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Coupe du monde 2022 : avec Gareth Southgate, les Anglais mangent du lion

Dans le monde du football où l’on vous enterre aussi vite que l’on vous glorifie (et inversement), le vent a vite fait de tourner. Il y a encore un mois, l’Angleterre était au fond du trou. Cadres en manque de temps de jeu en club, joueurs blessés, attaque muette… Rien ne semblait aller, au moment de débarquer au Qatar, en dépit d’un effectif de luxe. Les Three Lions restaient sur six matchs sans victoire, dont une rouste contre la Hongrie (0-4) en juin, la plus large défaite à domicile depuis 1928. Consultants, supporteurs, médias… Ils étaient nombreux à dénoncer un jeu trop défensif et inefficace. La tête du coach, Gareth Southgate, était même mise à prix par certains.

Un mois, trois victoires et une qualification en quarts de finale plus tard, dans un Qatar pourtant connu pour son aridité, les éloges pleuvent à nouveau. L’Angleterre est, avant d’affronter la France ce samedi, la meilleure attaque du Mondial à égalité avec le Portugal (12 buts marqués) et n’a encaissé que deux petits buts. De quoi faire taire même les plus négatifs. «On a été silencieux face aux critiques. Avant la Coupe du monde, on nous disait qu’on ne marquait pas assez de buts ou qu’on défendait mal et qu’on en prenait trop. On a montré lors des derniers matchs que nous étions solides et on va continuer», lâchait le milieu Declan Rice, revanchard à la sortie du huitième contre le Sénégal.

Gareth Southgate, manager «brillant»

Le trou d’air de l’avant Coupe du monde mis à part, retrouver aujourd’hui l’Angleterre taper à la porte du top 4 mondial n’a rien d’une surprise. Depuis les échecs de 2014 (élimination en phase de groupe avec un seul point en trois matchs) et de 2016 (sortie en huitièmes de finale de l’Euro par l’Islande) marquant la fin de la génération des Lampard, Gerrard et Rooney, les Three Lions ont repris des couleurs. Demi-finalistes du Mondial 2018 en Russie, finalistes de l’Euro 2021 chez eux et désormais quart de finalistes au Qatar, les Anglais ne se sont jamais autant rapprochés d’un titre qui les fuit depuis 1966.

Ce retour en grâce, les Three Lions le doivent en grande partie à un homme : Gareth Southgate. Evoquer son nom au camp d’entraînement des Britanniques à Al-Wakhra, au sud de Doha, c’est s’assurer d’entendre des louanges en tout genre. «C’est notre meilleur manager depuis les années 90, sans l’ombre d’un doute, assure Jeremy Armstrong du Daily Mirror. Je ne comprends pas comment certains aient pu penser une seule minute à le mettre dehors. Il est brillant, on ne le respecte pas assez pour ce qu’il a fait !»

Quand il débarque en 2016, Gareth Southgate n’a pourtant rien du sauveur espéré. Son expérience sur un banc de touche est très relative : trois ans dans la modeste équipe de Middlesbrough et autant au chevet de la sélection des moins de 21 ans anglais. Rapidement pourtant, la recette de l’ancien défenseur central fait mouche. Plus que d’imposer sa tactique ou sa vision du foot, l’entraîneur cherche avant tout à créer chez les Three Lions une «ambiance de club». Là où les tensions sont jusque-là légion, Southgate cherche à apaiser et à unifier un vestiaire de clans, où, dit-on, les joueurs des grandes équipes anglaises ne se mélangeaient pas entre eux.

Tournois de fléchettes

International anglais entre 1995 et 2004 (57 sélections), le quinquagénaire sait d’expérience ô combien les médias britanniques se font un malin plaisir de taper sur les Three Lions au moindre faux pas. Alors, une fois en poste, il fait aussi en sorte de pacifier les relations entre joueurs et journalistes. A chaque grande compétition depuis 2018, un tournoi de fléchettes est par exemple organisé : avant les conférences de presse quotidiennes, un footballeur et un reporter s’affrontent en trois lancers. Le vainqueur permet à son clan de remporter une manche. Une façon de créer lien et empathie entre deux mondes parfois opposés. Mercredi, les footballeurs menaient sept manches à trois.

Dans la même veine, au centre d’entraînement des Three Lions où cohabitent bureaux, billards, baby-foot et jeux vidéo, des joueurs sont régulièrement mis spécialement à disposition des journalistes britanniques, répartis en petits comités par type de média (quotidiens, magazines, radio, télévision). La presse étrangère n’est, elle, que conviée aux conférences de presse. «Quand un joueur nous consacre du temps, on est amenés à mieux le comprendre. Ça t’apprend à connaître la personne qu’il y a derrière le footballeur. Et forcément, c’est plus dur de ne pas l’aimer et de le critiquer. Encore plus quand les résultats suivent», analyse Neil Squires du Daily Express.

Les joueurs aussi semblent séduits par la méthode du «manager» qu’ils invoquent à tout-va. «Je pense que les gens sous-estiment Southgate. Il faut lui donner du crédit pour ce qu’il a fait. Depuis que je suis là, il a été fantastique pour l’Angleterre», défendait le milieu de Manchester City Kalvin Phillips jeudi face aux médias.

Jeunesse dorée

Aussi importante soit elle, la bonne ambiance ne fait pas tout. Gareth Southgate est aidé par une flopée de jeunes ultratalentueux qu’il n’a pas peur de responsabiliser : en six ans, il a offert leur première sélection à 50 joueurs, dont 13 de moins de 21 ans. Contre le Sénégal, Jude Bellingham (19 ans) et Declan Rice (23 ans) étaient titulaires au milieu, les fusées Bukayo Saka (21 ans) et Phil Foden (22 ans) l’étaient sur les ailes. En dehors de Rice, tous ont été impliqués directement dans au moins un des trois buts marqués.

«Ils jouent avec un courage que nous n’avions probablement pas à leur âge, ils n’ont peur de rien, notait le défenseur Kyle Walker, 32 ans, mercredi. Il faut remercier le coach qui leur donne l’opportunité de s’exprimer ainsi.» A ces jeunes pépites matures avant l’âge, ajoutez des joueurs d’expérience qui ont roulé leur bosse dans le championnat anglais (Walker, Henderson, Maguire), un serial buteur (Kane) et un banc all star (Grealish, Rashford, Sterling, Alexander-Arnold) et vous obtenez une équipe complète candidate légitime au titre si elle tourne bien.

Avant l’arrivée de Southgate, les Three Lions n’avaient, en cinq décennies, jamais fait mieux que des demi-finales (Coupe du monde 1990 ; Euros 1968 et 1996). Une interminable disette qui fait tache pour ceux qui se considèrent comme les inventeurs du jeu. En six ans, le manager a déjà fait mieux, remportant au passage autant de matchs à élimination directe en grande compétition avec l’Angleterre (6) qu’entre 1968 et 2016. Reste encore cependant une dernière étape : réussir à vaincre la malédiction qui semble suivre la sélection depuis 1966 pour que les fans puissent enfin chanter It’s Coming Home sans se ridiculiser. Cela passe forcément par une victoire contre la France samedi.