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publié le 28 novembre 2022 à 21h43.
La colère des Chinois révèle aussi une frustration profonde vis-à-vis du système politique chinois, estiment plusieurs experts.
La Chine est l’un des derniers pays au monde à appliquer une politique sanitaire draconienne, faite de confinements stricts, campagnes de dépistage de masse et longues quarantaines. Excédés, une partie des habitants espéraient voir les restrictions s’assouplir à l’issue du Congrès du Parti communiste (PCC) en octobre. Pékin les a finalement renforcées.
« En amont du 20e congrès, un changement politique était espéré ».
« Les gens ont maintenant atteint un point d’ébullition car il n’y a pas de direction claire sur la voie à suivre pour mettre fin à la politique du zéro covid », explique Alfred Wu Muluan, expert en politique chinoise à l’Université nationale de Singapour. « En amont du 20e congrès, un changement politique était espéré », a également tweeté Yasheng Huang, du MIT. « Mais la composition de la direction du Congrès (avec uniquement des alliés de Xi Jinping et partisans du zéro covid, ndlr) a complètement anéanti cette attente, contraignant les gens à prendre eux-mêmes des mesures ».
« Liberté d’écrire »
À la grogne suscitée par les mesures sanitaires sont vite venues se joindre des demandes de changements au niveau politique.
À Shanghai, des manifestants entonnaient dimanche le slogan « Xi Jinping, démissionne ! PCC, retire-toi ! ». « Liberté de l’art », « liberté d’écrire », entendait-on aussi à Pékin. « Je ne me souviens pas de manifestations publiques ayant exigé (ouvertement) la liberté de la presse durant ces deux dernières décennies », a tweeté la politologue Maria Repnikova.
Majoritairement jeunes, les manifestants, mobilisés via internet, ont eu recours à d’astucieux stratagèmes pour contourner la censure d’État, brandissant des feuilles de papier vierges ou écrivant des articles en ligne faits de combinaisons absurdes de mots « positifs » pour attirer l’attention sur l’absence de liberté d’expression.
Ce qui devrait inquiéter la direction du parti, selon les analystes, c’est la fureur des manifestants à l’égard des plus hauts dirigeants chinois, un phénomène inédit selon eux depuis les mobilisations de 1989, brutalement réprimées. « Par son ampleur et son intensité, il s’agit de la manifestation la plus importante (menée) en Chine par des jeunes depuis le mouvement étudiant de 1989 », analyse Willy Wo-Lap Lam de la fondation Jamestown. « En 1989, les étudiants faisaient très attention à ne pas s’en prendre nommément à la direction du parti. Cette fois-ci, ils ont été très explicites (sur le fait qu’ils voulaient un) changement de direction. »
Et maintenant, comment va réagir Pékin ? « Xi et d’autres dirigeants de haut niveau vont devoir se manifester tôt ou tard. Sinon, la contestation risque de se poursuivre », selon Willy Wo-Lap Lam.