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Contrôleur fiscal tué : "Trouver ça normal est intolérable", se désole le directeur des impôts dans l'Hérault

Après la mort d'un inspecteur des impôts, tué par un brocanteur dans le Pas-de-Calais le 21 novembre dernier, Laurent Guillon, directeur des finances publiques de l'Hérault, exprime la peine de toute son administration mais aussi sa colère. Explications. 

Quelle est votre réaction après la mort d'un inspecteur des impôts, tué par un brocanteur, lors d'un contrôle fiscal lundi dernier ? 

Je ne prends pas la parole facilement. Mais cette semaine j'ai eu la nausée. Depuis lundi soir, la DGFIP est en deuil et les 1 450 collaborateurs de la DDFIP de l'Hérault sommes sous le choc. On ne fait pas un métier quel qu'il soit pour en mourir quand on est fonctionnaire de l'Etat. Nous avons perdu un des nôtres, Ludovic Montuelle, dans des circonstances épouvantables. Ça, c'est ma peine. La nausée m'est venue cette semaine à la lecture des réseaux sociaux. À un collègue courageux qui a laissé sa vie pour servir l'intérêt général, des citoyens lâches sous couvert d'anonymat déversent leur fiel. 

Quels sont les mots qui vous ont le plus choqué ?

Je n'ai pas connu la guerre mais quand on traite les agents de la DGFIP d'agents de la Gestapo, ça c'est juste insupportable. "C'est bien fait pour lui", "de toute façon on ne les aime pas", "il a eu ce qu'il méritait"... et j'en passe. Cela montre l'état de notre pays. Ce n'est pas possible. Je devais réagir au nom de mes collaborateurs. Ils n'ont pas à endurer ce genre de haine.  

Rappelez-nous les faits.

Les faits se sont produits le 21 novembre à l'occasion d'un contrôle fiscal classique dans le Pas de Calais chez un brocanteur. Un contrôle fiscal se passe dans l'entreprise de la première à la dernière intervention. Ce qui m'a surpris c'est que la vérificatrice était accompagnée du chef de brigade. C'est une procédure exceptionnelle. On se déplace à deux quand il y a un risque. Le brocanteur avait déjà un passif fiscal.

Le contrôle avait dû être difficile puisque la vérificatrice avait souhaité que le dernier rendez-vous se passe dans les locaux de l'administration. C'est possible à condition que le contribuable l'accepte. Là il l'a refusé. Le chef de brigade a décidé l'accompagnatrice. Cela lui a coûté sa vie. Le contribuable attendait l'équipe. On sait le sort qu'il lui a réservé. 

Il n'existe pas d'autre dispositif ?

L'ensemble des contrôles fiscaux se passe bien. On n'a pas d'autres dispositions particulières. Ce qui s'est passé est dramatique mais exceptionnel. C'est une première depuis que j'exerce en tout cas. C'est pour cela que l'émotion est forte. 

La société vous semble-t-elle plus violente en voyant les réactions sur internet ?

Je suis stupéfait de l'indécence dans ces moments. On ne respecte même pas la période de deuil. Que nous soyons critiqués, d'accord. Mais que l'on trouve normal ce qui se passe est intolérable. 

Qu'a mis en place votre tutelle depuis le drame ?

Après son intervention au Sénat, Gabriel Attal s'est rendu sur place à Arras pour rencontrer les équipes pour apporter un témoignage de réconfort et de soutien. Une minute de silence a été respectée à l'Assemblée nationale 

Vous souhaitez adresser un message aux Héraultais et à vos agents. Quel est-il ?

Je veux rappeler quelle est notre mission et à quoi ça sert de payer un impôt en 2022. On participe à la vie collective de notre pays : permettre à nos enfants d'aller à l'école, se déplacer, accéder à la police et la justice, assurer notre défense, protéger notre liberté... Mes 1450 agents sont à la disposition des Héraultais pour les renseigner soit dans mes services ou dans les Maisons France Service. Une majorité d'Héraultais déclare et paie leur impôt. Ils participent à la vie collective. Je veux les remercier. 

Mon rôle, c'est protéger mes agents. Ils le méritent bien. S'il y a une menace, je saisis le parquet. C'est l'article 40. Ce qui unit nos services, c’est servir, travailler pour l'intérêt général. Ce drame ne nous fera pas dévier de notre route : la droiture.

550 contrôles fiscaux dans l'Hérault

Les contrôles fiscaux s’effectuent sur place ou “sur pièces”. Ils concernent principalement les professionnels et les entreprises. En 2021, 30 000 contrôles ont été réalisés sur place, 250 000 “sur pièces” en France dont 550 dans l’Hérault.

En ce qui concerne les agressions, elles sont en baisse. 130 plaintes d’agents ont été déposées en 2019 contre 44 en 2022. Une baisse des agressions qui s’explique par le recours accru au télétravail, l’accueil sur rendez-vous, les démarches en ligne.

Laurent Guillon rappelle que si le contribuable dénonce une erreur de l’administration, il peut saisir la justice. Les entreprises en difficulté peuvent aussi saisir la commission des chefs des services financiers pour mettre en place un plan de règlement des dettes sur plusieurs années. 30 entreprises de l’Hérault, représentant 1 450 salariés en bénéficient. Il s’agit de TPE comme d’entreprises de plusieurs centaines de salariés.