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Dans la tête de Poutine et de Trump

Le mensonge fait partie de l’arsenal des hommes politiques, qui en ont tous fait usage un jour ou l’autre, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Il y a le mensonge par omission, comme celui de Mitterrand, qui avait caché aux Français sa maladie ainsi que l’existence de sa fille, Mazarine. Il y a le mensonge qui a pour objectif de manipuler les opinions, comme celui de Colin Powell affirmant à l’ONU que l’Irak possédait des armes de destruction massive. Il y a le mensonge honteux, comme celui de l’ancien ministre Jérôme Cahuzac devant l’Assemblée nationale, quand il jurait n’avoir jamais eu de compte à l’étranger.

Avec Poutine, le mensonge prend une autre dimension. Il ne s’agit plus de dissimuler quelques faits, mais de construire une autre réalité. Selon lui, les Ukrainiens étaient des néonazis, et leur armée ne valait rien. Il en était tellement convaincu qu’il prit la décision d’envahir leur pays. Mais la réalité n’a pas validé ses croyances. Les Ukrainiens ne sont pas aussi nuls qu’il l’imaginait, et l’armée russe, qui devait faire trembler le monde, s’est avérée incapable de remplir sa mission. Poutine s’est fabriqué une réalité qui n’existait que dans sa tête. Son ministre des Affaires étrangères, Lavrov, n’est pas en reste puisque, à la tribune de l’ONU, il a déclaré que l’Occident voulait détruire la Russie. On se demande bien comment. Le cercle qui entoure Poutine semble vivre dans un monde imaginaire, entre paranoïa et délire de persécution.

Puisque sa première théorie, celle d’un régime ukrainien dirigé par des néonazis et des drogués, s’est révélée erronée, il en a fabriqué une autre. Selon lui, les minorités russophones du Donbass auraient subi un « génocide » perpétré par les Ukrainiens. Exactement le même discours que tenait Hitler en 1938 à propos de la minorité germanophone de Tchécoslovaquie, les Sudètes, victime selon lui de persécutions, et qui fut le prétexte pour l’annexion de cette région par le IIIe Reich, en octobre 1938. Un conseil au passage : quand vous entendez un dictateur parler de « minorités persécutées », descendez immédiatement à la cave, cela veut dire que la guerre n’est pas bien loin. Poutine, qui prétendait combattre les Ukrainiens nazis, utilise les mêmes méthodes qu’Hitler pour annexer une région. Et même si, dans le pire des cas, une minorité était effectivement victime de persécutions, avant d’envoyer des chars, il suffisait de dépêcher sur place les représentants d’instances internationales pour enquêter et constater si cela était réel ou pas. Mais la réalité n’intéresse pas Poutine. En bon paranoïaque, il a besoin de trouver des ennemis à sa taille, et les États-Unis ou l’Europe sont les coupables parfaits pour expliquer au peuple russe les raisons de ses malheurs.

Les fantasmes de toute-puissance comme de persécution qui hantent Poutine ressemblent beaucoup aux « vérités alternatives » de Trump. Le fait que deux grandes puissances aient pu être dirigées par des individus aussi irrationnels est peut-être un signe de notre temps. Poutine comme Trump semblent vivre dans un monde enfantin et puéril, où leurs désirs doivent immédiatement devenir réalité, sans se soucier de ce qui existe autour d’eux. Est-ce le développement des réseaux sociaux, de la réalité virtuelle et, demain, du métavers qui incite de plus en plus d’individus à rêver d’évoluer dans un monde qui leur convient, mais qui n’existe pas ? Poutine et Trump ont beau appartenir à une génération vieillissante, ils sont parfaitement en phase avec leur époque. Les médias, les discours politiques, la société de consommation et les idéologies à la mode distillent dans nos têtes des fantasmes de toute-puissance et de jouissance immédiate, qui ne sont finalement pas si éloignés de la vision délirante du monde qui embrume les cerveaux d’un Poutine ou d’un Trump. •