L'omnipotente formation néerlandaise vise avec Wout Van Aert et Cie le succès sur le «Ronde van Vlaanderen», ce dimanche.
Démonstrations de force. Quel que soit le profil, la saison ou le format, une incomparable armada peinte en jaune et noir défile, avale les difficultés, éparpille ses rivaux. Le dimanche 26 mars, Primoz Roglic bouclait victorieusement le Tour de Catalogne qu'il avait animé (2 victoires d'étapes), copieusement dominé devant le champion du monde belge Remco Evenepoel. Le même jour, le Français Christophe Laporte et le Belge Wout Van Aert profitaient, sur Gand-Wevelgem, de la difficulté du mont Kemmel pour se propulser vers la victoire et parader après 50 km d'échappée en tandem (trois jours plus tard, le Français levait encore les bras à l'arrivée d'A Travers la Flandre).
Courses par étapes comme épreuves d'un jour, la vampirisation de la formation Jumbo-Visma est sans limites (même si Milan-San Remo ou les Strade Bianche lui ont échappé). L'épouvantail du peloton (100% dans les classiques flandriennes cette année, avec 5 victoires) sera au centre des regards au départ du Tour des Flandres, ce dimanche à Bruxelles, prêt à donner le tournis à la prestigieuse et rugueuse course d'obstacles hérissée de 19 monts.
Le cyclisme, éprouvé par les scandales en cascade, s'impose un devoir de vigilance face aux dominations collectives quand les ombres des triplés signés par les équipes Gewiss (Moreno Argentin, Giorgio Furlan, Evgueni Berzin) sur La Flèche Wallonne en 1994 et Mapei (Johan Museeuw, Gianluca Bortolami, Andrea Tafi) sur Paris-Roubaix en 1996 rappellent la nausée accompagnant une période empoisonnée. Alors les observateurs s'interrogent sur la force des « abeilles » quand bourdonnent les rumeurs au sujet de l'utilisation par l'équipe (comme d'autres formations) des cétones (complément alimentaire) et de l'hydrogel Maurten (bicarbonate de soude) ne figurant pas sur la liste des produits interdits par l'Agence mondiale antidopage et l'Union cycliste internationale. Excédé par la suspicion, Wout Van Aert avait, en conférence de presse sur le dernier Tour de France, tordu le cou à une « question de merde. Elle revient à chaque fois que quelqu'un gagne. Parce qu'on est performants on devrait se défendre ? Nous travaillons si dur. » « Ils viennent simplement d'une autre planète », avait, il y a quelques mois, lancé Patrick Lefevere, le manager de l'équipe Soudal-Quick Step, avant d'ajouter durant la campagne de classiques : « Jumbo est devenu l'équipe que nous étions il y a quelques années. »
Axel Merckx, manager de l'équipe Hagens Berman Axeon, a résumé sur la Rtbf : « L'explication vient peut-être du fait que l'équipe Jumbo-Visma est un coup en avance au niveau de la préparation scientifique. Ils se préparent d'une manière ultramoderne, ils travaillent au niveau de la nutrition depuis des années. Ils passent énormément de temps à Tenerife, en altitude autour du volcan Teide, pour se préparer. Quand on rejoint cette équipe, la différence se voit directement. Prenons Christophe Laporte, c'était déjà bon coureur chez Cofidis, mais là, il a franchi deux ou trois paliers supplémentaires. Les coureurs qui rejoignent cette structure ouvrent toujours grand les yeux quand ils arrivent tant le niveau d'expertise scientifique est poussé. Je ne dirais pas une baguette magique, mais un mode d'entraînement qui est différent par rapport aux autres équipes ».
Flashback. Écœurée par les affaires de dopage, Rabobank, victime collatérale des révélations de Lance Armstrong, quittait le cyclisme en 2012. Reprise en 2015, la structure repartait du fond de la classe. Sous le maillot Belkin, puis Lotto Jumbo, elle montait progressivement les marches, étoffait son budget avant de prendre son appellation actuelle Jumbo Visma en 2019, de se gonfler d'ambition et de jouer des coudes au sommet d'entrée avec une 3e place remarquée sur le Tour de France (Steven Kruijswijk). Depuis, l'équipe n'a plus quitté le podium du Tour (Roglic 2e en 2020, Vingegaard 2e en 2021, 1er en 2022). Et n'a fait que progresser. Le 6 mars 2022, l'équipe Jumbo-Visma avait écrasé la 1ere étape de Paris-Nice. Tous derrière et trois devant. À Mantes-la-Ville, Christophe Laporte avait devancé ses équipiers Wout van Aert et Primoz Roglic. Depuis ce coup de marteau, l'équipe s'illustre partout. En juillet dernier, le Danois Jonas Vingegaard porté par la force collective de l'équipe néerlandaise avait, sur les routes du Tour, pu dompter le talentueux slovène Tadej Pogacar après le coup magistral porté lors de la spectaculaire 11e étape du Tour 2022, illustration d'un cyclisme ambitieux inspiré du football total de l'Ajax d'Amsterdam de Johan Cruyff. Avec, au bout d'une folle journée, un maillot jaune pour récompenser l'audace, marquer les esprits, confirmer la mainmise de l'impitoyable équipe jaune et noir qui veut, comme l'équipe Ti-Raleigh des années 1970-1980 des Jan Raas, Gerrie Knetemann, Hennie Kuiper, Henk Lubberding, Joop Zoetemelk et Cie, aimanter les victoires, célébrer une ascension express.
La formation conduite par le manager Merijn Zeeman se pose comme la meilleure équipe du monde (20 victoires depuis le début de la saison 2023). Et n'a pas peur de prendre le vent de face avec la grande pancarte de favori scotchée dans le dos. Secrets de fabrique. Merijn Zeeman, directeur sportif de l'équipe néerlandaise a, dans une interview au site néerlandais NOS, raconté qu'il avait été inspiré par son compatriote Erik Ten Hag, l'entraîneur de l'équipe de football de Manchester United : « Il m'a beaucoup aidé. Il vient d'un sport complètement différent, mais je voulais apprendre de lui : comment il trouve des tactiques ? Quelle est l'essence du sport pour lui ? Avant de faire un plan de match, qu'est-ce qui se cache derrière ? Avec de grands talents, vous pouvez venir avec des tactiques différentes. Tout comme les bons entraîneurs de football, nous pouvons aussi faire des plans. » Et les mener à un train d'enfer. Symboles d'un nouveau VTT, Victoires tout terrain...
