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Credit Suisse : la valeur de la dette hybride ramenée à zéro par le régulateur helvète

C'est la première épreuve du feu des obligations AT1. Et l'addition s'annonce salée. Le régulateur suisse FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) a décidé de ramener à zéro les obligations AT1 (Additional Tier 1) émises par Credit Suisse dans le cadre du rachat de la banque par le rival de toujours, UBS. La décision porte sur 16 milliards de francs suisses d'AT1 en valeur faciale.

« Le soutien exceptionnel de l'Etat déclenche un amortissement complet de la valeur nominale de tous les emprunts AT1 de Credit Suisse, et donc une augmentation des fonds propres de base », a justifié la FINMA dans son communiqué de dimanche. Une clause jugée par les investisseurs un peu radicale alors que les clauses régissant habituellement l'effacement de ce type de dette (défaut de capital, mécanisme de résolution prononcé...par le régulateur...) n'étaient pas remplies.

Ralph Hamers (UBS) et Ulrich Körner (Crédit Suisse), les hommes clefs d'un sauvetage bancaire sous haute tension

La pilule est d'autant plus difficile à avaler que les actionnaires de Credit Suisse s'en sortent finalement beaucoup mieux que les porteurs d'AT1 alors que leur sort devrait être équivalent en cas de problème. C'est d'ailleurs ce que n'a pas manqué de rappeler l'Autorité bancaire européenne (dont ne dépend pas les banques suisses) par un sec commentaire : «  les actionnaires doivent prendre leurs pertes avant les porteurs d'obligations AT1 (« CET1 takes losses before AT1 debt »).

Une décision mal comprise

« Les actionnaires vont recevoir 3 milliards de francs suisses en actions UBS, avec un fort potentiel de rebond du titre UBS qui a fait une excellente affaire, alors que les porteurs d'AT1 perdent tout, effaçant pour les actionnaires 16 milliards de dettes », résume un gérant obligataire qui s'interroge sur la gymnastique intellectuelle des régulateurs suisses. « Les régulateurs suisses agissent toujours en fonction des intérêts de ses banques et de sa place financière et bancaire », ajoute-t-il, amer.

Cette décision des autorités suisses, si elle devait être confirmée, ne restera pas sans conséquence sur le segment des AT1 en Europe, le segment le plus risqué de la dette bancaire, mais aussi le plus rémunérateur. Ces titres ont été créés après la crise financière de 2008 pour faciliter le renforcement des fonds propres durs des banques, conformément aux nouvelles exigences réglementaires post-crise (Bâle 3).

Cette dette hybride est assimilée à des fonds propres Tier 1 car elle intègre des clauses de non-paiement du coupon, de remboursement anticipé, et surtout de conversion automatique en actions ou d'effacement pur et simple en fonction de certains critères (triggers), comme une sous-capitalisation ou la mise en place d'un plan de restructuration par une autorité de régulation (ou de résolution). A noter que Crédit Suisse respectaient tous ses ratios et n'était pas dans une procédure de « résolution ».

Nouvelles tensions sur les AT1

En contrepartie de ces risques, les porteurs de titre AT1 bénéficient d'un rendement nettement plus élevé que la dette senior. Ce segment de la dette a d'ailleurs rencontré un vif succès auprès des investisseurs à partir de 2013 alors que les rendements obligataires traditionnels ne cessaient de baisser pour tendre même vers zéro. En juin dernier, Credit Suisse, déjà dans la tempête, avait émis une dette AT1 de 1,6 milliard de francs suisses avec un coupon de 9,75% !

Le prix des obligations AT1 de la banque suisse s'était effondré, vendredi, à 15 % du nominal (une dette de 100 est remboursée à 15 seulement).

Aujourd'hui, la décision des régulateurs suisses risque de porter un rude coup au marché des AT1 et de provoquer de nombreux arbitrages. Depuis les difficultés de la banque californienne SVB, le spread (écart de taux par rapport au taux sans risque) sur la dette AT1 en zone euro a déjà pris 327 points de base alors que la dette bancaire senior a finalement peu bougé (+40 points de base) et que la dette Lower tier 2 (plus risqué) a vu son spread augmenter de 87 points de base. En revanche, les taux souverains reculent car ils bénéficient de la traditionnelle « fuite vers la qualité ». Le taux de référence allemand à dix ans est ainsi revenu à 2,08%.

Bourse : Crédit Suisse s'effondre, les banques européennes plongent

« Credit Suisse payait il y a cinq mois sa dette senior 10 % alors qu'aucune grande banque européenne ne paye autant, ce qui montre bien que la banque suisse avait un sérieux problème », observe un gérant obligataire, pas surpris du krach de Credit Suisse mais en revanche abasourdi par la réaction des marchés sur le secteur bancaire. « Nous n'avons jamais vu tomber une banque sur une hausse des taux. Tout devrait revenir dans l'ordre dans les prochaines semaines », estime ce gérant, toujours optimiste.