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Coupe du monde 2022: avant France-Tunisie, les Bleus dans les bonnes traces de 2018

Il y a la petite histoire : le «vive la France et vive la République» lâché pour la galerie par Antoine Griezmann au micro de TF1 samedi, lointain écho des postures patriotiques déjà un peu forcées essaimées dans la dernière ligne droite du titre de 2018 en Russie. Et il y a la note profonde, intense : le retour de Raphaël Varane dans l’équipe pour le match contre la sélection danoise samedi, soldé par une victoire (2-1) qui rend le dernier match de poule ce mercredi contre les Tunisiens (1) à Doha anecdotique sur le plan comptable, puisque les Bleus sont déjà en huitième de finale. Un détail qui n’en est pas un : le défenseur mancunien aux 88 sélections a paru surpris de son remplacement à la 75e minute de la partie. A la Varane, équanime, mais une manière d’interrogation dans le regard quand même, un temps de suspension. Une demi-heure plus tard, le même, revenu en express dans le groupe pour le Mondial après une blessure aux ischio-jambiers fin octobre, est venu faire la claque dans un couloir du stade 974. Il fallait lire entre les lignes.

Varane: «J’espère monter en puissance»

«J’ai pensé que c’était terminé pour le Qatar quand je me suis blessé, a-t-il expliqué. Vous savez, une carrière professionnelle, ce sont des hauts, des bas… J’ai énormément bossé pour être là ; les soins, les efforts… ça a été très, très difficile. Il aura fallu y mettre beaucoup de rage. Mais c’est ce qui m’a permis d’être ici. Je n’ai pas eu d’appréhension [d’une éventuelle rechute], non. [...] A partir du moment où le coach me met, c’est que je suis prêt. Après, je reprends la compétition. Donc oui, je ne suis pas à 100 % physiquement et j’espère monter en puissance. Il y a des discussions quotidiennes avec le coach. Il sait où j’en suis sur le plan physique, sur le plan mental aussi… On parle. Après, il prend la décision.»

En clair, revoilà à la fois cette doctrine de la valeur morale de la douleur, qui a toujours porté un joueur ayant dû composer très jeune avec les blessures, et la remontée des relations tortueuses entre Didier Deschamps et son vice-capitaine. Soit le fond de sauce de 2018 : le véritable récit d’un titre qui s’est tramé non pas quand Kylian Mbappé & co ont fait tourner les serviettes, mais lors des deux rencontres – contre l’Uruguay en quart de finale, la Belgique en demi – où Varane a chaussé ses bottes de sept lieues et fait gagner les Bleus. Même à ces altitudes et à ce degré d’exposition médiatique, le foot sait garder ses secrets.

Et Varane est cette histoire clandestine. Pour ce que l’on peut en voir, il s’en accommode. Mais parfois, les coutures craquent. En Russie, il avait expliqué en vouloir à Deschamps de ne pas l’avoir pris pour l’Euro 2016 alors qu’il s’estimait remis de sa blessure à la cuisse, le reflet inversé de 2022. Le sélectionneur tricolore lui a cette fois-ci laissé le temps – et le crédit – de la rémission. Les deux hommes savent ce qu’ils se doivent l’un l’autre, mais il subsiste une défiance, ou un antagonisme, on ne sait trop, et le fait que le Lillois de naissance compte parmi les cinq ou six joueurs avec lesquels l’entraîneur des Bleus prend la peine d’échanger quotidiennement n’y change rien.

La légèreté retrouvée de Griezmann

Le retour de Varane, 29 ans, est un signe puissant : le titre de 2018 comme une trace. Elles se transforment, elles s’effacent mais elles sont là pour qui sait les voir, comme en surimpression. La réapparition du vice-capitaine de 2018 n’est pas le premier tournant. Celui-ci remonte au 20 novembre au matin et au moment où Karim Benzema a mis le pied dans le Boeing 787 pour Madrid. D’où que l’on se tourne dans l’entourage de ceux qui défendent le maillot tricolore au Qatar, le son de cloche est toujours le même : «Sans qu’il y soit pour grand-chose», précise l’agent de l’un des présents, la stature sportive du récent Ballon d’or obstruait le paysage. Et plus prosaïquement celui d’Olivier Giroud, qu’elle renvoyait dans les limbes des remplacements de fin de match.

Elle a aussi, depuis le rappel du Madrilène chez les Bleus en 2021, rogné les ailes d’Antoine Griezmann. Le genre de contrariété qui n’échappe pas à un joueur que Deschamps a conforté tant et plus, l’alignant pour la soixante-neuvième fois de suite samedi et donnant l’impression de lui chercher un rôle sur mesure au fil des variations de l’état de forme du colchonero. Difficile encore de définir les contours précis du départ de Benzema. Mais certains faits interpellent, comme l’absence de communication auprès de certains joueurs confessant avoir «appris ça comme tout le monde à l’heure du petit-déjeuner» (Aurélien Tchouaméni, son partenaire au Real) ou l’exfiltration pour le moins express d’un joueur qui avait passé une IRM à la clinique Aspetar de Doha jusque tard dans la nuit.

