France
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Concorde et nucléaire, la France et l'Europe ont-elles perdu le goût du progrès scientifique et technologique ?

L'entreprise Boom supersonic promet avec son projet Jet Overture d'atteindre la vitesse supersonique grâce à un système de propulsion destiné à fonctionner à zéro carbone net et à voler silencieusement. Ses premiers envols sont programmés pour 2027 et le design de son jet ressemble à s'y méprendre à celui du Concorde, dont les premiers vols dataient de l'ère entreprenante et industrielle de Georges Pompidou des années 1970, et le dernier vol commercial d'il y a désormais plus de vingt ans. L'appareil, au fuselage futuriste, était l'emblème de la puissance de la France et de la Grande-Bretagne d'alors, qui dominaient les innovations technologiques de leur temps. Un Paris-New York pouvait être réalisé en 3h en 1977, tandis qu'il prend autour de 7h30 aujourd'hui !

Un avion supersonique sans pilote

S'il serait déjà bien d'égaler des performances technologiques qui auront bientôt un demi-siècle, le sens de l'histoire est aussi de les surpasser. La startup Hermeus, également américaine, entend réaliser ce défi en réalisant un avion supersonique sans pilote, le Quaterhorse, qui pourrait relier Paris et New York en cette fois... 1h30 seulement, vertigineux ! La firme prévoit ensuite le déploiement d'une version commerciale pour 2029.

En matière du nucléaire, Jennifer Granholm, la secrétaire d'Etat à l'Energie des Etats-Unis a tenu une conférence de presse le 14 décembre dernier, annonçant une avancée majeure et historique en matière de production d'énergie grâce à la fusion nucléaire. Selon le Financial Times et le département d'Etat américain à l'Energie, une récente expérience a en effet permis de produire une première réaction de fusion nucléaire ayant généré un gain net. Un exploit réalisé par le Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL), en Californie.
La fusion nucléaire est, de longue date, considérée comme l'énergie de demain, car elle offre une source d'énergie potentielle à long terme qui utilise des réserves de combustible abondantes et ne produirait pas de gaz à effet de serre ou de déchets radioactifs à longue durée de vie. Industrialisée, elle permettrait un bond en avant technologique et civilisationnel nouveau et vertigineux. Des chercheurs travaillent sur ce sujet depuis déjà plus de 60 ans.       
Jennifer Granholm a souligné que cette réussite se retrouvera « dans les livres d'Histoire », et qu'il s'agit de « l'un des exploits scientifiques les plus remarquables du 21e siècle », que « la réaction permet de reproduire, pour la première fois, certaines conditions que l'on ne trouve que dans les étoiles et le soleil ». Elle a néanmoins précisé qu'il faudra attendre des décennies avant une version industrielle et commerciale.

Une annonce à rebours de la situation du nucléaire français qui a également connu un déclin presque discontinu depuis les années 1970. Les dernières semaines et les derniers mois, les pénuries ont été omniprésentes dans l'actualité : risque élevé de coupures d'électricités pendant plusieurs hivers, factures d'électricité astronomiques comme en témoignent des commerçants ruinés, des patients sous respirateur artificiel qui ne font pas partie des « clients prioritaires » en cas de coupure, et une France désormais importatrice nette d'électricité pour éviter de se retrouver dans le noir. Une situation impensable pour un pays si longtemps leader dans cette énergie si cruciale. L'époque où le président Valéry Giscard d'Estaing vantait à la télévision les performances de nos installations énergétiques qui avaient déjà produit les besoins en électricité de la France pour plusieurs années semble très lointaine, trop lointaine.

Deux signes de délaissement et de désertion pour le progrès technologique

Il serait aisé d'accabler les responsabilités d'un dirigeant politique en particulier pour ces décisions funestes, mais les torts sont trop collectifs, trop diffus. Elles dénotent une tendance de notre contemporanéité : la méfiance pour le progrès scientifique et une faible passion pour les aventures industrielles. S'il s'en était, déjà, fallu de peu en 1966 pour que le ministère des Finances français de l'époque fasse abandonner le projet du Concorde comme le souhaitaient le gouvernement travailliste britannique, les premiers vols pilotés par André Turcat avaient pourtant passionné toute la France et étaient devenus l'étendard d'une France en pleine expansion et prospère. Nous étions alors les plus rapides au monde !
Depuis, alors que le progrès technologique réclame d'être toujours stimulé, motivé et soutenu, l'opinion publique et les décideurs politiques semblent avoir peu à peu perdu de vue en quoi une technologie de pointe était synonyme de progrès pour l'ensemble d'une société.

En témoigne cette enquête de l'IFOP (janvier 2023) selon laquelle seul 33% des jeunes estiment aujourd'hui que « la science apporte à l'homme plus de bien que de mal » alors qu'ils étaient 55% en 1972, année où les projets du Concorde et des centrales nucléaires, notamment, battaient leur plein.
Les nouvelles générations, souvent tétanisées par les trop fortes émissions de CO2, semblent autant désespérées, et même désormais éco-déprimées, qu'incrédules envers les progrès que peuvent permettre les sciences.   
La méfiance à l'égard du progrès et des sciences ouvre la porte à toutes les idéologies, plus radicales et plus déraisonnables les unes des autres. Des idéologies que s'accaparent puis propagent en premier lieu les jeunes.     
Rappelons que le chemin de fer polluait beaucoup et défigurait horriblement des paysages à ses débuts en 1825, mais il a permis d'accélérer les connaissances et découvertes scientifiques et accélérer le progrès. L'espérance de vie n'était que de 35 ans lorsque les premières lignes de chemin de fer ont commencé contre plus de 80 ans aujourd'hui.       
Les découvertes scientifiques induites par le spatial et le nucléaire seront sources de progrès dans de nombreux domaines. C'est dans les découvertes scientifiques et technologiques de demain que se trouvent les réponses au Zéro net émission, le défi ultime pour un monde incertain, à la démographie et aux demandes croissantes.

Retrouver une foi dans le progrès et dans l'aventure industrielle est un défi

La France possède pourtant une jeunesse entreprenante, courageuse et intelligente qui ne demande qu'à renouer avec les sommets, comme la passion pour la récente épopée des Bleus l'a rappelé, et comme la présence de nos compatriotes français dans les directions de l'innovation des plus grands groupes étrangers en atteste. La situation actuelle d'un modèle économique insoutenable financièrement et socialement, de surendettement de l'Etat, de déclin industriel et de déficit commercial record oblige à renouer avec le goût de l'aventure industrielle et la passion oubliée du Progrès. Cet idéal hérité des Lumières, permettrait de remobiliser l'ensemble de la société par les sciences, les arts, les industries, la médecine, les connaissances et de soulager les conditions de vie des hommes (thème par ailleurs cher aux défenseurs d'un départ en retraite tôt).           
L'histoire peut servir, notamment Condorcet, qui expliquait qu'« avoir foi dans le Progrès c'est croire que la nature n'a mis aucun terme à nos espérances. » Les Trente Glorieuses ont été permises par des crédits importants et une nouvelle stabilité monétaire certes, mais pas seulement, elles reposaient également et surtout par une ambition philosophique tournée vers le Progrès. Jacques Chirac décrivait dans ses Mémoires Georges Pompidou comme un bâtisseur qui avait « le goût de l'aventure et de la découverte, des chemins de traverse et de l'inédit », « parce qu'il avait cette passion de la modernité, il a dessiné une France nouvelle, fidèle à ses traditions les meilleures et fière de son histoire, mais entreprenante et inventive, industrieuse et dynamique ».