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“Dahmer : Monstre” sur Netflix, bien trop morbide pour convaincre

Dans le premier épisode de Dahmer : Monstre – L’histoire de Jeffrey Dahmer, l’un des plus célèbres tueurs en série américains (joué par Evan Peters) explique regarder en boucle L’Exorciste III à un homme qu’il menace d’un couteau de boucher. La mise en abyme annonce le peu de subtilité caractérisant la dernière œuvre de Ryan Murphy (Glee, American Horror Story, Hollywood), sortie le 21 septembre sur Netflix, qui déploie tout l’arsenal du film d’horreur pour l’appliquer à une histoire vraie.

Surnommé “le cannibale de Milwaukee”, Jeffrey Dahmer (1960-1994) a avoué les meurtres de 17 jeunes hommes, commis entre 1978 et 1991, l’année de son arrestation.

Des intentions manquées

Certes, concède Vulture, “Dahmer ne cherche clairement pas à glorifier cet homme, ni même à faire de lui le sujet central du récit”. Mais la série échoue sur ce deuxième point, comme le laissait craindre son titre “qui, de façon absurde, inclut deux fois le nom de Dahmer”. Jen Chaney, la critique du site culturel du New York Magazine, comme une bonne partie de ses collègues de la presse américaine, va plus loin : transformer le parcours réel du tueur de Milwaukee en conte d’Halloween, si précis qu’il soit dans sa reconstitution, produit un résultat maladroit et déplacé.

La série propose certes, ici et là, des pistes de réflexion sur ce qui rend l’affaire Dahmer si particulière. Par exemple la lenteur de réaction de la police face à un profil de victimes marginalisées : des hommes gays, souvent noirs, qui plus est pendant la crise aiguë du sida. “Mais elle aborde ces questions sans véritable profondeur”, regrette Jen Chaney.

“C’est comme si l’équipe à l’origine de Dahmer s’était contentée de surligner les sujets socialement incontournables au lieu d’en faire le cœur de leur narration.”

La place des victimes

Le sixième épisode, intitulé “Passé sous silence”, est mis à part par la journaliste. Il aurait selon elle gagné à inspirer les neuf autres épisodes, tant ces derniers négligent de “se concentrer principalement sur les gens qui ont souffert de Dahmer, plutôt que sur le monstre cannibale et ses atrocités”. Dans “Passé sous silence”, en revanche, on s’intéresse de près à la vie de “Tony Hughes, incarné avec un charisme discret par Rodney Burford”, un homme noir homosexuel et sourd – le son s’arrête parfois –, qui aura le malheur de croiser Dahmer.

Même ce chapitre plein d’empathie, néanmoins, “nous abandonne à la fin sur l’image répugnante de Dahmer, assis, en train de manger un organe qu’il vient de cuisiner”. Les efforts pour éviter la réification des victimes, regrette Vulture, peuvent difficilement aboutir “dans une série qui fait tout pour réduire littéralement Hughes à un bout de viande”.

La convaincante prestation d’Evan Peters dans le rôle-titre n’est pas en cause. Mais pour autant, l’habitué des séries de Ryan Murphy (en particulier American Horror Story) n’était peut-être pas le choix le plus pertinent, surtout dans la mise en scène de faits éloignés de la fiction. “Voir le charmant garçon d’à côté céder à un accès de rage meurtrière a quelque chose de moins choquant quand on l’a déjà vu tant de fois jouer cette scène.”

La série voudrait se présenter comme une dénonciation du sensationnalisme et du voyeurisme qui entourent les tueurs en série. Vulture a la riposte toute prête sur la question :

“Il n’y a rien de glorieux à dénoncer l’existence d’un cirque dont on se trouve être le M. Loyal.”