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Dans « Boniments », François Bégaudeau mène la guerre des mots

L’écrivain poursuit sa critique du capitalisme et de l’« idéologie bourgeoise » dans un nouvel essai incisif et souvent jouissif, qui passe au scalpel une quarantaine de « maîtres mots de l’époque ».

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Livre. François Bégaudeau aime la langue. Il a été romancier avant de se faire essayiste, et punk anarchiste avant d’être romancier. La langue est donc son arme en même temps que son objet d’étude favori pour attaquer l’ordre libéral. Il s’en empare ici en réhabilitant le mot désuet de Boniments (Amsterdam, 216 pages, 13 euros). « Le bonimenteur n’est qu’à moitié menteur. Pour prendre, un boniment doit être un peu vrai. » La langue façonnée par le marché ne ment pas totalement : elle biaise seulement le réel en l’euphémisant. Un « plan social » comprend bien des mesures d’accompagnement, mais sans dire qu’il licencie avant. Ces boniments, l’auteur avait commencé à les disséquer dans la somme collective Le Nouveau Monde. Tableau de la France néolibérale (Amsterdam, 2021).

Ici, il systématise le procédé en s’inspirant des canoniques Mythologies (Seuil, 1957), de Roland Barthes. François Bégaudeau œuvre à la chaîne : l’ensemble ne compte pas moins d’une quarantaine de « maîtres mots de l’époque », chaque fois mis en scène à travers des attitudes, des affects, des situations. Si ce nombre impressionne, c’est que toutes ces chroniques sont portées par une admirable dextérité narrative qui les rend souvent jouissives, même lorsqu’il vise moins juste. On y trouve des incontournables (« Libéralisme », « Résilience », « Transition »), des moins attendus (le gobelet en attribut du cadre surchargé, le transclasse comme « déclaration d’amour à la classe dominante ») et des tropismes de ce critique de cinéma (« Netflix », « La série ») et amateur de football (« Mercato », « VAR »).

Lecture marxiste

Formules qui claquent, images qui marquent : Boniments confirme que François Bégaudeau a trouvé, dans ces essais modelés en écrivain et non en théoricien, la forme qui lui réussit le mieux depuis Histoire de ta bêtise (Pauvert, 2019). A travers ce réquisitoire contre la « bourgeoisie cool », il aiguisait une critique ensuite étayée dans Notre joie (Pauvert, 2021). Cet ensemble varie autour d’un axe : réhabilitant la lecture marxiste de classe, il critique le « capitalisme intégral » régnant sur nos vies et « l’ordre libéral-autoritaire » qui, d’Emmanuel Macron à Eric Zemmour, unirait la bourgeoisie contre toute remise en cause de cette hégémonie.

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Cette base alimente son principal grief contre la pensée libérale, analysée comme un ciment idéologique hypocrite, destiné à falsifier la brutalité du réel : « L’individu libéral est tout entier modelé par une méprise qui est une extrapolation. Il extrapole son existence non violente en conviction que la modernité occidentale garantit la non-violence. » Pour autant, François Bégaudeau ne s’exonère pas. Si la pensée marchande s’insinue partout, il ne peut en être exempt : lui aussi succombe – du moins fictivement – à une publicité ciblée lui proposant d’assister à un Manchester-Liverpool. Boniments s’achève d’ailleurs sur une (auto)critique de l’intellectuel. Si sa focalisation sur les mots laisse quittes les réalités qu’ils nomment, ne devient-il pas, à son tour, la marionnette de la « diversion » qu’il critique ?

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