DIRECT. Manifestations en Chine : vers une révolte ? MANIFESTATIONS CHINE. Après de nombreuses mobilisations à travers le pays contre les restrictions anti-Covid jugées trop liberticides dimanche, les forces de l'ordre semblent avoir repris le contrôle lundi. Le calme avant la tempête ?

L'essentiel :

  • Une vingtaine de villes à travers le pays, 40 à 50 universités... Un vent de révolte a soufflé sur l'empire du Milieu ces derniers jours. La Chine n'est pourtant pas connue pour ses manifestations, bien au contraire. Ces événements ont donc étonné, mais également surpris par la violence des slogans, qui demandaient parfois la démission du président Xi Jinping, mais aussi par la simultanéité des incidents dans un pays "où en principe la surveillance d'Internet isole tout le monde et force les incidents à rester locaux", explique notamment l'historien François Godement à RTS.
  • Lundi 28 novembre 2022, le calme semblait néanmoins peu à peu revenir. À Pékin notamment, une journaliste témoignait dans la soirée de la présence de colonne de cars de policiers chinois, là où la veille des manifestants s'étaient mobilisés. Même constat à Shanghai où le calme semblait être revenu, non sans la présence de barricades et d'une forte présence policière.
  • Avec la Coupe du monde au Qatar, particulièrement suivie en Chine, les Chinois sont nombreux à s'être rendus compte que la vie avait plus ou moins repris son cours dans le reste du monde alors qu'eux devaient toujours se confiner régulièrement et respecter des règles sanitaires très strictes.
  • Pour autant, un relâchement du contrôle semble peu probable dans les jours qui viennent. En cause ? La couverture vaccinale qui est bien moins élevée qu'en Occident. Si de nombreux Chinois ont bien été vaccinés, ils ont reçu une dose du vaccin chinois jugé moins performant que Pfizer ou Moderna. De même, peu de rappels ont été réalisés. Les autorités s'exposeraient avec un relâchement trop brutal de la politique zéro-Covid à une véritable hécatombe. 
  • Le mouvement va-t-il perdurer ? Les infos et vidéos en direct.

En direct

Interrogé par la Radio Télévision Suisse (RTS), l'historien et spécialiste de la Chine, François Godement, a expliqué qu'il y a, selon lui, "au moins deux surprises". "Effectivement, la violence des slogans à Shanghai", note-t-il dans un premier, rappelant toutefois que des tracts y avaient déjà été distribués dans le métro pendant le XXe Congrès national du Parti communiste chinois (PCC), en octobre dernier, contre la dictature de Xi Jinping. "La deuxième surprise, c'est que dans un système où en principe la surveillance d'Internet isole tout le monde et force les incidents à rester locaux, on a une explosion d'incidents simultanés à travers toute la Chine", explique-t-il, avant d'énumérer : "40 à 50 universités, au moins une vingtaine de villes recensées sur les médias sociaux, avec évidemment des niveaux de protestation très différents." Mais pour  François Godement, "ce qui est probablement le plus important, c'est qu'il est clair à ce stade qu'au moins une grande partie de la population urbaine comprend et suit ces événements".

Un peu plus tôt dans la soirée, nous vous parlions du calme qui était revenu à Shanghai. Il semble que les autorités aient également repris le contrôle à Pékin où tout semblait très tranquille ce lundi soir, malgré la présence des forces de l'ordre en nombre. La correspondante de CNN, Selina Wang, explique sur Twitter être retournée "exactement au même endroit où les manifestations se sont déroulées à Pékin hier soir, à Liangmaqiao". Comme le montre sa vidéo, le lieu est redevenu "totalement calme". "Au lieu de cela, une rue entière de fourgons de police. Il s'agit d'un État policier avec une surveillance de grande envergure. Pas de médias sociaux qui permettent aux gens de se mobiliser et de se rassembler facilement", explique-t-elle encore dans son tweet. 

20:46 - Que viennent faire les équations de Friedmann sur les pancartes de certains Chinois en colère ?

Plusieurs manifestants chinois ont décidé de faire un peu plus original que de simples feuilles blanches pour critiquer le pouvoir tout en contournant la censure. Comme le rapporte franceinfo, à Pékin, certains étudiants de l'une des plus prestigieuses universités de l'empire du Milieu, l'université Tsinghua, ont dégainé des feuilles A4 sur lesquelles étaient inscrites… des équations de Friedmann. Mais que vient faire le mathématicien et physicien russe dans cette histoire ? Si son travail a sans aucun doute apporté beaucoup à la science, c'est son nom Friedman, qui n'est pas sans rappeler l'expression anglophone "Freed man", "homme libéré", qui aurait inspiré les étudiants pour leurs pancartes.

Les Gilets jaunes en France, les feuilles blanches en Chine ? À chaque mobilisation du peuple, son symbole. Mais que signifient ces feuilles blanches brandies par de nombreux manifestants lors des manifestations qui se sont tenues dimanche dans l'empire du Milieu ? Ces feuilles A4 dépourvues de tout message et toute revendication ont pour objectif de dénoncer la censure et le manque de liberté d'expression en Chine. Les slogans tels que "Xi Jinping, démission !" sont en effet vite censurés. Une feuille blanche est un véritable pied de nez aux autorités, souligne le HuffingtonPost. "C’est une réponse aux autorités, comme pour dire : 'Allez-vous m’arrêter pour avoir tenu une pancarte ne disant rien ?'" explique également le correspondant de la BBC Stephen McDonell.

