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Dans la forêt landaise, le projet de future LGV met le feu aux poudres

Dans la forêt landaise, le projet de future LGV met le feu aux poudres
Une taxe destinée à financer une partie des lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax va toucher plus de 2.000 localités de Nouvelle-Aquitaine.

Illustration Renaud Joubert

Par charentelibre.fr (avec AFP), publié le 27 janvier 2023 à 23h26.

Les futures lignes à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse et Bordeaux-Dax inquiètent de nombreux élus ruraux de Gironde ou des Landes.

C’est une balafre incroyable », se désole Jacqueline Lartigue dans la mairie du village forestier de Bernos-Beaulac, en Gironde, en déployant une carte XXL du projet de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse dans le Sud-Ouest.

Sa commune de 1.150 âmes, déjà traversée par la très contestée autoroute A65 reliant Bordeaux à Pau, doit abriter l’embranchement des deux nouveaux tronçons LGV reliant la cité girondine à Toulouse et Dax, en direction de l’Espagne.

Une nouvelle « zone à défendre » ?

L’édile dénonce notamment l’implantation de ce « triangle ferroviaire » au bord d’une hêtraie vieille de 43.000 ans. Ce « trésor méconnu », équivalent à « la grotte de Lascaux » selon les défenseurs de l’environnement locaux, pourrait devenir une « zone à défendre » (ZAD) en cas de futur chantier, mettent déjà en garde les opposants.

Ce Grand projet du Sud-Ouest (GPSO), dans les cartons depuis 1991 mais relancé il y a peu, vise à relier, en 2032, Toulouse à Paris en 3h10 et à Bordeaux en 1h05, gagnant une heure sur l’itinéraire actuel.

«Cinq ans après», selon la présidence du GPSO, un tronçon empruntant l’est de la forêt landaise devrait rallier Dax à Bordeaux en vingt minutes de moins que le tracé existant.

Le président de la Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset (PS) et ses autres partisans défendent un projet « vert » qui permettrait de « sortir » de la route les 10.000 camions remontant chaque jour depuis l’Espagne, en libérant les lignes existantes pour le fret.

Il « désenclaverait » aussi une partie du territoire, avec la création de nouvelles gares, dont une près de Mont-de-Marsan, aux confins du massif forestier.

Un train qui passe à 320 km/h, ça ne désenclave pas.

Être à 35 minutes de Bordeaux et 1h15 de Toulouse, « ça ouvre le champ des possibles », estime Charles Dayot, maire (centre-droit) de la préfecture landaise, aujourd’hui placée au terminus d’une unique ligne TER, non-électrifiée, reliée à la Gironde.

Selon lui, cette situation « recroquevillée » de cul-de-sac ferroviaire « se paye » depuis des décennies, avec des familles séparées quand un parent travaille la semaine dans la capitale régionale.

Et dans l’inconscient collectif, « monter à Bordeaux, à Paris, assurer les trajets, les loyers, ce n’est pas évident, nos gamins se limitent », appuie M. Dayot en évoquant un taux d’accès aux études supérieures « moindre qu’ailleurs » en dépit de résultats au bac supérieurs à la moyenne nationale.

Mais côté girondin, de l’autre côté du massif, « un train qui passe à 320 km/h, ça ne désenclave pas », peste Jacqueline Lartigue, malgré la promesse d’une « halte ferroviaire » à proximité, prévue pour une poignée d’arrêts quotidiens.

Pire, une nouvelle taxe spéciale d’équipement (TSE), en vigueur depuis le 1er janvier, « nous fait même payer pour ceux qui détruisent notre territoire », s’indigne la maire, dénonçant « un mépris » envers les ruraux.

Cette taxe de quelques euros, qui touche plus de 2.000 localités de Nouvelle-Aquitaine et d’Occitanie situées à moins d’une heure en voiture - hors bouchons - d’une gare LGV, a provoqué une fronde des petites communes, de la Gironde jusqu’en Charente.

« On ne se fera pas avoir deux fois »

Elle doit permettre d’abonder, pendant 40 ans, l’enveloppe d’un projet évalué depuis 2020 à 14 milliards d’euros, qui doit être prise en charge à 40 % par l’État, 40 % par les collectivités et 20 % par l’Union européenne.

Ce coût « pharaonique », calculé avant la crise énergétique, « retombera sur les collectivités » en cas de retrait européen, craignent les élus ruraux qui se réunissent samedi avec le maire EELV de Bordeaux, Pierre Hurmic, pour réclamer l’abandon du projet et la rénovation des lignes existantes.

La nouvelle voie LGV permettra « un meilleur cadencement des TER », reconnaît l’opposant Michel Tamarelle, maire (PS) de Saint-Médard-d’Eyrans, au sud-est de la métropole bordelaise.

«Mais à un prix deux à trois fois plus élevé» que le scénario de rénovation des voies, ajoute ce dirigeant d’un collectif de maires en colère, sur la base d’une étude commandée à un cabinet spécialisé.

Les partisans du projet surveillent aussi son coût de près : le conseil départemental des Landes (PS) et les agglomérations de Dax et Mont-de-Marsan, qui avaient cofinancé jadis la LGV Paris-Bordeaux, ont promis d’arrêter de payer si les travaux vers Toulouse et Dax n’étaient pas « concomitants ».

«On ne se fera pas avoir deux fois», dit Charles Dayot, alors qu’une première version du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, dévoilée dans la presse, renvoie le tronçon Bordeaux-Dax, dans un de ses scénarios, après 2040.