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Déserts médicaux: les médecins libéraux en grève ce vendredi

Plus de la moitié des cabinets sont mobilisés contre la proposition de loi Valletoux visant à réduire les désert médicaux, selon l’association Médecins pour demain.

Alors que les relations sont tendues entre les médecins libéraux et le gouvernement, après l’échec en mars de la négociation conventionnelle sur leurs tarifs, l’arrivée de nouveaux textes à l’Assemblée nationale remet encore de l’huile sur le feu. Les médecins voient revenir en boomerang, via les députés, différentes mesures qu’ils ont refusées dans la convention. C’est le cas avec la proposition de loi (PPL) du député Frédéric Valletoux (Horizon, majorité présidentielle), dont l’examen a débuté lundi en commission, avant d’arriver en débat dans l’Hémicycle lundi prochain.

Visant à répondre aux déserts médicaux, cette PPL cosignée par près de 200 députés de la majorité, prévoit d’obliger les médecins à adhérer à des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et crée des conseils territoriaux de santé (CTS) pour mieux organiser la politique de santé à l’échelon local. Elle élargit également les pouvoirs des agences régionales de santé (ARS), contraint tous les généralistes et spécialistes à participer aux gardes, ou encore interdit l’intérim à tous les professionnels en début de carrière.

Une partie des syndicats, qui y sont opposés, appellent à la fermeture des cabinets ce vendredi. L’association Médecins Pour Demain, à l’origine de la mobilisation, considère même que «pour faire fuir le peu de médecins de ville qui existe encore, on ne pourrait pas mieux s’y prendre». Pour eux, la proposition de loi, ferait «un pas de plus vers la médecine à 2 vitesses (médecine low cost versus médecine déconventionnée) et l’inégalité d’accès aux soins pour les Français». Et, selon l’association, les médecins libéraux ont répondu massivement à cet appel à la grève. «Selon les régions, près de 50 à 70% des cabinets se mobilisent aujourd’hui, que ce soit par une fermeture totale, partielle ou la mise en place d’une journée de sensibilisation de la clientèle», avance Pierre-Louis Helias, vice-président de l’association. Et si les parlementaires n’entendent pas leur colère, Médecins Pour Demain met en garde : «Nous sommes prêts à nous engager dans un long bras de fer: grève dure avec fermeture illimitée des cabinets, manifestations, augmentation unilatérale des honoraires, déconventionnement. Rien n’est exclu!».

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Voulues par le président de la République, qui a annoncé que la France serait quadrillée d’ici à la fin de l’année, les CPTS visent à améliorer l’organisation des professionnels de santé sur le terrain. Mais il y a saut de la pensée à l’acte. Les praticiens dénoncent une nouvelle usine à gaz administrative. «Les dépenses augmentent, mais ça part dans le mille-feuille administratif ; on finance la coordination mais pas les soins, et cela prend beaucoup de temps aux médecins», regrette Valérie Briole, rhumatologue et présidente de l’union régionale des professionnels de santé d’Île-de-France, premier désert médical français, qui a perdu 354 médecins libéraux en un an.

«L’hôpital meurt de ses contraintes et de sa surréglementation»

«Ces mesures vont encore dissuader les jeunes de s’installer. La permanence des soins est déjà assurée. Si tous les médecins font des gardes, ils prendront des journées de récupération et ne verront pas leurs patients habituels», met en garde Valérie Briole, regrettant en revanche que «rien ne soit fait pour limiter les 27 millions de “lapins”, ces rendez-vous non honorés qui représentent l’équivalent de 4000 médecins».

Pour Bertrand de Rochambeau, gynécologue-obstétricien et coprésident du syndicat Avenir Spé-le Bloc, «l’hôpital meurt de ses contraintes et de sa surréglementation. Les mêmes responsables veulent amener cela dans l’exercice libéral, ce qui produira les mêmes effets». Une pique envers Frédéric Valletoux qui, avant d’être élu député en 2022, a présidé plus de dix ans la Fédération hospitalière de France.

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Mais surtout, la PPL, qui compte déjà plus de 700 amendements, ouvre une porte au groupe mené par le député PS Guillaume Garot de greffer une énième proposition pour limiter la liberté d’installation des médecins. Un sujet que l’élu de Mayenne défend, depuis près de dix ans, contre l’avis de tous les ministres de la Santé de gauche comme de droite. Et ce, même si l’actuel ministre, François Braun, a redit une fois encore que les contraintes à l’installation étaient non seulement inefficaces mais contre-productives et n’ont pas fait leurs preuves à l’étranger.

2264 intentions de déconventionnement

Dans ce contexte tendu, le ministre a tenté d’apaiser les tensions en rouvrant fort à propos vendredi des négociations «flash» avec 5 professions paramédicales (kinés, infirmiers, orthophonistes, orthoptistes et pédicures-podologues) sur leurs tarifs face au contexte inflationniste. Mais, pas question d’avancer sur le sujet avec les médecins. Du moins pas avant septembre et le prochain budget de la Sécurité sociale, où le débat promet d’être tendu.

Alors que l’Assurance-maladie a proposé un tarif de la consultation à 26,50 euros, les médecins réclamaient 30 euros, voir 50 euros. «S’il n’y a pas d’argent public pour augmenter les tarifs, laissons aux médecins la possibilité d’appliquer un complément d’honoraire modulable en fonction des patients, quitte à demander aux complémentaires santé de solvabiliser les plus démunis», suggère Valérie Briole. Cela revient ni plus ni moins à étendre à tous le «secteur 2», où le médecin est libre de pratiquer des dépassements d’honoraires, les patients étant remboursés sur la base du tarif Sécu. Instauré sous Raymond Barre, le secteur 2 - fermé en 1986 - est aujourd’hui réservé à une minorité.

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Faute d’introduire cette souplesse, les médecins pourraient, à l’appel du syndicat UFMLS, décider carrément de se déconventionner, c’est-à-dire de rompre tous liens avec la Sécu. Leurs honoraires seraient libres, mais leurs patients ne seraient plus remboursés («secteur 3»). «Excédés, certains médecins ont déjà franchi le pas et 2264 promettent de le faire», alerte Valérie Briole.