L’impression demeure, y compris du côté du Ballon d’or, d’une page vite tournée. Et la coulisse bruisse d’une seconde blessure légère, qui ne le condamnait pas sur toute la compétition. Après, à notre connaissance, aucun joueur n’a formulé quoi que ce soit publiquement sur ce sujet. Ni eu besoin de le faire, il est vrai. Giroud a ressurgi pour passer l’épaule. Griezmann a retrouvé quelque chose de sa légèreté et de sa fantaisie, qui devront cependant être mises à l’épreuve de ce qui leur tombera dessus à partir du huitième de finale dimanche, puisque personne n’a jamais été champion du monde à l’issue du premier tour.

Les nuits sans fin et les virées à Marrakech de Dembélé

Et Ousmane Dembélé s’est réinvité dans le paysage. Reprenant le fil du récit de 2018 : un premier match pour le natif de Vernon (Eure), face à l’Australie déjà, et une place sur le banc ensuite, sur l’autel des efforts défensifs et du froid réalisme jugés nécessaire pour aller au bout du tournoi. C’était du moins la version officielle. Au vrai, Dembélé avait plus défendu que Griezmann et Mbappé à Kazan mais, puisqu’il n’était pas jugé aussi indispensable que les copains, il avait payé le prix tout seul. Et rongé son frein en marge de l’équipe jusqu’au bout du Mondial russe, neutralisé par le bon parcours des Bleus et sa proximité avec Mbappé. Invité à s’exprimer devant les micros à Doha, l’attaquant du FC Barcelone est revenu sur cet épisode pour prendre sa part : «Je restais sur une année compliquée, j’étais souvent blessé, j’avais 21 ans… Mon match raté de 2018 me coûte ma place.» Au temps pour moi.

Durant les quatre années qui ont suivi, Dembélé a servi d’anti-modèle : l’hygiène de vie, les nuits sans fin, les virées à Marrakech et le reste. Pour autant, on confesse s’être toujours méfié des bruits le concernant, sans doute à l’aune de cet arbitraire originel augmenté de l’utilisation médiatique que le staff tricolore en avait fait : un conte de fées pour grandes personnes.

A Doha, on a croisé un Dembélé très différent. Très investi dans les tâches défensives, au point de se faire chambrer par Tchouaméni en plein match («Non mais qu’est-ce qu’il te prend ?»), on a également vu un autre homme, loin du type un peu sauvage qui vous regardait de biais si vous aviez le malheur de lui demander s’il est droitier ou gaucher – il est aussi fort sur ses deux pieds. Sur cette Coupe du monde ouverte à tous les vents : «Tu peux avoir n’importe quel statut en arrivant ici, si tu baisses un peu d’intensité, tu es mort. Tout le monde sait jouer au foot, tout le monde travaille tactiquement. Après, si nous, on met l’intensité, avec les qualités individuelles que l’on a dans l’équipe, on n’a pas de souci à se faire.» Sur son image joyeuse et fédératrice, une vision que les joueurs assument rarement parce qu’elle occulte le terrain au bénéfice de considérations périphériques : «Il y a énormément de chambreurs dans cette équipe, vous savez (sourire). Je ne sais pas… J’aime la bonne ambiance, que tout se passe bien. En 2018, c’est le groupe qui a gagné la Coupe du monde mais il faut des individualités aussi, on ne va pas le cacher. Il faut savoir quand être sérieux, et quand déconner.»

Les silences de Mbappé

Sur lui-même et ses prétendues frasques catalanes : «Ecoutez, j’avais quoi ? 19, 20, 21 ans… J’ai 25 ans aujourd’hui et beaucoup de choses ont changé. Je suis plus responsable [il est père de famille depuis septembre, ndlr]. Après, cette question, il faut la gommer. J’ai entendu de ces trucs… Ce n’était pas la fête non plus, croyez-moi.» Un joueur augmenté, rendu songeur par l’expérience, les blessures à répétition et la rumeur publique. Mbappé, lui, a passé outre. Muet publiquement depuis des semaines, il avance, pour ce que l’on en sait, sans un regard pour le trip de 2018. Le Parisien est ailleurs. Et le grand jeu à Doha consiste à savoir où : chaque hypothèse fait l’objet de spéculations et d’exégèses portant sur ses attitudes lors des matchs ou les dernières prises de parole, réelles ou supposées, de son entourage. Varane a peut-être bien parlé de ça lundi : «Il faut éviter les comparaisons avec 2018. C’est un autre moment, d’autres adversaires, des états de formes ou des joueurs différents. Vous devez répondre présent sur l’instant. Chaque tournoi raconte sa propre histoire.» Les Bleus sont encore à des kilomètres d’un titre mondial. En pensée, Mbappé est quelque part sur ce chemin-là. Un peu devant, en éclaireur.

(1) Coup d’envoi à 16 heures, en direct sur TF1 et BeIn Sports