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Coulé, le Foch est-il une « bombe à retardement » pour l’environnement ?

Les 265 mètres de l’ancien fleuron français ont été envoyés par le fond par la marine brésilienne, vendredi, au terme d’un long imbroglio politico-juridique. Le Foch, passé sous pavillon brésilien en 2000, a ainsi fini son interminable carrière, plus de soixante ans après sa construction à Saint-Nazaire (44). La tombe du porte-avions, dont la coque était décrite comme très dégradée par les militaires, est une plaine abyssale profonde de 5 000 mètres. Elle se situe à 350 kilomètres au large du port de Suape, à l’est du pays, sous des eaux sous juridiction brésilienne.

« Une faune et une flore exceptionnelles » dans les abysses

Les potentielles conséquences environnementales d’une telle décision font s’insurger des associations écologistes, bien qu’il soit encore difficile de les évaluer avec précision. « En touchant le fond de l’océan, le Foch aura un impact sur l’environnement local, c’est certain », assure l’océanographe brestois Paul Tréguer, fondateur de l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM). « On sait, grâce aux explorations par robot sous-marin, que les plaines abyssales ne sont pas un désert mais comportent une faune et une flore exceptionnelles adaptées à ces conditions extrêmes. Recevoir sur le dos une charge de 25 000 à 30 000 tonnes va générer une mortalité innombrable chez ces mollusques, algues et crustacés », complète Jacky Bonnemains, porte-parole de l’association Robin des Bois.

Et que va-t-il advenir, sur le long terme, de l’amiante qui compose le calorifugeage de plusieurs kilomètres de tuyauteries ? De ces PCB qui enduisent les gaines électriques ? Du mercure de milliers de néons ? Des peintures aux composés toxiques, qui couvrent des hectares de cloison ? Des hydrocarbures et lubrifiants résiduels ? Pour l’association Robin des Bois, « la corrosion et l’érosion vont entraîner une décomposition de l’épave et une libération lente et perlée de toutes les substances qui vont être ingérées par des poissons, des baleines, pendant des décennies. Il s’agit d’une catastrophe sur le long terme ».

« Moins d’oxygène et donc moins d’oxydation »

La forte profondeur à laquelle va s’éroder le Foch « est quand même moins défavorable que s’il avait été coulé sur le talus continental », nuance Christophe Logette, directeur du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), à Brest. « On compte moins de biodiversité à cette profondeur et aussi moins d’oxygène. L’action d’oxydation sur le porte-avions va donc être plus limitée », poursuit-il.

Autre sujet de débat : l’amiante. À l’air libre, les fibres que l’on respire sont dangereuses mais dans l’eau, l’amiante se refossiliserait facilement, décrivaient des scientifiques du Cedre en 2009. Jacky Bonnemains a un avis contraire. Il explique qu’avec les effets de la pression, de la corrosion et des courants sous-marins, « il est impossible que l’amiante puisse rester intègre ».

Le porte-parole de Robins des Bois martèle que le Foch, en tant que « bateau toxique », « aurait dû être traité à terre dans des conditions rationnelles ». Le porte-avions rejoint, d’après lui, les épaves de navires militaires coulés lors des deux guerres mondiales, parmi les « bombes à retardement » qui relâchent des hydrocarbures régulièrement. Agir sur une éventuelle fuite du Foch serait d’ailleurs difficile à cette profondeur, selon Christophe Logette : « En coulant le bateau, le mal a été fait, si je puis dire ? ».

Quel impact pour la Guyane ?

La Guyane française, voisine du Brésil, pourrait-elle être touchée ? « Le Foch est devenu une décharge sous-marine. Au gré des courants ascendants, les résidus toxiques vont remonter jusqu’au large de la Guyane et des îles Caraïbes », avance Jacky Bonnemains. Paul Tréguer relativise, lui, l’importance de l’impact que pourrait avoir la pollution du Foch, à l’échelle de l’océan. « À 5 000 mètres de profondeur, où gît le Foch, le volume dans lequel se diffusent les différents polluants est immense ».

Coulé, le Foch est-il une « bombe à retardement » pour l’environnement ?