant », pointe, dans cette enquête de France Info, le président du collectif Changer de cap, Didier Minot. La Cour des comptes estime le montant des fraudes à 309 millions d’euros en 2021, soit un taux de seulement 0,39 % si on le rapporte à l’ensemble des prestations versées.

Concrètement, comment fonctionne cette technique, appelée datamining ? « Un score de risque est attribué à chaque allocataire, explique Noémie Levain, juriste à La Quadrature du net. Plus ce score se rapproche de 1 et plus le risque de subir un contrôle est élevé. »

Mais les algorithmes cibleraient essentiellement les personnes précaires, selon La Quadrature du net : « Contrairement à un contrôle aléatoire où chaque personne aurait la même probabilité d’être contrôlée, cet algorithme entraîne un score de risque élevé pour les personnes les plus précaires, parce qu’à leur statut sont associés des facteurs de risque qui sont en fait des facteurs de précarité. »

« On n’est plus là pour aider les gens »

L’importance de ce fichage est telle qu’il est « devenu la pierre angulaire du déclenchement des contrôles », affirme le sociologue Vincent Dubois, qui a écrit l’ouvrage Contrôler les assistés. Genèses et usages d’un mot d’ordre.

En juin 2020, l’ancien directeur général de la Caf ne disait pas autre chose : le datamining est « devenu la première source de détection des dossiers destinés au contrôle ».

Et d’après Vincent Dubois, « le fait qu’un dossier soit fortement ‘scoré’ place les contrôleurs dans la quasi-obligation de trouver quelque chose qui cloche ».

« On est devenu une mini-PME. On n’est plus là pour aider les gens, mais pour faire du chiffre », dénonce, sous couvert d’anonymat, un employé de la Caf.