France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Coupe du monde 2022 : « Depuis les 8es, c’est vraiment parti »… Les Français commencent à prendre la vague bleue

Bien que les Bleus séjournent depuis trois bonnes semaines au Qatar, et qu’ils ne comptent pas rentrer au pays tout de suite, ils n’ont pas coupé le lien avec la mère patrie. « Si j’en crois les nouvelles venues de France, c’est une équipe qui plaît », a ainsi lâché mardi Guy Stéphan en conférence de presse, deux jours après le 8e de finale de Coupe du monde joliment maîtrisé contre la Pologne (3-1) et quatre avant l’affriolant quart face à l’Angleterre.

Pour les signes extérieurs de ferveur, on attendra sans doute une édition disputée l’été, avec terrasses pleines et calicots dans les rues, même si les fans marocains ne se posent pas ce genre de questions. Mais le fidèle adjoint de Didier Deschamps peut s’appuyer sur des chiffres : d’après Médiamétrie, 14,32 millions de téléspectateurs en moyenne (soit 68,9 % de part d’audience) ont regardé Kylian Mbappé et les siens dominer la bande à Robert Lewandowski sur TF1 (beIN Sports, qui diffuse tous les matchs du Mondial, ne communique pas ses chiffres). Un record pour 2022.

« Nous sommes hypercontents des audiences, assure Julien Millereux, directeur des sports du groupe TF1. Sur les quatre premiers matchs des Bleus, nous avons eu 11,8 millions de téléspectateurs en moyenne contre 11,1 millions en 2018 en Russie. Plus de 50 millions de Français ont déjà regardé la Coupe du monde à ce stade. Beaucoup d’éléments rendent la comparaison difficile mais nous sommes extrêmement contents du côté puissant et fédérateur de cette compétition. »

Les « éléments » en question ? Les matchs se jouent en novembre – décembre, dans une ambiance raclette-tisane moins propice aux loisirs que la traditionnelle période barbecue – rosé de juin-juillet. Le coup de boule de Zizou lors de la finale 2006 ? Vu en direct depuis le jardin d’une copine, au milieu d’une trentaine de convives dont on ne connaissait peut-être que le tiers. La volée de Pavard face à l’Argentine en 8es, en 2018 ? Vécue au bord de la piscine d’un pote, une boisson houblonnée à la main.

Chaque souvenir marquant de notre vie en Bleu est associé à une image d’été ensoleillé (oui, je viens du Sud, comme le chante l’un de nos plus éminents artistes), pas à l'ambiance hivernale actuelle avec plaid et/ou chat sur les genoux.

Autre « élément », Médiamétrie calcule désormais ses audiences différemment, en incluant pour la première fois les visionnages hors domicile ou sur appareils mobiles.

Les cafés s’y mettent aussi

Ce « oui mais » ne doit cependant pas masquer le constat d’un engouement croissant, ressenti aussi dans les bars et restaurants, selon Laurent Lutse, de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie). « Au début, c’était un peu timide, mais depuis les 8es de finale, c’est vraiment parti, indique le président national de la branche cafés, brasseries et monde de la nuit du syndicat patronal. On sait très bien que quand il y a du foot et que l’équipe de France passe ce cap des 8es, les établissements qui diffusent les matchs peuvent faire entre 30 et 40 % de chiffre d’affaires supplémentaire. »

« Pour passer à côté de la Coupe du monde, il faut habiter dans une grotte ou en Laponie », sourit Fabian Tosolini. Ce membre fidèle des Irrésistibles Français (IF) a poussé derrière les Bleus jusqu’au titre en 2018 en Russie. Cette fois, il n’a pas fait le déplacement et ne regarde même pas les matchs. Il fait partie de ceux qui boycottent un événement pas vraiment centré sur le respect des droits humains et de l’environnement.

Pas facile de boycotter

« C’est dur, mais je m’y tiens, assure-t-il. Les valeurs que représente cette Coupe du monde ne sont vraiment pas les miennes. Samedi, je ne sais pas comment je vais faire tellement on va parler du quart de finale partout. J’irai peut-être au cinéma. » De toute manière, que l’on se passionne ou pas pour ce Mondial, tout se passe à l’intérieur actuellement en France métropolitaine, avec une météo qui ne fait jubiler que les stations de ski et les climatosceptiques. Par expérience, Fabian Tosolini sait que « le supporteur français commence vraiment à tomber amoureux de son équipe quand elle arrive dans les matchs éliminatoires. Ça va monter en pression samedi et ça peut être la folie en demie et pourquoi pas en finale. »

D’ailleurs, la plus jeune de ses filles, âgée de 13 ans, « a craqué dimanche alors qu’elle m’avait suivi pour les matchs de poule ». « Je suis prêt à parier que des villes qui nous expliquaient hier qu’il fallait boycotter et ne pas mettre d’écran géant se plieront à la pression de leurs administrés », ajoute Fabien Tosolini avec une jolie pointe d’ironie.

