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Comment la canicule a réchauffé une partie des eaux bretonnes cet été

    « Canicule océanique » ou « vague de chaleur marine ». Ces termes inhabituels - pour l’instant - ont surgi dans l’actualité de cet été 2022, marqué par des vagues de chaleur successives. Entre la Côte d’Azur et la Corse, la température de surface de la mer Méditerranée a atteint des niveaux remarquables, jusqu’à 4 à 6 °C au-dessus de la normale. L’institut Météo-France le relevait dès la fin du mois de juillet ; un mois plus tard, les anomalies de température restaient importantes.

    Plusieurs paramètres alimentent ce phénomène de canicule marine. L’été historiquement chaud qui a touché une partie de l’Europe en est un. La Bretagne n’a pas été épargnée par la canicule, avec des records de 39 °C à Brest ou plus de 40 °C à Rennes atteints en juillet. De quoi alimenter autour de nos côtes, également, un réchauffement des eaux ?

    Certaines eaux plus chaudes que la moyenne près de la Bretagne

    Les données disponibles, issues d’analyses de mesure par satellite, montrent qu’une partie des eaux bretonnes a effectivement été touchée par un réchauffement estival de l’eau. Comme pour la température de notre air, un moyen de mesurer le caractère exceptionnel d’une situation est de la comparer à une normale : une moyenne de référence.

    L'écart à la normale quotidien de la température de surface de l'eau autour de la Bretagne en juillet et août 2022
    Visuel : Maïlis Paugam, Béatrice Tomasi, Blandine Le Cain
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    En prenant en compte la moyenne de température pour un mois d’août sur vingt ans, de 1993 à 2014, on constate qu’au mois de juillet comme au mois d’août, une partie des eaux bretonnes a dépassé de plusieurs degrés cette normale. Pas de quoi parler, pour autant, de canicule marine comme en Méditerranée. À la différence de cet espace maritime fermé et de l’effet de « bassine » qui y joue fortement, la situation était beaucoup moins uniforme en Bretagne. Pour mieux comprendre, il est nécessaire d’observer en détail la situation de certaines zones.

    Comment la canicule a réchauffé une partie des eaux bretonnes cet été
    (Le Télégramme)

  • 1 Des écarts marqués en baie de Saint-Brieuc

  • La baie de Saint-Brieuc, notamment, a enregistré une température de l’eau bien au-dessus de la moyenne de saison, cet été. Ce n’est pas la seule baie bretonne à avoir été touchée par des températures anormalement élevées, mais c’est la seule à avoir une anomalie aussi importante vis-à-vis de la moyenne de saison.

    La baie de Saint-Brieuc, notamment, a enregistré une température de l’eau bien au-dessus de la moyenne de saison, cet été.
    La baie de Saint-Brieuc, notamment, a enregistré une température de l’eau bien au-dessus de la moyenne de saison, cet été. (Photo Le Télégramme)

    Au mois d’août, sur une large zone allant de Paimpol (22) à Erquy (22) et, au nord, jusqu’à l’île de Jersey, les températures de la surface de la mer au mois d’août ont dépassé la normale de 1 °C, en moyenne, et de 3 à 3,5° en certaines zones.

    L'écart à la normale quotidien de la température de surface de l'eau autour de la baie de Saint-Brieuc en juillet et août 2022

    Les caractéristiques géographiques l’expliquent : on parle là d’un espace fermé et abrité, caractérisé par une masse d’eau plus petite et des courants relativement faibles. Moins brassée, la masse d’eau se réchauffe plus facilement par le dessus. Ce réchauffement se propage ensuite en profondeur. « C’est ce qui s’est passé, à grande échelle, en Méditerranée », résume Guillaume Charria, expert en dynamique côtière à l’Ifremer, la masse d’eau en Méditerranée étant beaucoup plus importante.

