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Déforestation : pourquoi la décision de l’UE est historique

Pourquoi cet accord est-il qualifié d’historique ?

Il est historique car il s’agit de la première loi au monde sur le sujet et elle va toucher de très nombreux produits du quotidien. On parle du café le matin, du cacao, des pneus de voitures avec le caoutchouc, du bois, des produits cosmétiques et les dérivés dans les rouge à lèvres mais aussi des livres, des journaux… Ce sont vraiment des extensions très concrètes. On dit souvent que l’Europe ne l’est pas assez, et bien elle démontre le contraire ! Aucun produit issu de la déforestation ne sera plus importé dans l’Union européenne à partir de 2024. Il a fallu prévoir un temps d’adaptation car on ne peut pas demander aux entreprises de changer la règle du jeu du jour au lendemain. Les plus grandes entreprises auront 18 mois pour s’adapter, les plus petites, 24 mois. En ce qui concerne l’agroalimentaire, on ne pourra plus importer directement de bœuf brésilien pour lequel il n’est pas démontré à la douane qu’il n’est pas issu d’une zone déforestée. Cette responsabilité sociale et cette vérification des produits reposeront à la fois sur celui qui exporte et celui qui achète et place ces produits sur le marché européen.

Pascal Canfin, eurodéputé Renew Europe et patron de la commission Environnement au Parlement européen.
Pascal Canfin, eurodéputé Renew Europe et patron de la commission Environnement au Parlement européen.

Que va-t-il changer concrètement pour les consommateurs européens ?

Les règles précisent exactement que le produit importé ne devra pas être issu de zones déforestées après décembre 2020. La loi cible donc les nouveaux fronts de déforestation et les nouveaux investissements faits après cette période. On a regardé l’impact sur la quantité. L’Europe ne va pas du jour au lendemain se retrouver sans café, sans cacao… Les principaux opérateurs économiques nous ont dit leur confiance dans le fait de trouver d’autres fournisseurs ou de soutenir des petits producteurs acceptant d’appliquer les règles en les aidant dans leurs investissements.

Peut-on craindre aussi un surcoût lié à des investissements supplémentaires ?

On ne va pas employer tout d’un coup des milliers de douaniers. Cette vérification passera par le recours aux images satellitaires. Elles seront utilisées par les douaniers qui pourront examiner le document soumis et voir si les informations données sont cohérentes avec les photos satellites disponibles.

Il faudra, en effet, investir dans ces technologies mais ces investissements ne seront pas tellement élevés.

Ce projet de règlement n’a, en tout cas, pas soulevé d’opposition massive au sein des États membres. De grandes entreprises jouent, par ailleurs, déjà le jeu comme Mars, Unilever ou Danone qui ont déjà pris des engagements contre la déforestation il y a 10 ans et ont déjà expérimenté des technologies pour le faire. On s’est appuyé sur leur expérience.

Cette nouvelle loi va aussi faciliter la vie des entreprises qui achetaient par des intermédiaires, ce que ces grandes entreprises ont également demandé, ce qui rend cet outil vraiment puissant.

L’UE, qui consomme 16 % des forêts mondiales contre 7 % aux États Unis, n’en consommera donc plus après cet accord ?

La situation des États-Unis est un peu différente car ils produisent eux-mêmes beaucoup de soja, par exemple. Ils n’ont donc pas besoin d’en importer autant. Non, l’UE n’arrivera pas encore à cet objectif car l’accord ne couvre pas tous les secteurs pour le moment. Il concerne l’importation de bœuf mais pas celles de maïs, de poulet ou de porc. Nous avons, en tout cas, aussi reçu le soutien du monde agricole français qui s’inquiétait d’une concurrence déloyale sur le bœuf ou le soja. Et c’est aussi le caractère inédit de cet accord car on a eu une parfaite alliance entre écologistes et monde agricole mais aussi avec les entreprises ! Une alliance assez rare.

Est-ce que l’UE peut désormais entraîner ses partenaires alors que s’ouvre, dans quelques jours, la COP15 à Montréal ?

On travaille déjà avec les démocrates américains depuis plusieurs mois qui sont intéressés par ce que nous faisons sur la déforestation mais, évidemment, nous ne pouvons pas prédire quel sera le jeu des majorités et ça ne va pas forcément se faire à court-terme. Quant à la Chine, cela serait bien sûr vraiment positif si l’UE réussissait à la convaincre, alors qu’elle représente 25 % de la consommation des forêts mondiales. J’espère me tromper mais je ne suis pas certain que cet accord suffise à lui seul de permettre une solution pérenne à la disparition de la nature, avec la Chine qui est justement aux abonnés absents. Mais l’UE a évidemment un rôle stratégique pour tirer tout le monde vers le haut.