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Dussopt, un délit dans le débat [Le point de vue de CL]

Dussopt, un délit dans le débat [Le point de vue de CL]
Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, se retrouve fragilisé en pleine réforme des retraites.

Photo AFP

Par Éric DECOUTY, publié le 6 février 2023 à 11h59, modifié à12h05.

Voici l’édito de CL de ce lundi 6 février.

Au début des années 90, au temps où les « affaires » proliféraient comme la mauvaise herbe dans le champ d’un paresseux, une règle de bonne gouvernance fut édictée. La « jurisprudence Balladur » du nom du Premier ministre qui l’imposa, voulait que tout membre du gouvernement mis en cause par la justice quitte sur le champ ses fonctions. Durant près de trente ans, la droite et la gauche l’appliquèrent sans barguigner et une kyrielle de ministres durent ainsi démissionner : Longuet, Strauss-Kahn, Woerth, Cahuzac, pour n’en citer que quelques-uns. Cette pratique, qui n’était écrite dans aucun livre de droit, avait pour objectif de redonner un peu de crédit à une classe politique accablée par les turpitudes découvertes par les juges d’instruction.

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, la « jurisprudence Balladur » a été expédiée aux oubliettes et ne ressort plus qu’en de très rares exceptions. Si François Bayrou a dû abandonner la Chancellerie en 2017 et Jean-Paul Delevoye la réforme des retraites avortée en 2019, la justice n’a plus d’influence sur l’avenir politique d’un ministre. Gérald Darmanin est resté place Beauvau durant l’instruction de son dossier (accusé de viol, il a bénéficié d’un non-lieu) et Éric Dupond-Moretti, bien que renvoyé devant la Cour de justice de la République, est toujours Garde des sceaux. Dernière illustration : on sait depuis vendredi qu’Olivier Dussopt, ministre du Travail, est poursuivi par le Parquet national financier pour un délit de « favoritisme » mais continuera de porter la réforme des retraites avec la bénédiction d’Élisabeth Borne.

Certes, Olivier Dussopt, qui nie toute implication dans cette histoire de marché truqué, est présumé innocent, mais si la « jurisprudence Balladur » faisait litière de ce principe fondamental de notre droit, elle fixait une ligne claire permettant au débat politique de ne pas être pollué par une procédure judiciaire. Or aujourd’hui, c’est un ministre frappé d’une lourde accusation qui va se présenter devant l’Assemblée et surtout devant l’opinion. À l’extrême impopularité de la réforme s’ajoute donc un doute sur l’honnêteté de celui qui est censé l’incarner. En s’asseyant une fois de plus sur la « jurisprudence Balladur », Emmanuel Macron choisit donc de laisser une affaire judiciaire peser sur le débat politique et nourrir davantage le rejet des citoyens envers leurs représentants.