Vu de Croatie.
Bien qu’autorisée, l’IVG, et notamment l’avortement médicamenteux, devient de plus en plus difficile à pratiquer en Croatie. En cause, la moralisation dévote de la société et la passivité des institutions, dont les femmes sont les premières victimes, estime l’écrivaine croate Slavenka Drakulic.
[Cet article est extrait de notre numéro spécial “Nous les femmes”, dédié à des paroles d’autrices sur la condition des femmes à travers le monde.]
Voilà quarante ans déjà, lors d’une rencontre internationale féministe aux États-Unis, j’évoquais déjà les droits accordés aux femmes dans la Yougoslavie socialiste. Les Américaines étaient ébahies par le droit à une année de congé maternité rémunéré ainsi que, bien évidemment, par le droit à l’avortement [institué en 1977]. Elles ne pouvaient alors espérer le moindre congé maternité payé. Quant à l’avortement, en dépit d’un précédent avec l’arrêt Roe vs Wade, par lequel la Cour suprême reconnaissait le droit à l’interruption volontaire de grossesse, les États fédérés pouvaient tout à fait en limiter le recours ou l’interdire. Maintenant que la Cour suprême a révoqué cet arrêt, cette liberté ne leur appartient plus – sans parler du congé maternité auquel elles n’ont jamais eu accès.
Toutefois, le vent glacial du conservatisme ne menace pas uniquement les Américaines, les droits des femmes sont en net recul partout en Europe. Non seulement les femmes ont un salaire inférieur aux hommes pour le même poste, et ceci à l’échelle de l’UE, mais les hommes ont la priorité en matière d’emploi. Alors que le système de santé et la protection sociale sont de plus en plus défaillants, que la précarité menstruelle est minimisée, que les places en crèche viennent à manquer, ce qui ne facilite pas l’accès à l’emploi des femmes qui ont des enfants, les mesures pour renforcer la natalité, elles, sont renforcées. Si en Croatie le droit à l’avortement n’a pas encore été révoqué, les nouvelles règles de bonne conduite tendent à faire fi de ce droit.
Le courage d’une femme
Le cas récent de la grossesse de Mirela Cavajda l’illustre parfaitement. Comme dans l’affaire Roe vs Wade, il ne peut y avoir de prise de conscience collective tant que le problème ne porte pas de nom, pour qu’enfin d’individuel il devienne universel. Il aura fallu le courage d’une femme qui, par désespoir, a exposé sa douleur publiquement et levé le voile sur le problème d
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