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« Cow » : la vie à travers les yeux d’une vache

En restant à hauteur d’animal, Andrea Arnold dévisage les humains avec sa caméra.

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L’AVIS DU « MONDE » – A VOIR

Plusieurs documentaires se sont attelés, ces dernières années, à saisir la cinégénie de la vache : Bovines, ou la vraie vie des vaches, d’Emmanuel Gras (2012), Vedette, de Claudine Bories et Patrice Chagnard (2021). Voici Cow, premier documentaire de la cinéaste britannique Andrea Arnold. A chaque fois, il s’agit de bâtir un abri d’images à l’animal le plus exploité et le moins sacralisé de nos sociétés occidentales.

Ajoutons à ce corpus de films toutes les vidéos produites par des associations de défense des droits des animaux (L214 en tête) qui arrachent des images à ce trou noir de mort qu’est l’abattoir : des vidéos militantes, à la fiction (Gorge Cœur Ventre, de Maud Alpi, 2016) en passant par le documentaire, la vache s’est fait l’emblème de notre mauvaise conscience si longtemps maintenue hors-champ, ce corps qui nous rappelle au vertige moral que renferme l’exploitation de l’animal par l’homme.

Andrea Arnold a l’élégance de rester en retrait. Elle ne s’adresse jamais à Luma, vache laitière d’une ferme familiale dans le Kent qui vit sa vie : traite, vêlage, auscultation par le vétérinaire et brefs moments de répit où, enfin, elle s’extirpe des mains des hommes. Justement, Arnold réduit la présence humaine à sa portion congrue, des mains travailleuses, qui manipulent avec douceur une Luma pourtant réduite à ses orifices, lui prennent ici du lait, là un veau. On se croirait dans un dessin animé, façon Tom & Jerry, qui, en restant à hauteur d’animal, tiendrait cette fois-ci la figure humaine hors-champ.

Forme surnaturelle

Et si la cinéaste affirme avoir fini par « voir le monde à travers les yeux de Luma », la vache devient surtout un monde. Il suffit de s’enfoncer dans son pelage, de se rapprocher pour l’émanciper de son environnement, de filmer les détails de son corps, les plissures sur son cou, sa robe tachetée, pour faire d’elle une forme abstraite, surnaturelle, un globe trônant au milieu d’un tas de paille.

Tristes et lyriques sont tous ses moments où, dans un hangar où s’ébat Luma, surgit d’une source lointaine – comme sur un parking – des tubes pop de la chanteuse Kali Uchis ou des Pogues, témoignant d’une harmonie perdue, d’une poésie de pacotille qui tenterait vainement de maquiller le glauque de la condition bovine.

Sans jamais céder à une envie d’anthropomorphiser son héroïne, Andrea Arnold nous raconte en silence qu’en face de son objectif tremble le cogito de Luma, ses regards caméra, sa présence épaisse, silencieuse, déchirante – comme quelques semaines avant, l’âne de EO, de Jerzy Skolimowski. Qui regarde qui, au final ? Le grand mystère Luma, ce serait peut-être cela : être une caméra qui nous dévisage, et garde jalousement son film pour elle.

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