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Crise de l’animation : il y a urgence !

Les grèves des personnels d’animation se multiplient ces dernières années pour dénoncer la crise que connaît leur secteur. Si les difficultés auxquelles les animateurs sont confrontés ne sont pas nouvelles, elles se sont particulièrement amplifiées depuis la crise sanitaire.

L’épuisement lié aux protocoles successifs n’y est pas étranger. Il s’est ajouté aux contraintes inhérentes au métier d’animateur : une précarité de l’emploi, de faibles rémunérations pour des responsabilités importantes, un temps de travail fractionné ou encore une absence de perspective de carrière. Il en résulte une dévalorisation des métiers de l’animation et une faible attractivité du secteur qui débouchent aujourd’hui sur une crise de recrutement et donc une pénurie d’animateurs.

Près de 80% des collectivités et associations sont confrontées à des difficultés de recrutement avec notamment plusieurs milliers de postes d’animateurs non pourvus. Des difficultés qui concernent aussi bien les petites communes que les grandes, qu’elles soient urbaines ou rurales. Ce manque d’animateur a pour conséquence de faire bondir les taux d’encadrement. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir un encadrant pour plus de trente enfants sur certains temps périscolaires. C’est un cercle vicieux qui génère un épuisement supplémentaire et une perte de motivation chez les animateurs. Les postes vacants augmentent alors que les candidatures sont de moins en moins nombreuses.

Face à ces difficultés, les collectivités sont bien souvent démunies et se retrouvent contraintes à prendre des décisions insatisfaisantes qui consistent à limiter le nombre d’enfants accueillis, à faire appel à du personnel non diplômé et non formé, à renoncer à organiser des temps périscolaires déclarés pour fonctionner en « mode garderie » ce qui permet de s’extraire des taux d’encadrement réglementaires, à externaliser certains services périscolaires en les confiant à des acteurs privés, voire à supprimer certains de ces services.

Dans une directive du 19 octobre dernier, le ministre de l’Education Nationale affirme vouloir construire « une offre éducative périscolaire et extrascolaire de qualité ». C’est le souhait des collectivités. S’il s’agit d’une véritable préoccupation du gouvernement, il est grand temps d’apporter des solutions à la crise que rencontre le secteur de l’animation. Sans animateurs, il ne peut y avoir d’offre périscolaire de qualité. Sans animateurs, il ne peut y avoir d’offre périscolaire tout court.

Les syndicats, les associations du secteur comme l’ANDEV (Association Nationale des Directeurs et des cadres de l’Education des Villes et des collectivités territoriales) et les associations d’élus réclament des mesures efficaces pour permettre de recruter et de fidéliser du personnel d’animation. Cela doit passer par une revalorisation salariale, une professionnalisation du secteur et des perspectives de carrière.

Un salaire net de 1400 euros pour les débutants

Aujourd’hui, un animateur à temps complet, titulaire du BAFA ou non, débute avec un salaire net mensuel de 1400 euros, soit à peine plus que le SMIC. La responsabilité exercée et liée à la principale mission de ce métier, à savoir l’encadrement de mineurs, une responsabilité pénale dans une société qui tend à se judiciariser, doit être prise en compte dans le niveau de rémunération. A cette responsabilité s’ajoutent les contraintes évoquées précédemment et notamment un fractionnement du temps de travail et une grande amplitude horaire. La faible rémunération est un facteur majeur pointé par les syndicats et associations dans la crise de recrutement des personnels d’animation. L’augmentation des salaires est impérative. 

Reconnaître ces agents comme de véritables professionnels de l’enfance

Valoriser les animateurs, c’est également reconnaître ces agents comme de véritables professionnels de l’enfance, formés et diplômés. L’animation, ce n’est ni de la garderie ni du baby-sitting. La professionnalisation des métiers de l’animation doit passer par le développement des formations initiales et continues. Si le BAFA est le diplôme d’animation majoritairement détenu par les animateurs, le nombre de diplômés est en baisse depuis dix ans et il reste un diplôme non-professionnel. Les animateurs et directeurs titulaire d’un diplôme d’Etat comme le BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport), formation plus longue et bien plus coûteuse (entre 4500 et 6900 euros) sont plus rares.

Le développement des formations professionnelles et de leur accessibilité financière améliorerait la reconnaissance des personnels d’animation et de leurs compétences. La création en 2020 d’un Bac pro « Animation-enfance et personnes âgées » va dans le bon sens.

Pas assez de perspectives professionnelles.

Enfin, pour rendre ces métiers attractifs et fidéliser ces professionnels, il est indispensable de proposer des perspectives de carrière. Aujourd’hui, très peu d’animateurs envisagent de faire carrière dans l’animation, faute de perspectives professionnelles.

La filière animation est la seule des dix filières de la fonction publique territoriale à ne pas avoir de cadre d’emploi de catégorie A. Cette spécificité surprend d’autant plus au regard des missions d’encadrement, de conception de projets, de management et des responsabilités exercées par les métiers de cette filière. La filière animation ne compte pas que des animateurs et des directeurs. Les agents sont vite freinés dans leur évolution de carrière par un plafond plus bas que toutes les autres filières qui limite également l’évolution de leur rémunération. L’absence d’emplois de catégorie A dans la filière animation est aujourd’hui une anomalie qu’il est urgent de corriger.

Les personnels d’animation et les collectivités peinent à voir les effets du plan « pour un renouveau de l’animation en accueil collectif de mineurs » et les 64 millions d’euros annoncés en février dernier par la Secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’Engagement, Sarah El Haïry. Certaines mesures comme l’abaissement à 16 ans de l’âge pour s’inscrire au BAFA ou l’octroi de nouvelles aides financières ne sont pas sans intérêt, mais elles paraissent clairement insuffisantes pour résoudre la crise actuelle.

Si des mesures efficaces ne sont pas prises rapidement au niveau de l’Etat, les collectivités n’auront pas d’autre choix que de dégrader voire supprimer des services périscolaires et extrascolaires. Ce n’est plus seulement la qualité de l’offre qui est impactée, mais l’accueil et la sécurité des enfants et donc l’offre elle-même.