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EDITO. Les indispensables de Sciences et Avenir : la science au service des jardins

Prenez entre vos doigts une poignée de terre, émiettez-la et observez : quelques animalcules, collemboles ou cloportes, dévorent des feuilles à demi décomposées, des racines entrelacées de champignons s’étirent en quête d’eau et de nourriture vers les tréfonds du sol… Une poignée de terre, c’est déjà un jardin en réduction : une harmonie éphémère entre les animaux, les plantes et la roche. Encore ne voyez-vous là que la partie émergée de cet étrange continent. Dans les profondeurs, un petit monde invisible s’affaire, bactéries, paramécies, nématodes…

Tisser des passerelles entre scientifiques et jardiniers

Oui, le sol est grouillant de vie, de cette vie qui assure celle de l’écosystème tout entier. Belle découverte, me direz-vous, tout sauf une nouveauté… et qui n’avait pas échappé au grand Darwin lui-même dont le dernier opus, nourri de l’observation attentive de son jardin, s’intitulait La Formation de la terre végétale par l’action des vers de terre. Une vieille lune, donc… mais désormais confirmée par la science. Tel est le projet qui a guidé ce numéro : tisser des passerelles entre scientifiques et jardiniers.

Car, ainsi que le rappelle le biologiste Marc-André Selosse, les premiers, parfois… trouvent, mais ce sont les seconds qui font pousser radis et tomates. Et de plaider pour un droit d’inventaire par la science des pratiques anciennes, souvent invoquées notamment par les tenants de la permaculture, afin de les confirmer, optimiser… ou abandonner. Dans cette optique, écologues, spécialistes des racines ou des hormones végétales décryptent les réactions des plantes aux actions humaines : quels mécanismes déclenchent-elles lorsqu’on les taille ou arrose ? Tandis qu’obtenteurs et généticiens, tournés vers l’avenir, s’allient pour inventer la rose absolue, au parfum puissant et à la floraison sans fin... La pratique du jardinage doit changer, l’œil le moins averti le devine : sécheresses, canicules, biodiversité en chute libre…

L’humain ne peut plus mettre le jardin à sa botte, trancher dans le vif les délicates relations qui s’établissent dans ce fragile écosystème en tuant sans discriminer « mauvaises » herbes ou « mauvais » insectes. Il s’agit de changer de regard, mais aussi de faire évoluer ses pratiques. Pas de panique, on peut commencer par quelques gestes simples, rappelle le jardinier youtubeur Damien Dekarz : paillez un petit coin de terre et, rapidement, vous éviterez bien des arrosages, nourrirez votre sol, verrez revenir insectes et oiseaux...

"Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde"

Nous avons voulu illustrer cette révolution douce en partant à la découverte de jardins armés pour les défis de demain : historiques comme Versailles ou Chambord, en passe de se convertir en oasis de biodiversité ; méditerranéens, les mieux parés face au réchauffement ; ou même punk, pour ceux – nous sommes nombreux – désireux de conjuguer beauté, abondance et… paresse ! "Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde", disait le philosophe Michel Foucault. Ainsi la science nous permet-elle de nouer un dialogue renouvelé avec le petit coin de nature qu’il nous revient, à nous les jardiniers, de relier à la planète tout entière. En renforçant cette presque symbiose qui nous rattache, mystérieusement, au moindre être vivant, qu’il soit libellule, laitue ou… ver de terre.