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Discours sur l’état de l’Union : face à un Congrès divisé, Joe Biden rêve de compromis

Joe Biden a donné mardi soir son deuxième discours sur l'état de l'Union face à un Congrès qui n'est plus entièrement acquis à sa cause. Tout en sachant que ses chances de compromis avec l'opposition sont désormais menues, le président américain, qui songe déjà à 2024, a réitéré ses appels à l'unité pour le bien de la nation.

"Quand des dirigeants étrangers me demandent de définir les États-Unis, je le fais en un mot : possibilités." Mardi 7 février, face à un Congrès américain divisé, c'est la possibilité d'une seconde partie de mandat placée sous le signe du compromis qu'a explorée sans trop de naïveté Joe Biden.

Le président américain a prononcé, comme le veut la tradition, son deuxième discours sur l'état de l'Union dans l'enceinte du Capitole. La majorité de la Chambre des représentants a basculé côté conservateur à la suite des élections de mi-mandat de novembre. À l'écran, c'est donc le nouveau speaker républicain Kevin McCarthy qui se tenait derrière Joe Biden. Et qui l'a même applaudi par moments.

"Vous savez, on nous dit souvent que les démocrates et les républicains ne peuvent pas travailler ensemble, a déclaré le chef de l'État. Mais ces deux dernières années, nous avons prouvé aux cyniques et aux rabats-joie qu'ils ont tort." Et de rappeler qu'il a signé, depuis son arrivée au pouvoir, quelque 300 lois adoptées grâce aux voix des deux partis rivaux. Joe Biden a cité l'exemple dont il est peut-être le plus fier : la loi sur les infrastructures, "le plus gros investissement dans les infrastructures depuis le système d'autoroutes du président Eisenhower".

"Je remercie sincèrement mes amis républicains qui ont voté pour la loi", a continué Joe Biden, avant de se montrer plus sarcastique : "Et à mes amis républicains qui ont voté contre mais qui réclament quand même des financements pour des projets dans leurs circonscriptions, ne vous inquiétez pas. J'ai promis d'être le président de tous les Américains. Nous allons financer vos projets. Et nous nous verrons à l'inauguration."

Difficile compromis

Malgré ses appels à l'unité, Joe Biden n'oublie pas à qui il s'adresse. S'il a gardé sa majorité au Sénat, il doit désormais composer avec une Chambre des représentants républicaine, ce qui rend tout compromis beaucoup plus difficile. Surtout, parmi les nouveaux représentants élus, certains, membres de la frange MAGA (Make America Great Again, les partisans de l'ex-président Donald Trump) ont juré de faire blocage à l'exécutif. Ce petit groupe détient une capacité de nuisance considérable jusque dans son propre camp, en témoigne la difficulté qu'a eue Kevin McCarthy à devenir speaker.

Les défis sont nombreux. Le président américain doit ainsi négocier avec l'opposition pour relever le plafond de la dette du pays d'ici au début du mois de juin, sans quoi les États-Unis pourraient faire défaut et, par effet domino, provoquer une crise financière mondiale. Les républicains, qui estiment que l'État fédéral dépense trop et crée de l'inflation, exigent des coupes budgétaires en échange de leurs voix. Il en est hors de question pour la Maison Blanche.

"Certains de mes amis républicains veulent prendre l'économie en otage à moins que j'approuve leurs projets", a dénoncé Joe Biden, après avoir rappelé que durant le mandat de son prédécesseur Donald Trump, "le déficit a augmenté quatre années d'affilée" et les élus du Congrès ont "relevé le plafond de la dette trois fois sans précondition ni crise". "Ils ont payé les factures des États-Unis pour éviter un désastre économique au pays. Ce soir, je demande au Congrès de faire de même."

En guise de réponse aux critiques concernant les dépenses de l'État engagées depuis le début de son mandat, Joe Biden a cherché à démontrer aux élus, mais aussi et surtout aux électeurs, que sa politique de relance fonctionne. Il a dressé le tableau d'une économie américaine qui se relève très vite, avec un taux de chômage à seulement 3,4 %, au plus bas depuis 50 ans, et la création de 800 000 emplois industriels. L'inflation est en train de ralentir, a-t-il ajouté, tout en concédant qu'il restait du travail sur ce point.

S'unir face aux autocraties

Joe Biden a passé une grande partie de son discours à parler d'économie. Après tout, le discours sur l'état de l'Union s'adresse d'abord aux Américains. Le sujet de l'Ukraine, qu'il avait longuement abordé l'année dernière lors de son premier discours, juste après l'invasion russe, a cette fois été évoqué brièvement. Le chef de l'État a promis de continuer à soutenir Kiev, symbole de la "défense de la démocratie", "aussi longtemps qu'il le faudra". Là encore, il lui faudra trouver un compromis avec les républicains. Certains élus MAGA réclament en effet la fin de l'aide financière à l'Ukraine, même si le sujet fait débat en interne.

Le président américain a aussi eu des mots durs pour la Chine, quelques jours après l'affaire du ballon "espion" qui a survolé les États-Unis avant d'être abattu. Le Parti républicain s'est saisi de cette affaire et continue de dénoncer sans relâche la "faiblesse" de la réaction américaine, trop tardive à son goût. "Ne vous y trompez pas : comme nous l'avons clairement montré la semaine dernière, si la Chine menace notre souveraineté, nous agirons pour protéger notre pays. Et nous l'avons fait", a répondu Joe Biden avant d'appeler à l'unité américaine face à Pékin. "Remporter la compétition face à la Chine devrait nous unir tous." "Ces deux dernières années, les démocraties sont devenues plus fortes, et les autocraties plus faibles", a-t-il poursuivi.

Tout au long de son discours, Joe Biden a réitéré ses appels à la cohésion nationale et aux compromis politiques là où cela est possible : lutte contre les opiacés, recherche contre le cancer, soutien aux vétérans... Mais il a aussi montré qu'il était prêt à l'affrontement pour défendre certaines valeurs si nécessaire. "Si le Congrès passe une loi interdisant l'avortement au niveau fédéral, je mettrai mon veto", a-t-il lancé.

La main tendue mais ferme

Le président démocrate, qui pourrait annoncer sa candidature pour 2024 dans les prochaines semaines, a tout intérêt à jouer - à une heure de grande écoute - cette carte de la main tendue mais ferme, peu importe si ses chances de réussite sont proches de zéro. Car en cas de paralysie politique, il ne souhaite pas être tenu responsable par les électeurs. Il continue surtout à se penser comme celui qui peut "réconcilier l'Amérique" et "guérir l'âme de la nation", comme il le disait en 2020 pendant la course à la Maison Blanche. "Nous devons nous voir non pas comme des ennemis, mais comme des concitoyens américains", a-t-il lancé à la fin de son allocution, comme s'il était déjà de retour en campagne.