France
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ÉIisabeth Badinter : « Réagir est un devoir »

Jusqu'à très récemment, je n'ai jamais été tentée par le désespoir, un état de conscience qui nous fait penser que tout est perdu, et qui à mes yeux ne peut être atteint que lorsque la mort est là, soit parce que votre santé est irrémédiablement touchée, soit parce qu'une guerre abominable fait des ravages autour de vous… Mais je peux vous confier que j'ai quand même un pied dans le désespoir, même si l'autre, heureusement, tient bon. La raison ? L'inquiétude terrible que me cause la chute vertigineuse de notre école publique laïque dans les classements internationaux, et nos constats nationaux ! Une école qui est l'un de nos biens les plus précieux, surtout pour toutes celles et ceux qui ont besoin d'un ascenseur social en état de marche, mais que l'on voit plonger, notamment parce que le ressenti et les croyances y priment désormais sur la raison, le relativisme sur l'universalisme, un phénomène dramatique qu'accélère encore le règne des réseaux sociaux. Or nous n'avons jamais eu autant besoin de connaissance et d'esprit critique. Si je parviens à ne pas désespérer complètement, c'est grâce à l'esprit de résistance que m'a transmis mon père, qui m'a toujours inculqué l'idée qu'en présence de fautes graves, d'injustice, réagir est un devoir.

On reproche à la France, dernièrement, l'usage du mot « laïcité » . Je crois qu'il est mal compris et qu'il faut être très clair : la laïcité n'est pas un combat contre les croyances dans la société française, mais la séparation de l'Église et de l'État qui garantit, à l'école, une parole libre et de vérité. L'école est le lieu où l'on acquiert des connaissances, pas des croyances. Et notre laïcité permet aussi aux Françaises de protéger leurs droits contre les religions qui les ont privées de tant de libertés personnelles. Au moment où la moitié des États américains prohibent l'avortement, donc de disposer de son corps, il est bon de rappeler cette séparation de l'Église et de l'État, et que Dieu ne fait pas la loi en France. Propos recueillis par Christophe Ono-dit-Biot

Helene BAMBERGER/opale.photo