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Coupe du monde 2022 : La dure réhabilitation du maillot de la Seleção après son instrumentalisation par Bolsonaro

De notre envoyé spécial au Qatar,

Lula a remis ça. Comme après chaque victoire du Brésil en Coupe du monde depuis son retour à la présidence du pays, l’ancien métallurgiste a posé sur ses réseaux avec le maillot de la Seleção dans la foulée du 4-1 contre la Corée du Sud. « Je continue de croire que nous pouvons être champions du monde en jouant avec la même sérénité qu’en première période », peut-on l’entendre dire dans sa plus récente vidéo, où il rend aussi hommage à Pelé.

Peu importe le contenu, ce sont ici bel et bien les apparences qui comptent. Car depuis le mandat de Jair Bolsonaro, revêtir le maillot de la « Canarinha » est devenu synonyme de soutien à l’extrême-droite. La récupération politique a atteint son paroxysme lors de la dernière présidentielle, quand l’adversaire de Lula appelait ses partisans à porter un maillot du Brésil pour aller voter.

Une appropriation digne « des nazis » selon Juninho

En toute logique, certains supporters et sympathisants de gauche ou modérés regrettent l’appropriation des couleurs brésiliennes par l’ex-président, au point de prendre leurs distances avec le maillot de l’équipe nationale. Ce qu’explique très bien l’ancien Lyonnais Juninho, pro-Lula, à 20 Minutes.

« Bolsonaro a fait ce qu’ont toujours fait les extrémistes de droite, c’est-à-dire parler de patriotisme, d’amour du drapeau et bla, bla, bla. Vous imaginez le poids de ce maillot au Brésil ? Alors il s’est mis à le porter dès le début, pour l’associer à l’amour de la patrie, de la famille et de Dieu. A chaque fois qu’ils sortaient, les Bolsonaristes portaient le maillot de la Seleção, ça a malheureusement dégoûté plus d’un Brésilien. »

C’est le cas de Juliana, une éducatrice de 25 ans citée par UOL, qui s’est tournée comme beaucoup d’autres vers un maillot rouge alternatif. Il aurait très bien pu être noir ou blanc, les autres couleurs en vogue chez les protestataires. La particularité de ces t-shirts étant d’arborer les symboles du communisme comme la faucille, le marteau ou le poing levé. Pour donner une idée du phénomène, ces maillots figurent dans le top 5 des ventes d’un des magasins les plus populaires sur les réseaux sociaux, Use Brusinhas.

La CBF a lancé sa campagne de réhabilitation du maillot du Brésil

« Le vert et le jaune n’appartiennent pas à un candidat, n’appartiennent pas à un parti, martèle pourtant Lula depuis le début du Mondial. Le vert et le jaune sont les couleurs des 213 millions d’habitants qui aiment ce pays. Alors vous me verrez avec le maillot vert et jaune, mais le mien aura le numéro 13 [en référence au numéro de son bulletin lors des dernières élections]. »

La CBF s’y était mise, en lançant, début novembre, sa propre campagne de réhabilitation du maillot jaune et vert à travers une vidéo reprenant la chanson « Tão bem ». « C’est le début d’une campagne institutionnelle. Elle sera diffusée sur les télés ouvertes et fermées, et sur les réseaux sociaux. C’est pour montrer que tout le monde peut se sentir bien en portant le maillot de la sélection », expliquait alors le président de la fédé brésilienne, Ednaldo Rodrigues. L’instance souhaitait lancer la campagne plus en amont du Mondial 2022, mais son souhait de ne pas interférer dans la campagne présidentielle l’a poussée à attendre.

Neymar, lui, a fait tout l’inverse. En proclamant son soutien à Jair Bolsonaro dans une vidéo Tik Tok controversée, le joueur du Paris Saint-Germain a rompu l’accord tacite du vestiaire brésilien, un jeu de roi du silence version politique plus ou moins voulu par la CBF, désireuse de se prémunir de toute récupération au sein de l’équipe. Il a, par la même occasion, remis une pièce dans le jukebox de l’empreinte bolsonariste sur la Seleção, déjà fortement acquise à la cause de l’extrême droite. Ce qui, dit-on, avait un peu agacé en interne. Juninho :

Quand Bolsonaro a reçu l’appui de nombreux footballeurs, beaucoup de personnes se sont mises à laisser tomber le maillot du Brésil, pour ne pas être associé à sa politique. Mais comme Lula l’a dit, ce maillot appartient à tous. »

Richarlison, la bouffée d’oxygène

Comme pour tourner la page, Neymar n’a pas tenu sa promesse de dédier son premier but de la Coupe du monde à Bolsonaro. De là à dire qu’il ne soutient plus ses idées, il y a une marche à franchir. La seule bouée à laquelle se raccroche la gauche brésilienne dans l’effectif auriverde s’appelle de fait Richarlison. L’attaquant de Tottenham ne s’est jamais officiellement prononcé en faveur de Lula : ses attachés de presse affirment même qu’il n’a pas du tout voté.

Mais son engagement contre la déforestation, le racisme et en faveur des droits LGBT le font pour lui. « Aujourd’hui, nous vivons dans un monde très dangereux où vous ne pouvez pas avoir d’opinion. Que ce soit contre le racisme ou en faveur du mouvement LGBT, je soutiens l’une ou l’autre cause », avait-il déclaré à l’époque où éclatait la polémique « One Love » au Qatar. Mais Richarlison est encore un cas trop isolé. N’en déplaise à Lula, la Canarinha est encore sous emprise réactionnaire.