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Emotion, connaissance et médiation humaine, au menu du nouveau Palais de la Découverte

Sur la table, un bol d’azote liquide à -196°C dégage de diaphanes nuages blancs. Marilyn en sort un petit palet qu’elle y avait mis à refroidir et le dépose à côté. Elle approche un aimant avec lequel elle le frotte légèrement, puis lâche le tout. Hop ! voici l’aimant en lévitation… Ni magie, ni ficelle cachée, mais de la science fondamentale – le palet est un matériau diamagnétique supraconducteur - dans ses aspects spectaculaires. De quoi arrondir les yeux des spectateurs bluffés, qui ne manquent alors pas de s’interroger.

Une révolution dans la façon de représenter la science

Ce mardi 29 novembre 2022, pour présenter officiellement ce que sera en 2025 (lire encadré) le nouveau « Palais de la découverte » au sein du palais d’Antin, aile du Grand Palais aujourd’hui en pleins travaux, une médiatrice était là pour illustrer la vocation du lieu : rester "un musée qui parle. Qui offre une médiation avec des rencontres intellectuelles et humaines", comme l’affirme Bruno Maquart. Depuis le bâtiment éphémère des « Etincelles » (1), dans le 15ème arrondissement à Paris, le président d’Universcience rappelle qu’à sa création, en 1937, "le Palais de la Découverte avait révolutionné la manière de présenter la science".

Inventé cette "formule unique d’une médiation humaine" pour un univers scientifique jusqu’alors livresque. Et chacun de se remémorer, selon son âge, les spectaculaires expériences qu’il ou elle a pu y vivre ces dernières années ou décennies. L’archétype du souvenir ? Celui de la salle d’électrostatique, où les cheveux des visiteurs se dressent en suivant d’invisibles lignes de champ. Émotion garantie. Promis, juré, on pourra retrouver demain la démonstration chouchou. Et il y aura bien d’autres manipes-icônes à découvrir (ordinateur à billes, tornade, cuve à tsunami…) assure Michèle Antoine, directrice des expositions d’Universcience, dont le "défi [est] de repenser une institution centenaire". Et de faire miroiter, par exemple, la vision d’une fontaine d’où tombent des myriades de gouttes. "Imaginez une lumière stroboscopique… Ses flashes, selon leur fréquence, donneront l’illusion que les gouttes lévitent", ajoute-t-elle. Cette fontaine très pédagogue pourra permettre d’évoquer aussi bien la notion de persistance rétinienne que celle des ondes…

"Anticiper le futur numérique ou décrypter le vivant"

Une chose obsède l’équipe (2), que le musée reste à la page. "Jamais on n’a eu autant besoin de science et de faire découvrir [cette] science d’aujourd’hui en action", insiste Antoine Petit, PDG du CNRS, instauré partenaire scientifique de référence (3). Le Palais sera celui "de la recherche et des découvertes", promet Bruno Maquart, où le grand public doit pouvoir saisir ce que sont "la fabrique de la recherche, les méthodes de travail des chercheurs". Grande ambition, jugée indispensable à l’heure des fake news. Nécessité de comprendre ce qu’est la démarche scientifique en temps de changement climatique et de travaux au niveau mondial comme ceux du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Sont ainsi prévus des "îlots de recherche contemporaine" - c’est leur nom - où l’on pourra "anticiper le futur numérique ou décrypter le vivant". Mais aussi des "îlots des savoirs scientifiques afin de comprendre comment s’élabore un fait scientifique". Sans oublier un planétarium dernier cri (4) qui pourrait devenir une des attractions les plus courues (4) et une salle immersive pour pénétrer au cœur des grandes infrastructures mondiales de recherche. Premier élu, le synchrotron Soleil.

La quarantaine de médiatrices et médiateurs, toujours prévus pour animer les salles du Palais, ne devraient pas chômer. Pour qu’ils puissent en permanence s’adapter aux demandes changeantes des nouveaux publics, tout restant proches des chercheurs, une innovation a aussi été introduite à leur endroit : "Un réseau de recherche sur la médiation scientifique nommé ReMédis", explique son pilote Matteo Merzagora, qui vient de rejoindre l’équipe du nouveau Palais, après avoir dirigé l’espace Pierre-Gilles de Gennes (Paris) et le laboratoire d’idées Traces.