Forcément, en décembre, les écrans géants, c'est à l'intérieur.
Forcément, en décembre, les écrans géants, c'est à l'intérieur. - François Greuez / Sipa

Quelques écrans commencent en effet à germer, de-ci, de-là. Nevers et Charleville-Mézières vont ainsi se lancer ce samedi. Amiens l’avait envisagé, avant de se rétracter afin « d’éviter de créer de grands rassemblements qui pourraient favoriser la transmission du Covid » (chouette époque, vraiment). Châteauroux et Saint-Nazaire embraieront en cas de présence de la France en demi-finales.

A Mende, c’est déjà fait depuis le match contre la Pologne, retransmis à l’espace événements Georges-Frêche. « Ce n’était pas folichon pour les 8es de finale, avec une centaine de personnes un dimanche à 16 heures, reconnaît Laurent Suau, le maire du chef-lieu de la Lozère, qui se rappelle des 1.000 spectateurs lors du sacre des Bleus face à la Croatie en 2018. Ça va monter petit à petit. Je suis persuadé que samedi soir contre l’Angleterre, il y aura bien plus de monde. »

Regarder les matchs « ensemble » et au chaud

L’édile mendois ne s’inscrit pas dans la lignée des métropoles adeptes du boycott, de Paris à Lyon en passant par Lille, même s’il reconnaît sans peine que les griefs contre le Qatar sont « justifiés ».

« La discussion sur l’attribution de ce Mondial, c’était il y a douze ans qu’il fallait l’avoir, pas aujourd’hui, objecte-t-il. Chez nous, le sport est vraiment un vecteur de cohésion sociale dans une ville de 13.000 habitants. Cela permet de vivre dans une ville apaisée et je cultive ça. Ensuite, nous sommes en moyenne montagne, entre 700 et 900 m d’altitude, c’est l’hiver, il a fait -7 °C ce matin [jeudi]. Contrairement à une Coupe du monde qui se passe en juin-juillet, on n’a pas les terrasses de café. Je revendique que l’on puisse proposer cette salle, où les gens peuvent se retrouver pour regarder le match ensemble, dans un endroit où il ne fait pas froid. »

600 km plus au nord, au siège de TF1, le paysage est radicalement différent, mais pas le discours. « La Coupe du monde est un événement fédérateur, facteur de cohésion sociale, alors qu’on sort du Covid et qu’il n’y a pas que des bonnes nouvelles dans le monde », euphémise Julien Millereux, pour lequel le soutien des Français pour leur équipe nationale n’a pas ressuscité lors des phases de poules à Doha.

« J’ai assisté à France – Autriche [2-0, le 22 septembre] et il y avait une ambiance formidable au Stade de France, assure le directeur des sports. C’était précurseur de l’engouement actuel. De plus, on a une génération pleine de fraîcheur, avec des joueurs qui n’avaient pas forcément vocation à être titulaires, des stars comme Kylian [Mbappé], Giroud et Lloris qui battent des records. »

Il est "THE LAST WEAPON", le seul homme qui peut arrêter les guerres, éradiquer la pauvreté, et rattraper Kylian Mbappé. Kyle "superman" Walkerhttps://t.co/ml5AEzRPZo

— J.Laloye (@Zonemixte) December 7, 2022

Le « boycotteur » Fabien Tosolini adhère à la thèse : « Cette équipe dégage une vraie sympathie. Elle est passée à travers un certain nombre de difficultés avec les forfaits de cadres comme Kanté, Pogba, [Lucas] Hernandez ou Benzema. Elle a fait bloc, ça se ressent et c’est partagé par les Français. »

Cette équipe entre dans les cœurs et les foyers, où elle apporte une chaleur bienvenue en ces temps de thermostat bloqué à 19 °C. Tout semble réuni pour que la ferveur monte crescendo dès samedi face à l’armada de Kyle Walker, l’arme fatale anti-Mbappé selon nos voisins d’Outre-Manche. « Pour un France – Angleterre, en football comme en rugby, il y a quand même une rivalité, reprend Julien Millereux. C’est une affiche de prestige, un quart de finale. On n’a pas de chiffre en tête précisément mais plus on avance dans la compétition, plus les audiences ont vocation à monter encore d’un cran. » Encore un peu, et l’on sortira sur les places et dans la rue pour célébrer comme en juillet. Juste un peu plus couverts.