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Crise énergétique : le mythe du « retour au charbon »

auteur

Jean-Baptiste Fressoz

Historien

L’Europe concourt toujours massivement à l’exploitation charbonnière dans le monde en exportant ses technologies d’extraction et en important des produits hautement carbonés, note l’historien Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique.

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On s’est beaucoup ému ces dernières semaines du « retour au charbon » : du fait de la guerre en Ukraine, l’Europe, fer de lance de la lutte contre le changement climatique, serait contrainte de rallumer ses vieilles centrales à charbon. D’un côté, la liberté, les énergies renouvelables et la démocratie ; de l’autre, une dictature, des fossiles et la guerre. Ces oppositions et plus encore l’idée d’un « retour au charbon » témoignent d’illusions aussi réconfortantes que répandues en matière d’énergie.

Premièrement, la décrue du charbon en Europe ressemble plutôt à un étiage sans fin : amorcée en 1960, elle est encore loin d’être achevée. L’Europe brûle près de 400 millions de tonnes de charbon par an et la principale puissance industrielle, l’Allemagne, reste l’un des premiers producteurs mondiaux de lignite, le plus polluant des combustibles. La Pologne s’est quant à elle engagée à sortir du charbon, mais ce ne sera pas avant 2049.

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Mais le principal problème est ailleurs : aussi « verts » que soient (ou deviennent) leurs systèmes énergétiques, les pays riches, pour la simple raison qu’ils sont riches et qu’ils importent des marchandises, se placent résolument du côté des gros consommateurs mondiaux de charbon. Prenons par exemple le Royaume-Uni. Première nation à entrer dans « l’âge du charbon », elle serait aussi la première à en sortir. C’est du moins le message gratifiant promu par le gouvernement britannique. Pourtant, une fois pris en compte le charbon incorporé dans les biens qu’elle importe, on arrive à un résultat tout à fait différent : en 2018, au lieu des 9 millions de tonnes affichées, ce sont en réalité 90 millions de tonnes que le Royaume-Uni avait consommées, presque autant que dans les années 1980, avant que Margaret Thatcher ne donne l’assaut contre les mineurs du nord de l’Angleterre.

Décarbonation difficile à mesurer

De même, la France ne consomme pas 6 millions de tonnes de charbon par an mais 70 millions de tonnes, une quantité proche de son maximum historique des années 1960. Dans un monde globalisé, la décarbonation est un phénomène difficile à mesurer et celle de l’Europe de l’Ouest relève, en partie, d’un artefact statistique lié à l’attribution des émissions de CO2 aux producteurs et non aux consommateurs.

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Enfin, et c’est moins connu, l’Europe est le leader mondial des équipements miniers : haveuses, soutènement marchant, pelles rotatives pour les mines à ciel ouvert… Charbonnages de France et British Coal, rangés au magasin des antiquités, ont joué un rôle-clé dans la croissance du XXIe siècle. Les machines et les méthodes qu’elles inventent ou subventionnent auront leur plus grand effet, non pas en Europe, ni même aux Etats-Unis, mais dans la Chine des années 1990-2020. A l’ouverture du marché chinois en 1978, ce sont des entreprises européennes comme Anderson ou Eickhoff qui fournissent les mines en matériel moderne.

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