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Éducation numérique : « Les parents doivent agir en adultes responsables »

La Croix : Comment les parents doivent-ils informer leurs enfants sur ce que sont les influenceurs ?

Thomas Rohmer : Tout d’abord, ils doivent ouvrir les yeux : ces influenceurs sont les nouvelles égéries. Beaucoup d’adultes le sous-estiment, à la fois parce que chaque génération a tendance à regarder d’un œil moqueur les idoles de ses cadets, mais aussi parce que le monde de l’influence est un écosystème très fluctuant et difficile à cerner. Pourtant, ces influenceurs sont aujourd’hui aussi incontournables que ne l’étaient les acteurs américains à l’époque de leurs grands-parents ou les mannequins et sportifs à l’âge de leurs parents. Ils sont ceux que le monde regarde, qui donnent leur avis sur tout.

De là, il faudrait accepter de s’intéresser à ce qu’ils racontent, prendre le temps de s’asseoir avec son enfant et regarder avec lui les vidéos qu’il aime. C’est une nécessité absolue afin de réduire le fossé qui existe entre ce que perçoivent les parents et ce que vivent réellement les enfants. Notre enquête publiée en début d’année est édifiante. Un chiffre à lui seul résume l’enjeu : 9 % des 7-10 ans se rendent sur les réseaux sociaux selon les parents, alors que les enfants déclarent être 28 % à le faire ! Cela signifie que les adultes, qui équipent leurs enfants de plus en plus tôt d’appareils numériques, se désintéressent ensuite de ce qu’ils en font. Cela les conduit, finalement, à sous-estimer les risques.

Comment les aider à former un esprit critique ?

T. R. : Être parent à l’ère numérique, c’est faire l’effort d’argumenter pour défendre des valeurs qui nous sont chères et de le faire sans a priori. Au fond, c’est assez simple : il suffit de faire comme les parents d’autrefois, qui regardaient la télévision avec leurs enfants et en discutaient avec eux. On peut regarder une vidéo et, après, engager la discussion : « OK, tu aimes cette influenceuse qui se filme depuis sa piscine de Dubaï et te propose, au passage, d’acheter un coffret beauté en réduction, mais quel sens ça a ? Fait-elle du divertissement ou du commerce ? » Il y a plein de discussions possibles, qui sont aussi de bons moments avec son enfant ou son ado.

Alors que l’influenceur Norman Thavaud est actuellement visé par six plaintes de fans, quels sont, selon vous, les plus grands dangers pour les enfants ?

T. R. : Il y a deux niveaux très distincts. Certains influenceurs sont dans une démarche mercantile et l’assument. Les parents doivent donc accompagner leurs enfants, et décrypter ces vidéos qui constituent, en fait, des publicités déguisées.

Ensuite, il peut arriver que certains influenceurs réorientent leurs fans – sans tenir compte qu’il y a des enfants parmi eux – vers des sites de mise en relation clairement pas appropriés à de jeunes enfants. Cet aspect peut poser problème. En effet, les études montrent que le succès des influenceurs tient à leur proximité avec le public. Chacun peut se dire qu’en quelques clics il pourra discuter avec eux. Là où l’acteur ou le chanteur restaient inatteignables, l’influenceur est proche. Certains peuvent en abuser.

Il peut exister, dans les cas les plus graves, une porosité très malsaine entre la sphère de l’influence et celle du sexe tarifé. Ce cas est celui, par exemple, d’un influenceur qui n’arrive pas à émerger, mais s’est constitué toutefois une audience non négligeable. De là, il peut être tenté de vendre des contenus sexualisés de lui-même à sa communauté pour gagner de l’argent. Les frontières se floutent alors dans l’esprit des jeunes. Certains sont tentés de faire pareil et adoptent des conduites à risque, allant jusqu’à basculer dans une forme de prostitution en ligne.

Mais là encore, peu de jeunes tombent dans le piège. En revanche, ceux qui se mettent en danger ne sont jamais ceux qui sont bien dans leur peau et entourés par leurs parents. Tout est dans l’éducation. Il faut certes que l’État contrôle mieux l’accès à certains sites, mais les parents doivent aussi agir en adultes responsables, et éduquer leurs enfants au numérique.