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Coupe du monde 2022 : Ce match contre la Pologne a des (gros) airs de France-Paraguay 98

De notre envoyé spécial à Doha,

L’heure du grand vertige a sonné. Avec ce huitième de finale contre la Pologne, ce dimanche après-midi, à l’heure où l’on digère habituellement dans le rocking-chair le poulet frites de grand-maman, les Bleus entrent de plain-pied dans ce que la Coupe du monde a de plus beau à offrir à nos petits cœurs d’enfants. Ces matchs à élimination directe qui peuvent à eux seuls décider du baromètre émotionnel de tout un peuple pour les semaines à venir, ces matchs où tout peut devenir possible ou, au contraire, tout peut s’arrêter net. « L’équipe a conscience de l’évènement, de rentrer dans une nouvelle phase dans ce tournoi. Si tu perds, tu rentres à la maison », rappelait justement Lloris vendredi en conf. Après l’Uruguay il y a quatre ans, place cette année à l’aigle blanc polonais, monocéphale, lui, de part sa seule véritable arme létale, mais quelle arme, Robert Lewandowski.

Quitte à faire appel à nos souvenirs de 8es de finale passés, laissons de côté ce match en terre russe, quoique lui aussi similaire à plein d’égard du fait du profil des deux équipes, pour faire un salto arrière sur la flèche du temps et revenir un jour de 28 juin 1998, sous le cagnard lensois. Ce jour-là, les Bleus affrontent un Paraguay que personne n’attendait à ce stade de la compétition, un peu comme la Pologne aujourd’hui, et leur totem d’immunité José Luis Chilavert. Ce jour-là, un peu comme aujourd’hui, les Bleus savent pertinemment ce qui les attend au bout du couloir qui mène à la pelouse du stade Bollaert : un combat de mammouth, de la sueur, du sang et des larmes (de joie ou de crocodile).

Chilavert d’un côté, Lewandowski de l’autre

Au bout du fil, Henri Emile valide notre comparaison. « Nous, on craignait leur gardien de but, José Luis Chilavert, qui était présenté comme un phénomène à l’époque. Aujourd’hui, ce n’est pas le gardien mais l’avant-centre qui représente le danger numéro 1, explique l’homme à tout faire de Jacquet en 98. Le parallèle marche bien en ce sens que ce n’est pas tant l’équipe en elle-même qui peut faire peur, mais l’un de ses éléments qui est largement au-dessus du lot. Même si, les Polonais, comme les Paraguayens à l’époque, ont aussi en commun le goût du combat. »

C’est aussi ce que nous ont répété tour à tour Hugo Lloris et Didier Deschamps, vendredi, lors de la conférence de presse d’avant-match. « C’est une équipe qui aime bien défendre, qui aime bien souffrir, j’ai même l’impression qu’ils prennent du plaisir là-dedans », a décrit le capitaine et gardien de but de l’équipe de France. Le sélectionneur valide le propos, mais ne veut pas résumer les Polonais à de vulgaires armoires à glaces fossoyeuses de football (ce qu’ils sont pourtant assurément, on a des yeux, on les a vus jouer).

« Cette équipe a été amenée, sur ses trois matchs en poule, à beaucoup défendre et elle défend très bien. Je dirais même qu’elle aime ça, et même qu’elle adore ça. Mais il ne faut pas la limiter qu’à ça, s’est essayé DD. C’est une équipe compétitive, avec un noyau dur de joueurs qui ont une bonne expérience internationale, avec plus de 100 sélections ou pas loin, les Szczesny, Glik, Lewandowski, Krychowiak, Zielinski, Grosicki… Et des jeunes qui sont à la hauteur. Il faut respecter ce qu’a fait cette équipe. Mes joueurs savent que, dans l’abnégation, il y a du répondant, mais ils ont aussi beaucoup d’arguments offensifs. »

On peut (parfois) faire confiance au sélectionneur pour dire ce qu’il pense et penser ce qu’il dit, et on ne doute pas une seule seconde qu’il prend cette équipe très au sérieux. S’il assure ne pas avoir évoqué l’élimination de ses Bleus par la Suisse il y a un peu plus d’un an à Bucarest à l’Euro, une source de « stress » dont il veut dispenser ses joueurs, Hugo Lloris a tout de même confié que le coach avait eu « des mots importants » avant ce premier grand rendez-vous de l’été… De l’hiver, pardon. Décidément on ne s’y fera jamais. Pas d’excès de confiance à prévoir du côté des champions du monde, donc.

Les Bleus s’y voyaient déjà

Tout l’inverse de 98. « C’est vrai qu’on ne les craignait pas à outrance », confesse Henri Emile. Doux euphémisme quand on se remémore cette séquence mythique du documentaire non moins mythique Les yeux dans les Bleus, où l’on voit un Marcel Dessailly décontracté au possible monter les escaliers grinçants du château de Clairefontaine et annonçant à son interlocuteur au bout du fil : « On passe les huitièmes et on va voir ce qu’il va se passer. On espère aller le plus loin. Ben après on joue à Paris, c’est bien. » Serein le Marcel. Sauf que de Paris et du Stade de France, il a bien failli ne jamais en être question.

Poussés en prolongation par des Paraguayens qui n’attendaient qu’une chose, que Chilavert élimine les Bleus à lui tout seul lors de la séance de tirs au but - « Si on atteignait les tirs au but, j’étais convaincu qu’on allait se qualifier », confiera-t-il à L’Equipe il y a cinq ans de cela - les Bleus n’ont dû leur salut qu’à un coup de pied libérateur de Laurent Blanc à la 114e minute. « Heureusement que Lolo a inscrit le seul but en or de toute l’histoire de la Coupe du monde, parce qu’on voulait à tout prix éviter d’arriver aux tirs au but. On savait qui il y avait en face », sourit Emile.

Samedi, c’est un autre affreux jojo qui sera dans les bois de la Pologne. Et s’il n’est pas aussi adroit sur coup franc que le légendaire gardien paraguayen, il se débrouille pas trop mal sur sa ligne jusqu’ici. En plus du péno de Messi (très bien) détourné lors du dernier match face à l’Argentine, Szczesny est en lévitation depuis le début de la compétition. « Il réalise un tournoi fantastique et je pense que si la Pologne est en huitième de finale, elle le doit notamment à son gardien de but », a déclaré Lloris, qui arrive donc à avoir des avis tranchés pour peu qu’on ne lui parle pas de droits humains ou des LGBT+.

Zidane leur avait manqué en 98

Mais qu’on se rassure, ce scénario irrespirable de 98 n’arrivera pas aux Bleus 2022 si l’on en croit l’ancien intendant d’Aimé Jacquet. « Ça va être peu ou prou la même configuration que pour nous à l’époque, ils vont chercher à se créer des espaces qu’ils n’auront pas ou peu, puisque les Polonais vont jouer regroupé derrière. Ce sera donc impossible, ou du moins très difficile, d’arriver lancé, de joueur en profondeur, mais techniquement on a des joueurs qui peuvent faire la différence. Je ne pense pas que ça ira en prolongations ».

Il ne le pense pas et ne le leur souhaite pas. Question de santé mentale. « Plus les minutes passaient et plus on sentait la peur montrer, rembobine-t-il. Je me souviens du contraste entre le bruit de Bollaert et le silence sur le banc de touche, personne ne parlait, on était en apnée. » « Mais il y a une grosse différence entre ce match et celui de samedi, tempère Riton avant de raccrocher. C’est que nous, on n’avait pas Zidane [suspendu deux matchs après son rouge contre l’Arabie saoudite]. Eux, ils auront Kylian Mbappé. Et ça change tout ».