Vite, il ne reste que deux ans et demi pour tout mettre en œuvre. Le jeu en vaut la chandelle. Car le Grand Palais dans son entier (75.000 m2), tout près des Champs-Elysées, va redevenir à coup sûr un pôle d’attraction extraordinaire. Non seulement pour les Parisiens, les Franciliens, les Français et leurs enfants, mais aussi les touristes étrangers. Le projet qui prévoit (à terme) une circulation libre entre la grande nef à l’immense verrière (5) et la rotonde à la célèbre coupole du Palais d’Antin, mais aussi du nord au sud en direction de la Seine, promet du spectaculaire. Le chantier que Sciences et Avenir a pu visiter durant l’été 2022 révèle toute l’ambition de François Chatillon, architecte en chef des Monuments historiques du ministère de la Culture. Abattre des murs intérieurs qui se sont multipliés au fil des ans, retrouver la lumière de verrières obscurcies par des plâtres, faire réapparaître des volumes gigantesques après des décennies de cloisonnement, restaurer les mosaïques et les sols parfois dissimulés sous des coffrages, ré-installer des couleurs accueillantes et dans l’esprit des lieux, que ce soit pour le spectaculaire escalier art-nouveau ou les dalles de la nef.

Au Palais de la Découverte, on pourra retrouver, restauré, le grand tableau "Le transport des forces" de Fernand Léger. Et, surprise, découvrir 5 toutes nouvelles œuvres d’art plastique dont l’équipe est en train de passer commande, indique Michèle Antoine. Surtout, l’aménagement global, notamment dans une salle inédite qui doit présenter un écosystème tropical guyanais, promet de respecter l’architecture intérieure du bâtiment (6). Le Grand Palais ne devait pas être conservé après l’Exposition Universelle de 1900 pour laquelle il avait été érigé. Une bonne partie des architectes du XXe siècle, le Corbusier en tête, le trouvait horrible. Et voici comment, tout à l’inverse, il doit réapparaître en majesté et magnifié.

1) Cette structure aménagée le temps des travaux comporte 3 salles de médiation de 40 places chacune et d’un planétarium de 49 places. Adresse : Jardin Caroline-Aigle, 186, rue Saint-Charles 75015 Paris Rens : palais-decouverte.fr
2) Une centaine de personnes actuellement dans l’équipe de préfiguration.
3) Un conseil scientifique de 11 scientifiques a été constitué, où l’on retrouve des personnalités comme l’astrophysicienne Françoise Combes (médaille d’or du CNRS), le mathématicien Etienne Ghys, le physicien Gabriel Chardin (médaille d’argent du CNRS), président du comité des très grandes infrastructures de recherche, l’historien des sciences Dominique Pestre, l’ancienne ministre Geneviève Fioraso…
4) Coupole de 15 mètres de diamètre, logiciel de simulation astronomique SkyExplorer, technologies 8K hybride haute performance. Conception de Konica Minolta France, dans le cadre d’un mécénat. 5) Doivent s’y dérouler les épreuves d’escrime (épée, fleuret, sabre) des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

2025, 7579 m2, 44 millions d’euros
C’est en deux temps que doit s’ouvrir le nouveau Palais de la Découverte, dont l’équipe de préfiguration précise qu’il n’a pas perdu d’espace, contrairement à ce qui avait été redouté il y a quelques années, tout particulièrement par la Société des amis du Palais de la Découverte (Sapade) : 7135 m2 avant fermeture, 7579 m2 à la réouverture - 8204 m2 avec la Galerie des enfants.
L’équipe de préfiguration "s’efforce de rester dans le budget prévu de 44 millions d’euros" (sur les 466 millions du coût total du projet du nouveau Grand Palais), précise Bruno Maquart, président d’Universcience. Au printemps 2025, doit entrer en fonction la « Galerie des enfants » (625m2), située en sous-sol, pour les petits de 4 à 8-10 ans.
Conçue en co-production avec la Réunion des Musées de France, elle "tire parti de l’expérience d’Universcience", qui accueille de très nombreux scolaires depuis plus de trente-cinq ans. Une exposition sur le thème de la « Transparence » est prévue pour inaugurer les lieux. A l’automne 2025, doit enfin ouvrir l’ensemble du Palais de la Découverte (ses îlots de découverte, les manipes-icônes, l’écosystème tropical, etc. [lire article ci-contre]).