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Corse : ils jettent des restes humains dans le maquis et finissent au tribunal

Deux croque-morts sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bastia. Une macabre affaire de pieds nickelés plus cocasse que gore.

De notre correspondant à Bastia, Julian Mattei
Deux croque-morts sont appeles au tribunal de Bastia, mardi 6 decembre 2022, car soupconnes d'avoir jete des restes humains dans une decharge sauvage.
Deux croque-morts sont appelés au tribunal de Bastia, mardi 6 décembre 2022, car soupçonnés d'avoir jeté des restes humains dans une décharge sauvage. © PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Temps de lecture : 3 min

Les gendarmes de la brigade de Borgo (Haute-Corse) n'en reviennent toujours pas. Des cercueils jetés à même le sol, au milieu des détritus, assortis d'ossements humains et de corps en décomposition dissimulés dans une demi-douzaine de sacs-poubelle, en plein cœur d'une décharge sauvage. La scène n'est pas celle d'un polar gore ou d'une trilogie criminelle qui fait fureur. Celle-ci s'est produite dans le cadre d'ordinaire enchanteur de la montagne corse, en contrebas d'une petite route qui serpente jusqu'au col de Bigorno, parfois rebaptisé, pour l'occasion, « le col de Bigore ».

Deux croque-morts sont cités à comparaître mardi 6 décembre devant le tribunal correctionnel de Bastia pour cette macabre affaire qui défraye la chronique dans une île ayant érigé le culte des morts en maxime séculaire. La justice leur reproche une « atteinte à l'intégrité de cadavres ».

À LIRE AUSSIGérald Darmanin reporte encore sa visite en CorseL'affaire remonte au 9 avril dernier. C'est le maire du village, Christophe Graziani, qui a découvert le pot aux roses sur la route qui conduit à sa commune. « J'ai l'habitude de m'arrêter à cet endroit, car je sais que des habitants peu scrupuleux de la microrégion y jettent des gravats, raconte-t-il. Seulement, en m'approchant, je ne m'attendais pas à trouver ça. »

Les corps de trois personnes décédées il y a « moins de 50 ans »

Indigné, l'élu poste l'image des cercueils éventrés sur son compte Twitter. L'histoire, déjà sordide, prend un tour plus horrifiant lorsque les gendarmes effectuent les premières constatations : alertés par une insoutenable odeur de putréfaction, les militaires mettent au jour des restes de cadavres.

Découverte de trois cercueils jetés en bordure de départementale 5 reliant Bigorno à Murato. Quelle atrocité! Comment peut-on en arriver là…? La commune se réserve le droit de porter plainte. pic.twitter.com/1z94dVT6fr

— Graziani Christophe (@Chgraziani) April 9, 2022

Le rapport d'enquête, que Le Point a pu consulter, permettra d'établir la présence des corps de trois personnes dont la date de décès est estimée à « moins de 50 ans ». Le plus récent remonterait à 2004. Dans la région, les langues se délient et les regards se tournent rapidement vers un village voisin : début mars, sept corps ont été exhumés d'une chapelle familiale à Campitello. Le propriétaire de la concession en a confié la tâche à une entreprise locale de pompes funèbres. Le gérant, Édouard S., et Mathieu D., un retraité qui arrondit ses fins de mois en lui prêtant main-forte, procèdent au retrait des cercueils en vue d'une crémation. Seulement voilà, trois d'entre eux ont fini dans le maquis.

À LIRE AUSSIÀ Bastia, le port fantôme qui hante la Corse Que s'est-il passé ? Mystère. Face aux enquêteurs, le 19 avril, les deux croque-morts se renvoient gentiment la balle dans une confrontation à fleurets mouchetés. Le gérant explique tout bonnement qu'il a sans doute « oublié » des ossements dans certains cercueils mais qu'il ne savait en aucun cas que son subordonné allait s'en débarrasser de la sorte. Ce dernier assure que, par excès de confiance, il n'a pas cru bon de jeter un œil dans les capitons. Pas même l'odeur nauséabonde ne l'aurait attiré…

« Cette affaire est un énorme quiproquo »

Évidemment, tous deux contestent la thèse d'une exhumation sauvage. « Quand on connaît l'attachement de mon client aux valeurs de la Corse rurale et au respect dû aux morts, on ne peut pas croire qu'il ait pu participer sciemment à cet acte, assure Me Philippe Gatti, conseil de Mathieu D. Cette affaire est un énorme quiproquo qui jette sur lui un opprobre social. » L'avocat du gérant ne dit pas autre chose. « Édouard S. a traversé sa vie professionnelle sans la moindre difficulté, fait valoir Me Emmanuel Maestrini. Ces accusations sont pour lui insupportables. »

Reste à savoir comment ces dépouilles censées être crématisées ont pu se retrouver à la décharge au milieu des gravats. Entre turpitudes cachées et négligences, pas sûr que l'audience apporte toutes les réponses. Les deux hommes encourent jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.