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Électricité : comment la Belgique va aider la France à éviter les coupures cet hiver

Dans la commune belge de Tournai, près de la frontière avec la France, l'ambiance était à la fête ce vendredi. A l'intérieur d'un chapiteau dressé sous une ligne à haute tension, les responsables de la gestion du réseau électrique des deux pays, RTE et Elia, affichaient un visage détendu. Lequel tranchait avec les mauvaises nouvelles annoncées ces derniers jours, après la circulaire envoyée aux préfets par Elisabeth Borne afin d'organiser des coupures tournantes en cas de manque d'électrons cet hiver.

Il faut dire que l'événement ne pouvait tomber à un meilleur moment. Car sous ce chapiteau se tenait une inauguration toute particulière, au vu du contexte : celle du renforcement de l'interconnexion électrique entre la Belgique et la France, enfin achevée après quatre ans de travaux. Une aubaine pour l'Hexagone, qui compte plus que jamais sur ses voisins pour lui envoyer du courant dans les prochains mois, alors qu'il fonce tout droit vers un déficit de production lié notamment à l'arrêt d'une bonne partie de son parc nucléaire.

« Cette nouvelle infrastructure va contribuer à la sécurité d'approvisionnement de la France cet hiver. Même si ce n'est pas un ''game changer'', c'est un élément très important », a expliqué le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk.

Augmentation de la capacité de 3 à 6 GW

L'électricité acheminée ne proviendra d'ailleurs pas que des moyens de production belges : étant donné que le réseau européen forme une toile complexe, le courant issu des centrales allemandes, luxembourgeoises ou encore hollandaises pourra également y transiter, afin d'arriver jusqu'en France en cas de besoin.

Concrètement, sur une distance de 40 kilomètres (entre Avelgem en Belgique et Avelin en France), les conducteurs à haute tension ont été remplacés par d'autres, plus performants. Ce qui a permis d'augmenter la capacité de fourniture d'électricité que pourra supporter ladite ligne, en passant de 3 à 6 gigawatts (GW) - soit l'équivalent de la consommation de 6 millions de foyers. En tout, l'opération augmente ainsi les capacités totales d'interconnexion de la France à 15 GW, c'est-à-dire plus de 15 fois la puissance d'une centrale nucléaire, afin d'éviter de se heurter à des congestions aux frontières sur les réseaux lors des pointes de demande.

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Stratégie de développement des échanges

Cependant, le fait que l'inauguration tombe au moment-même où la France s'apprête à traverser une crise d'approvisionnement sans précédent n'est liée qu'à un heureux concours de circonstances. De fait, le premier accord entre RTE et son homologue belge Elia pour développer l'interconnexion date de 2011, et les travaux ont débuté dès l'année 2018. Mais « avec ce qu'il se passe, on a tout fait pour tenir les délais, en dépit de tous les imprévus liés au Covid », glisse à La Tribune Laurent Campat-Lampin, délégué de RTE dans les Hauts-de-France. Les coûts ont, eux aussi, été tenus, et se sont élevés à 90 millions d'euros financés à parts égales par RTE et Elia.

Ces nouvelles capacités d'échange entre l'Hexagone et son voisin belge s'inscrivent dans une stratégie plus globale de développement des interconnexions électriques entre les pays d'Europe. Car au-delà de la crise énergétique actuelle, l'idée serait de permettre un plus grand déploiement des énergies renouvelables intermittentes, comme l'éolien et le solaire photovoltaïque. En effet, leur production dépend des conditions météorologiques, et n'est donc ni pilotable, ni totalement prévisible - contrairement à celle issue des énergies fossiles. Dans ces conditions, les pays souffrant temporairement d'un déficit de production éolienne à cause d'un manque de vent, par exemple, devront s'appuyer sur d'autres pays où le vent souffle à ce moment pour continuer d'assurer l'offre.

« Solidarité absolue »

« C'est le meilleur moyen, et le moins cher, pour optimiser le réseau », a ainsi plaidé vendredi Xavier Piechazcyk. Cela n'en reste pas moins un « grand défi », a-t-il souligné, alors que la France vise un doublement de ses capacités d'échange en 2035 (30 GW), avant d'atteindre 40 GW en 2050.

Début 2021, une nouvelle interconnexion entre la France et l'Angleterre a ainsi vu le jour, dont la puissance maximale atteint 1 GW. Par ailleurs, un projet baptisé Golfe de Gascogne vise quant à lui à créer une nouvelle interconnexion électrique entre la France et l'Espagne, pour porter la capacité d'échange entre les deux pays de 2,8 à 5 GW. Et le mouvement s'accélère : il y a quelques jours, RTE a annoncé avoir signé un accord pour construire la première liaison électrique entre la France et l'Irlande, prévue dès 2026. Autant de projets qui devraient contribuer à la sécurité d'approvisionnement des pays européens, et ce dès cet hiver, en vertu d'une « solidarité absolue », espère Xavier Piechazcyk.

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