Avec la fin des négociations commerciales, « il va y avoir une inflation terrible en mars », anticipe le spécialiste de la consommation Olivier Dauvers. Il nous explique les enjeux du panier anti-inflation défendu par le gouvernement, et lancé, dès ce mercredi, par Système U. Les autres enseignes devraient suivre.

Avant une inflation qui s'annonce « terrible » en mars, les distributeurs sont appelés à créer des paniers de produits « anti-inflation », avec quelques dizaines de références. Photo SIPA

Elle a été la première à dégainer : face à l'inflation persistante, l'enseigne Système U a lancé ce mercredi un panier de « 150 produits à prix coûtant [...] pour une durée indéterminée », selon son président Dominique Schelcher. Concrètement, les magasins U vendront avec la marge légale minimale ces produits, dont de « la farine, des pâtes, de la mayonnaise, de l'huile, du café, du miel, du thon, ou encore des yaourts, lait, pain de mie ou burgers ». Il s'agira uniquement de produit « marque de distributeur ».

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+13,2% sur l'alimentaire en un an

Cette opération commerciale intervient alors que le gouvernement discute avec le secteur d'un « panier anti-inflation », dans un contexte où l'inflation alimentaire a atteint 13,2% sur un an en janvier, selon l'Insee.

La ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire a annoncé travailler sur un « panier anti-inflation » de quelques dizaines de références, qui pourrait servir de base de comparaison entre enseignes. Elle estime que l'initiative de Système U « va dans le sens du projet gouvernemental », et entend « poursuivre les discussions avec les autres enseignes ».

Mais, signe des tensions extrêmes qui règnent sur les prix actuellement, Système U a déjà prévu « d'extraire » 50 références sur les 150 de « son » panier « quand le projet du gouvernement aura abouti ».

Olivier Dauvers
Olivier Dauvers

Olivier Dauvers

Spécialiste de la consommation et de la grande distribution, Olivier Dauvers décrypte pour nous les ressorts de ces « paniers » anti-inflation... et leurs limites. 

Qu'implique le projet du gouvernement ?

Ca n’a pas force de loi, ni même de règlement : c'est simplement le ministère qui dit que « ce serait pas mal de s’engager là-dessus ». Il est dans son rôle : créer les conditions d’une concurrence qui soit très bénéfique aux consommateurs.

Sinon ce n'est pas le cas ?

Si, dans les faits, elle l’est déjà : on reproche souvent aux enseignes d’être trop agressives, trop dans la guerre des prix, etc. Les conditions de la concurrence sont réunies. L'idée c'est de dire « on crée un panier pour accentuer encore les conditions de la compétition ».

Système U est le premier à se lancer... 

Il faut décoder ce qui se passe : ça fait trois semaines que le gouvernement bosse dessus. Et il a du mal à aligner toutes les enseignes, parce que certaines n'aiment pas qu'on leur impose des choses, même ce qu'elles seraient prêtes à faire. Ensuite il y a des entreprises qui veulent ces produits-ci, et des entreprises qui préfèrent ceux-là. Système U a dégainé le premier, comme une façon de dire aux autres : « nous on le fait, à vous ». Il va y avoir une course à l'échalote, mais c'est exactement ce que veut le gouvernement : le second va devoir faire aussi bien, le troisième devra faire encore mieux, etc. 

On parle d'inflation depuis un an, pourquoi maintenant ?

Beaucoup d'opérations avaient été lancées au printemps dernier, mais se sont arrêtées. On était dans une sorte d'entre-deux, parce que quand vous annoncez que vous bloquez un prix, vous devez le tenir ! Là, déjà, là on relance cette lutte contre l'inflation. 

Et il va y avoir un autre effet, plus opportuniste, lié au calendrier des négociations, qui se termineront fin février. En mars, les nouveaux tarifs seront appliqués en magasin, et il va y avoir une inflation terrible. L’idée c’est d’envoyer des contre-feux politiques, des signaux de lutte contre l’inflation en parallèle. En particulier sur les marques de distributeurs, qui sont les produits sur lesquels la grande distribution a le plus de marges de manœuvre. 

Les premiers prix ont beaucoup augmenté... ça fait le jeu des enseignes de hard-discount ?

Il y a peu de marge sur les premiers prix, qui ont subi les augmentations relatives les plus fortes... mais ils restent beaucoup moins cher ! Mais ça ne suffira pas face au hard-discount. Pour schématiser, les deux enseignes qui ont la meilleure image-prix, qui font office de refuge pour les consommateurs, c'est Lidl et Leclerc. Quoi que fassent les autres, leur image prix restera toujours leur meilleure arme.

Les enseignes ont-elles raison de dénoncer la future loi « Descrozaille » ?

Cette loi c’est la volonté politique de redonner le pouvoir de la négociation aux industriels. Et ça va surtout profiter aux « gros », qui ont mis en avant les « petits » pour faire voter une loi qui leur est favorable. Concrètement, en cas de désaccord sur les prix entre Carrefour et Nestlé, par exemple, si Carrefour veut continuer à vendre du Nescafé, il devra le faire au prix fixé par Nestlé [actuellement, c'est le prix des négociations précédentes qui prévaut, ndlr]. C'est là qu’on comprend que c’est à l’avantage des « gros » : Carrefour pourra toujours vivre sans le café de la PME du coin - ou en trouver une autre - mais pas se passer des produits Nescafé. Cette loi est inflationniste, et très pénalisante pour les PME.