  • 2 Le littoral sud refroidi par le vent

  • Les écarts peuvent cependant aller dans les deux sens : les données détaillées permettent de repérer d’autres zones affichant une température moins élevée que la normale. Un air caniculaire ne suffit en effet pas, à lui seul, à réchauffer les eaux. Le sud de la Bretagne en a constitué un bon exemple, cet été.

    L'écart à la normale quotidien de la température de surface de l'eau autour de la baie de Saint-Brieuc en juillet et août 2022

    Les côtes de ce littoral ont connu un phénomène très localisé appelé effet d’« upwelling » ou remontée d’eau. Concrètement, des vents de nord-ouest ont poussé vers le large l’eau de surface réchauffée par les températures extrêmes. « Ce vide est comblé par des remontées d’eau plus profondes et plus froides », explique Météo Bretagne. De quoi expliquer les anomalies de température négatives observées dans les eaux baignant le sud de la Bretagne, quand la baie de Saint-Brieuc se réchauffait nettement.

  • 3 La pointe bretonne reste tempérée par les courants froids

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    Dans le front d’Ouessant, qui délimite une zone froide et une autre chaude, le brassage de la mer limite les hausses marquées de température de l’eau. (Le Télégramme/Didier Déniel)

    Outre la chaleur de l’air et le vent, un troisième paramètre peut intervenir. Les habitants du Conquet ou d’Audierne le savent : autour de la pointe finistérienne, les courants froids imposent de s’habituer à une baignade fraîche. Le constat est resté valable, cet été : la pointe bretonne a connu des températures inférieures de deux degrés par rapport à la normale. Une eau froide, mais pas exceptionnelle, relève le chercheur de l’Ifremer, Guillaume Charria.

    Ainsi, à Landunvez, dans le Nord-Finistère, les plus courageux ont pu se baigner dans une eau à 14,6 °C mardi 19 juillet, quand les baigneurs de Crozon, un peu plus au sud, ont profité d’une température plus agréable de 18,4 °C, explique Jérôme Fournier, chercheur CNRS basé à Concarneau (29).

    L'écart à la normale quotidien de la température de surface de l'eau autour de la pointe de la Bretagne en juillet et août 2022

    La cause principale : les courants océaniques. Le Raz de Sein ou encore le Fromveur, bien connus des pêcheurs en constituent deux très puissants qui jouent un rôle important dans le brassage de l’eau. Cette structure forme le front d’Ouessant : une région proche des côtes dans laquelle les eaux océaniques sont en permanence brassées par les courants de marée entre la surface et le fond. La température de l’eau y reste ainsi basse pour la saison, même avec des températures caniculaires dans l’atmosphère.

    Un phénomène à surveiller face au changement climatique

    En somme, les observations satellites permettent d’observer un effet direct du réchauffement de l’air sur le réchauffement de l’eau, y compris en Bretagne, même si ses conséquences ne sont pas uniformes. « Depuis plusieurs années, l’océan se réchauffe, mais cette tendance reste infime face aux anomalies qu’il y a eues cet été », observe Guillaume Charria d’Ifremer.

    L’intensité de ce phénomène estival vient rappeler que les conséquences du changement climatique touchent de multiples espaces. « Effectivement, quand on regarde les vagues de chaleur les plus importantes que l’on ait eues dans l’océan, on remarque qu’elles sont complètement liées aux vagues de chaleur dans l’atmosphère. »

    Pour autant, il n’y a pas d’effet immédiat et systématique entre l’air et l’eau. Ces impacts variés doivent justement être pris en compte pour observer la situation. « L’océan a une inertie beaucoup plus grande et est donc beaucoup plus lent que l’air à se réchauffer », souligne Guillaume Charria. En conséquence, il est aussi plus lent à… se refroidir : un jour de canicule atmosphérique correspond à une semaine pour l’océan. Et la Bretagne l’a bien illustré cet été, entre sa façade nord et sa façade sud : l’effet du réchauffement climatique peut ne pas s’observer partout ou tout le temps, il n’en est pas moins bien réel.