France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Coupe du monde au Qatar : Wahbi Khazri, «Tunisien à 100 %, français à 100 % et corse à 100 %»

De même que sa place, mouvante sur le terrain (attaquant, joueur de couloir ou milieu offensif), Wahbi Khazri a beaucoup sinué quant au choix de sa sélection. De 2007 à 2013, de 16 à 22 ans, le natif d’Ajaccio a alterné les capes entre la France et la Tunisie, le pays de son père, des U17 jusqu’aux Espoirs, avant d’opter pour les Aigles de Carthage, au moment où la décision s’avère irréversible selon les règlements de la Fifa. «J’essaie de représenter la Tunisie en France tous les week-ends en étant performant. J’ai également la chance de représenter la Corse puisque j’y suis né. J’ai pas mal de drapeaux sur mes épaules, c’est agréable. Quand on parle de moi, j’aime bien entendre : “Wahbi, le Corse, Wahbi, le Tunisien”. Je trouve que c’est plaisant de voir ses origines mises en avant. Je suis tunisien à 100 %, français à 100 % et corse à 100 %. Je n’ai pas de gêne par rapport à cela», synthétisait-il il y a quelques jours pour le site de la Ligue 1, à quelques encablures d’affronter les Bleus, ce mercredi après-midi (1).

L’ancien joueur de Bastia, Sunderland ou Rennes débutera sans doute de nouveau sur le banc. Meilleur joueur tunisien (2 buts, 2 passes décisives en trois matchs) lors de l’édition 2018 en Russie, Khazri, 31 ans, connaît une seconde Coupe du monde compliquée. Irrégulier à Montpellier, où il a signé cet été en provenance de Saint-Etienne, il étale un moral à marée basse depuis que Jalel Kadri, le coach de la sélection tunisiennne, ne l’a pas titularisé dans un match amical de prestige contre le Brésil, fin septembre au Parc des Princes. «Wahbi n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a la confiance de son entraîneur, promet Willy Sagnol, qui l’a dirigé à Bordeaux entre 2014 et 2016. Ses qualités s’expriment au mieux dans un collectif rodé où il a ses repères. Le faire entrer en fin de match, comme contre l’Australie (0-1), ne rend service à personne, ni à lui ni à l’équipe. Son talent individuel et sa frappe de balle hors du commun peuvent faire basculer une rencontre en un instant de magie.»

Les doigts dans le pot de Nutella

Au reste, le revers contre les Socceroos, après un nul probant contre le Danemark (0-0) en ouverture, condamne les Aigles de Carthage à un hypothétique exploit contre la France, afin de sortir des poules pour la première fois de leur histoire en six tentatives. «Quitte à jouer son va-tout, il serait judicieux d’aligner Khazri d’entrée. Il a la mentalité corse, ne lâche jamais l’affaire. A 17 ans, il faisait déjà la différence dans les matches décisifs. Il était capable de provoquer, d’éliminer et il avait déjà cette qualité sur coups de pied arrêtés. Il faut toujours garder une place pour ce genre de joueurs», livre Bernard Casoni, qui l’a fait débuter en pro à 18 ans.

Pour justifier sa mise à l’écart, certains au pays évoquent sa propension à prendre du poids, suggérant en creux que son hygiène de footballeur de haut niveau laisse à désirer. Une vieille rengaine depuis qu’un éducateur bastiais l’a pincé les doigts dans le pot de Nutella au centre de formation ou que la presse anglaise l’a désigné à l’opprobre public à cause d’un tour de taille supposément indigne lors de ses dix-huit mois à Sunderland (2016-2017). «Ça n’a jamais été le cas. A Bastia, à Bordeaux et là-bas, j’avais le même poids, s’était-il défendu à son retour dans l’Hexagone. Pourquoi n’étais-je pas en surpoids les six premiers mois en Angleterre, quand ça marchait, et pourquoi l’aurais-je été ensuite ?» «Il a fallu qu’il comprenne ce qu’était le métier de footballeur. Il avait un petit problème de poids [à ses débuts en Corse, ndlr], il devait faire attention. Je l’avais sensibilisé sur le sujet pour qu’il aille voir une diététicienne. Depuis, il semble avoir résolu ce souci, sa carrière le prouve», balaie Casoni.

«Naturellement doué»

Sans doute Wahbi Khazri est-il resté le gamin de la résidence A Mandarina à Ajaccio, aux immeubles rose pâle, où l’on jouait jusqu’à pas d’heure des 12 contre 12 sur un terrain en pente au périmètre fluctuant, sur lesquels les deux gardiens ne se voyaient pas toujours. Un jeu non agréé par les règles officielles mais qui respirait le foot de rue à l’état natif. Plus tard, Khazri rejoindrait Nabil et Fouad, ses deux aînés, sur le terrain pelé du stade du Binda, l’enceinte de la Jeunesse sportive ajaccienne, tout en martyrisant le terrain bétonné du lycée Finosello. «Wahbi était naturellement doué. Il avait l’instinct. Sa frappe de balle, c’est inné ! Tout gamin déjà, il frappait les coups de pied arrêtés du droit», se rappelle Francis Thierry, l’éducateur du club qui l’a vu débouler à l’âge de 4 ans.

Ses deux frangins ont tenté l’aventure du foot au troisième et cinquième échelon national, et tous supportaient la Tunisie, enfants. «Nous sommes des gens du Sud. Méditerranéen, corse, tunisien par mon père, marocain par ma mère», disait-il en début de carrière. Khazri a dû décrocher son bac pour pouvoir passer professionnel avec la bénédiction parentale. «Pour ses parents, le foot n’était qu’un amusement. Il fallait d’abord travailler à l’école», poursuit Francis Thierry. Avant le tirage au sort d’avril dernier, l’international tunisien rêvait d’affronter l’équipe de France. Reste à savoir s’il sera sur le terrain. «A l’entraînement comme en match, c’est un gagneur, un gars qui a passé sa vie à lutter. Ils auraient bien tort de s’en priver», pense savoir Alain Giresse, son sélectionneur avec les Aigles de Carthage en 2019.

(1) Coup d’envoi à 16 heures, en direct sur TF1 et BeIn Sports