Les mouvements connus ce week-end en Chine n'ont pas ressemblé aux prémices d'une révolte. Ils n'étaient qu'environ 400 à manifester dans Pékin, selon l'AFP, qui a ajouté que des centaines de personnes étaient également descendues dans les rues de Shangaï et Wuhan. Mais le pays, lui, compte plus de 1,4 milliard d'habitants.

A Shangaï, la soirée est calme comme l'a constaté le correspondant des Echos en Chine, Frédéric Schaeffer. Des barricades avaient tout de même étaient érigées le long de Wulumuqi Road pour tenter de dissuader d'éventuels manifestants.

Après les manifestations, un début d'assouplissement. Dans la province du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, là où s'est produit l'incendie meurtrier ayant déclenché la vague de contestation, des restrictions contre le Covid-19 ont été allégées. Ainsi, il sera désormais possible pour les habitants d’Urumqi (ville du drame) de se déplacer en bus pour faire des courses dans leur quartier à partir de mardi et de se faire livrer des colis. Quelques commerces pourront rouvrir à 50% de leur capacité dans certaines zones et les transports en commun pourront également reprendre. En revanche, les employés chargés de la logistique des colis devront demeurer en « circuit fermé » dans des dortoirs d’entreprise, rapporte l'AFP.

Ce lundi, une nouvelle manifestation était prévue à Pékin. Mais, selon l'AFP, elle n'aura pas lieu en raison d'une présence particulièrement dense de policiers. Les protestataires ont été découragés de défiler jusqu'au pont Sitong, un pont routier où un homme avait déployé des banderoles hostiles au président Xi Jinping il y a un mois, avant d'être interpellé.

Une part de la population chinoise se rebelle contre la stratégie zéro-covid en place depuis trois ans dans le pays. Quelles sont les nombreuses restrictions sanitaires ? Sont-elles efficaces ? Explications dans notre article.

Ce week-end, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. D'abord à Urumqi, point de départ des contestations, au nord-ouest de la Chine, mais aussi à Wuhan, au centre-est, là où le Covid-19 serait apparu pour la première fois. Shangaï, tout à l'est, sur les bords de la mer de Chine orientale, a également été le théâtre de manifestations, tout comme la capitale Pékin, au nord.

En Chine, des manifestations ont éclaté dans de nombreuses villes du pays après un incendie dans un immeuble à Urumqi, au nord-ouest du pays, ayant entraîné la mort de dix personnes et fait neuf blessés. Aux yeux de nombreuses personnes, les pertes humaines sont liées à l'arrivée tardive des secours sur place en raison des restrictions liées au Covid-19 mises en place dans la ville, avec notamment des routes semées d'embûches pour contraindre les déplacements, ainsi que des barricades autour de certains immeubles. La mort de ces personnes, survenues jeudi 24 novembre 2022, est le point de départ des protestations organisées tout le week-end.

En savoir plus

L'incendie d'un immeuble à l'origine des manifestations

Un immeuble qui s'embrase, dix personnes qui meurent dans l'incendie et des réactions en chaîne désignant les restrictions liées au Covid-19 coupables de ce lourd bilan humain. En Chine, le point de départ de la contestation qui frappe le pays est lié aux règles pour limiter la propagation du coronavirus jugées trop strictes par des habitants et ayant, selon ces derniers, ralenti l'intervention des secours lorsque le feu s'est déclaré à Urumqi. En effet, afin d'empêcher la population de cette ville du nord-ouest de se soustraire au confinement, les routes sont entravées par des obstacles et certains immeubles sont mêmes bloqués. Si seuls les premiers éléments d'une circulations difficile ont été confirmés, c'en est désormais trop pour une partie des Chinois, soumis à un régime strict depuis 2020. De quoi déclencher une vague de contestations.

En Chine, les manifestations ne sont pas tout à fait comme celles que nous connaissons. Là-bas, pas de grandes banderoles, simplement des feuilles blanches brandies pour dénoncer la censure. Mais des slogans hostiles au président Xi Jinping ont résonné dans les cortèges, organisés spontanément dimanche 27 novembre, notamment à Pékin et Shangaï. "Nous voulons la liberté, la démocratie, la liberté d'expression de la presse" ont lancé certains dans une rue principale de Shangaï, comme l'a constaté le correspondant sur place de France 24. "Nous n'avons pas besoin de tests Covid, nous avons besoin de liberté" ont réclamé d'autres du côté de Pékin.

Un mouvement minoritaire

De nombreux observateurs expliquent qu'un pareil mouvement de contestation n'a pas été connu en Chine depuis les manifestations de Tian'anmen, en 1989 qui réclamaient davantage de démocratie dans le pays. Elles s'étaient terminées dans un bain de sang avec plusieurs milliers de morts après qu'une répression menée par l'armée a été ordonnée. A ce stade, les manifestations sont loin de concerner une majorité de Chinois, d'autant plus que la censure fait rage sur les réseaux sociaux où les images des mouvements peinent à se diffuser. D'autant qu'en pleine Coupe du monde de football, diffusée en Chine, les images des supporters sans masque en tribunes ne sont pas montrées, remplacées par des gros plans sur les joueurs ou le staff des équipes.