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Dries Depoorter, l’artiste qui vous observe en train de poser pour Instagram

Devant une façade rouge couronnée de fleurs, un trentenaire force son sourire. David Welly Sombra Rodrigues prend la pose à l’entrée du Temple Bar, un pub situé dans le centre de Dublin, en Irlande. C’est une habitude.

Entre deux avions, ce Brésilien, professeur de français, ne rate jamais une occasion d’immortaliser une visite touristique. Il partage ensuite la photo avec ses quelque 7 000 abonnés sur Instagram. Mais cette fois, raconte The New York Times, le cliché a eu un succès inattendu.

“Je ne savais pas que j’étais filmé”

Son portrait s’est retrouvé sur le site de Dries Depoorter. Cet artiste belge de 31 ans l’a récupéré et accolé à une image presque identique. Elle avait été prise au même endroit et au même moment, mais sous un autre angle, par une caméra. Pour la récupérer, il lui a suffi de se rendre sur le site d’EarthCam, une société du New Jersey qui s’est spécialisée dans l’offre d’images filmées en direct aux quatre coins du monde.

Grâce à ce procédé, appliqué à plusieurs reprises, le projet The Follower (“le suiveur, l’abonné sur les réseaux sociaux”) montre “tout ce qui peut être enregistré par les webcams qui filment des espaces publics”, explique The New York Times.

David Welly Sombra Rodrigues a appris l’existence du montage par un ami, qui avait lu un article de l’agence américaine Bloomberg sur le projet. “J’étais vraiment choqué”, avoue-t-il au New York Times. “Je ne savais pas que j’étais filmé.” Ainsi, Dries Depoorter a-t-il réussi à provoquer l’étonnement qu’il cherchait à créer, pour montrer à la fois le caractère artificiel des photos publiées sur les réseaux sociaux et les dangers de l’automatisation de la surveillance. “Si une personne peut faire ça, que peut faire un gouvernement ?” questionne-t-il.

Grâce aux données de géolocalisation

Basé à Gand, en Flandre-Orientale, Dries Depoorter s’était déjà servi des caméras publiques afin de repérer les piétons grillant les feux rouges. Il avait ensuite rassemblé les photos de ces forfaits dans une exposition, où elles étaient offertes au prix de l’amende à laquelle les passants s’exposaient. L’an dernier, l’artiste avait programmé une intelligence artificielle pour traquer les élus du Parlement flamand rivés à leur portable dans l’hémicycle.

Il y a un mois, retrace The New York Times, Dries Depoorter visionnait le direct d’EarthCam à Times Square, dans le centre de New York, quand il a surpris une femme en pleine séance de selfies. Pensant avoir affaire à une influenceuse, il a cherché à la retrouver sur les réseaux sociaux, sans parvenir à ses fins. Mais cela lui a donné envie de répéter l’opération. Il n’a eu qu’à consulter les images d’EarthCam prises à New York, Chicago ou Dublin, et télécharger les photos des internautes qui s’étaient géolocalisés aux mêmes endroits. Si ce n’était pas suffisant, il s’aidait d’un “logiciel de reconnaissance faciale en open source”, ajoute The New York Times.

Dries Depoorter n’a pas contacté les personnes qui apparaissent dans le projet The Follower. “Il a refusé de donner leur identité au New York Times, à l’exception de M. Rodrigues, à la condition que le New York Times n’écrive rien sur le professeur brésilien sans la permission explicite de celui-ci”, dévoile le quotidien américain, qui a obtenu l’autorisation de l’intéressé.

Son visage est apparu, avec celui d’autres amateurs d’Instagram, dans une vidéo compilant les montages de Dries Depoorter. Mais à la demande d’EarthCam, qui revendique les droits de ces images, YouTube l’a retirée. De son côté, la société basée dans le New Jersey continue de diffuser en temps réel des images filmées dans des lieux publics, et notamment devant le Temple Bar.