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Coupe du monde 2022 : Yassine Bounou, le foot lui va comme un gant

Walid Regragui, le sélectionneur du Maroc, est devant un parterre de journalistes depuis déjà cinq minutes. Au milieu d’une réponse dans les sous-sols de l’Education City Stadium, la porte menant à l’amphithéâtre faisant office de salle de presse s’ouvre. Yassine Bounou débarque sur la pointe des pieds et fait tout son possible pour se faire petit malgré son mètre 95. Raté. Tous les journalistes marocains se lèvent comme un seul homme et l’applaudissent pendant de longues secondes, ne prêtant plus attention aux paroles du coach.

«Bono» de son surnom, pseudo qu’il arbore également dans le dos de son maillot, sourit benoîtement. Il semble même carrément gêné quand un reporter marocain prend la parole, non pas pour lui poser une question, mais pour lui dire tout l’amour qu’il lui porte : «Quarante millions de Marocains sont aujourd’hui heureux grâce à vous. Merci pour tout ce que vous avez fait. En vous parlant, j’ai les larmes aux yeux. Vous avez écrit l’histoire. Merci !»

«Je sortirais Bono»

Quelques minutes plus tôt, au terme d’un huitième de finale marathon qui s’est fini aux tirs au but, le géant dégoûtait les tireurs espagnols. Malgré les quelque 1 000 penalties que les joueurs de la Roja devaient avoir tirés avant de se pointer au Qatar – exigence du désormais ex-coach Luis Enrique – aucun d’entre eux n’a réussi à tromper Bono. Le tir de Pablo Sarabia finit sur le poteau, ceux de Carlos Soler et Sergio Busquets dans les gants du gardien, et le Maroc s’envole pour la première fois de son histoire pour les quarts de finale d’une Coupe du monde. Serein, celui qui a fait descendre des centaines de milliers de Marocains dans les rues arbore même un grand sourire au moment de sa deuxième parade. Lucide et pas prêt à remettre en question son coaching, Luis Enrique lâchait après le match : «Je choisirais les mêmes tireurs si c’était à refaire. La seule chose que je changerais, si je pouvais en changer une, c’est que je sortirais Bono.»

Héros d’un soir, explosant aux yeux du grand public, Yassine Bounou, 31 ans, n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Longiligne et rapide pour se projeter au sol, il fait depuis deux ans partie du gratin des gardiens évoluant en Europe. Meilleur portier du championnat espagnol, huitième au trophée Yachine – qui récompense le meilleur gardien du monde –, Bono a brillé la saison dernière avec Séville. Il était déjà entré quelques mois avant, et par deux fois, dans l’histoire du club. En février 2021 d’abord, en battant la série d’invincibilité pour un gardien sévillan en Liga (557 minutes consécutives). Puis en mars, devenant le premier gardien du club à inscrire un but, d’une frappe du pied gauche après un cafouillage dans le temps additionnel d’un match contre Valladolid.

Les Canadiens lui ont fait les yeux doux

Pendant longtemps, Bono est malgré tout resté dans l’ombre en Espagne. Remplaçant à l’Atlético Madrid à tout juste la vingtaine passée, il fait ses gammes avec la réserve, puis en deuxième division dans les cages de Saragosse et Gérone. C’est avec le club catalan, promu fin 2017, qu’il rejoint l’élite espagnole. Puis à Séville, où il est envoyé, qu’il gagne en notoriété. D’abord remplaçant, la blessure du gardien titulaire après le premier confinement lui permet enfin de prendre pleinement la lumière. Brillant à l’été 2020 en Ligue Europa, il réalise parade sur parade en demi-finale face aux attaquants de Manchester United, avant d’être sacré avec son équipe face à l’Inter Milan. Il ne quittera plus les cages sévillanes. Walid Regragui le considère aujourd’hui comme «l’un des meilleurs gardiens au monde» : «Quand on sait qu’on a Bono dans le but, forcément, cela donne de la confiance.»

En trois matchs disputés depuis le début de la Coupe du monde – il a raté celui contre la Belgique à cause de vertiges ressentis avant le coup d’envoi – il n’a encaissé qu’un but : celui de son coéquipier Nayef Aguerd, déviant un centre dans ses propres filets contre le Canada. Né au Québec – il a rejoint Casablanca avec ses parents marocains à l’âge de trois ans –, Youssef Bounou aurait d’ailleurs pu se retrouver de l’autre côté du terrain. Pendant plusieurs années, alors qu’il cirait le banc des Lions de l’Atlas, les Canadiens lui ont fait les yeux doux. Mais Bono s’est accroché avec le Maroc et affiche désormais 49 sélections au compteur.

Plus que l’histoire de son pays de cœur, c’est celle de tout un continent qu’il pourra écrire ce samedi à 16 heures face au Portugal. Cameroun en 1990, Sénégal en 2002, Ghana en 2010 : jamais une équipe africaine n’a, jusqu’à présent, réussi à passer les quarts de finale d’un Mondial. Bounou et les siens, déjà arrivés bien plus loin que ce qu’on leur promettait, rêvent d’être les premiers.