Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°910, daté décembre 2022.
Têtes, tacles appuyés, chutes… Il ne faut pas l'oublier, le football est un sport qui peut être dangereux, notamment pour le cerveau. Mais, contrairement à d'autres sports de contact comme le rugby et le football américain, on n'a pas encore osé aborder le sujet de front.
Des chocs moins violents qu'au rugby mais beaucoup plus de licenciés
"Au rugby, le K.-O. de Christophe Dominici en 2005 a été l'occasion d'un vrai coup de pied dans la fourmilière, se remémore Jean-François Chermann, neurologue et spécialiste des commotions dans le sport. Un protocole a depuis été mis en place : aujourd'hui un rugbyman professionnel commotionné reste sur le terrain dans 15 % des cas. Avant cela, plus de 50 % d'entre eux continuaient. "
Certes, dans la pratique du ballon rond les chocs sont moins violents et moins fréquents qu'au rugby, mais le nombre de licenciés en France est bien plus grand : 2 millions contre 300.000 pour le second. Le sujet devrait donc être sérieusement pris en compte par les autorités sportives et sanitaires, car les études montrant que le football est loin d'être à l'abri des commotions cérébrales s'accumulent.
Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°910, daté décembre 2022.
Têtes, tacles appuyés, chutes… Il ne faut pas l'oublier, le football est un sport qui peut être dangereux, notamment pour le cerveau. Mais, contrairement à d'autres sports de contact comme le rugby et le football américain, on n'a pas encore osé aborder le sujet de front.
Des chocs moins violents qu'au rugby mais beaucoup plus de licenciés
"Au rugby, le K.-O. de Christophe Dominici en 2005 a été l'occasion d'un vrai coup de pied dans la fourmilière, se remémore Jean-François Chermann, neurologue et spécialiste des commotions dans le sport. Un protocole a depuis été mis en place : aujourd'hui un rugbyman professionnel commotionné reste sur le terrain dans 15 % des cas. Avant cela, plus de 50 % d'entre eux continuaient. "
Certes, dans la pratique du ballon rond les chocs sont moins violents et moins fréquents qu'au rugby, mais le nombre de licenciés en France est bien plus grand : 2 millions contre 300.000 pour le second. Le sujet devrait donc être sérieusement pris en compte par les autorités sportives et sanitaires, car les études montrant que le football est loin d'être à l'abri des commotions cérébrales s'accumulent.
L'encéphalopathie traumatique chronique, une maladie terrible
La première grande alerte date de 2019. Une méta-étude américaine rapportait alors que si les joueurs professionnels de football anglais vivent plus longtemps que la population générale et sont globalement en meilleure santé, ils sont aussi trois fois plus à mourir de maladies neurodégénératives.
Car derrière les commotions subies par les joueurs se cache une maladie terrible : l'encéphalopathie traumatique chronique ou ETC (lire l'encadré), une affection neurodégénérative identifiée en 2002 par l'anatomopathologiste américain Bennet Omalu chez plusieurs joueurs décédés de la NFL (National Football League). Le problème est qu'il n'existe actuellement aucun moyen de diagnostiquer une ETC chez un sujet vivant. En 2020, une équipe américaine publiait, dans la revue médicale Jama, une piste d'étude des biomarqueurs consécutifs à une commotion, mais leur travail est encore trop préliminaire.
Quelles solutions ?
Que faire alors pour prévenir ou réduire les risques ? Des minerves high-tech, des casques spéciaux… ? "Ça ne servirait à rien, pronostique Jean-François Chermann. Pour moi, les mesures les plus efficaces résident dans la prévention et la sortie de terrain dès qu'il y a suspicion. "
À la suite de la méta-étude de 2019, les fédérations britanniques ont décidé d'interdire les jeux de tête au football lors des entraînements des moins de 12 ans. C'est un premier pas, mais il est timide et sûrement voué à peu de progrès. En effet, une étude américaine de 2020 parue dans Orthopaedic Journal of Sports Medicine montre que les jeunes joueurs ont peu de commotions. Et quand elles surviennent, c'est moins en "faisant une tête" qu'en percutant un autre joueur. Ce qui est logique : frapper le ballon de la tête est un mouvement contrôlé, intentionnel, où les muscles sont en alerte, au contraire d'une collision, soudaine et inattendue.
Parmi les joueurs professionnels, seulement un tiers des commotions sont consécutives à une tête sur un ballon. "La majorité des ETC ne sont pas dues aux grosses commotions, qui sont au fond des événements peu fréquents dans la vie du footballeur, mais à des sous-commotions répétées, consécutives à des impacts mineurs sans symptômes visibles ", résume Jean-François Chermann.
Encore moins d'études sur les femmes, pourtant plus à risque
Autre sujet d'inquiétude, l'engouement autour du football a galvanisé ces dernières années beaucoup de jeunes femmes. La Fédération française de football (FFF) estime aujourd'hui avoir près de 200.000 licenciées. Malheureusement pour elles, les travaux les concernant sont encore plus rares alors qu'il semble qu'elles soient plus à risque de faire des commotions que leurs homologues masculins.
En cause notamment, une nuque moins musclée. Pour pallier ce manque de connaissances, l'Université de Boston (États-Unis) a lancé l'étude SHINE (acronyme anglais pour "étude des effets neurologiques des impacts de tête au football") vouée à recruter 20 joueuses professionnelles et à les suivre durant leurs vies professionnelles en les soumettant à une batterie de tests sanguins et cognitifs et à des scanners cérébraux. D'ores et déjà, deux joueuses professionnelles de football ont été incluses dans cette étude : Brandi Chastain et Michelle Akers ont décidé de faire don de leurs cerveaux après leurs décès, afin de faire progresser ces (maigres) connaissances.
Une neurodégénérescence spécifique aux sportifs
Dès 1920, il était évident que des coups répétés à la tête pouvaient provoquer des désordres mentaux et cognitifs comme des maux de tête, des vertiges, des nausées, des tremblements, mais aussi donner lieu à des accès de violence et à des changements de personnalité. Il s'agissait alors uniquement de boxeurs.
Au début du 21e siècle, l'anatomopathologiste américain Bennet Omalu y décèle une neurodégénérescence spécifique qui sera nommée encéphalopathie traumatique chronique (ETC). Et il va apporter la preuve que cette pathologie touche bien d'autres disciplines : essentiellement des sports de contact, mais aussi l'équitation par exemple, le sport le plus touché par les traumatismes crâniens.
L'ETC est une accumulation progressive de protéines tau anormales qui tuent les cellules cérébrales. Elle se comporte comme la maladie d'Alzheimer, mais dans différentes parties du cerveau. L'IRM ne montre rien de particulier et est peu contributive. Actuellement, aucun traitement n'est disponible contre cette maladie qui n'existe toujours pas dans le registre des maladies dites ALD 30 de la Sécurité sociale.