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En Bretagne, "80 éoliennes en mer alimentent 700 000 personnes en électricité" : voilà ce qui nous attend en Occitanie

Le parc commercial de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) est le premier français à avoir été mis en fonction voilà six mois, soit 80 éoliennes posées à une dizaine de kilomètres de la côte. Une délégation du parlement de la mer d'Occitanie a visité ces installations avant l'arrivée de l'éolien flottant en Occitanie en 2023-2024, facteur de transition énergétique. Reportage.

Au milieu de l’Atlantique, elles se dressent devant le visiteur qui peut les approcher jusqu’à 50 m de distance. Ces immenses géants d’acier de 185 m en bout de pale, tournent régulièrement en ce jour de vent modéré.

Situées à 12 km du Croisic et 14 km de La Turballe, deux ports de Loire-Atlantique, elles constituent une première en France : ce parc commercial inédit de 80 éoliennes en mer posées sur des fonds de 12 à 25 m, produit de l’électricité depuis novembre. Elles préfigurent une révolution industrielle en marche portée par l’État et qui va déferler sur nos côtes d’Occitanie, dès 2024, sur une version flottante, soutenue activement par la Région désireuse d’accélérer sa transition énergétique jusqu’à la neutralité carbone en 2050.

20 % de la consommation électrique de Loire-Atlantique

Un chiffre résume cet enjeu : ces dizaines de machine alimentent déjà 20 % de la consommation électrique du département Loire-Atlantique.

"Ces 80 éoliennes de 6 Mégawatts chacune, soit 480 MW, c’est l’équivalent de la consommation de 700 000 habitants. Elles tournent entre 10 et 90 km/h de vent et à 90 % du temps. Et Nous avons même fait des pointes à 850 000 habitants", développe Benoît Figarède, responsable du pôle pêche et usages d’EDF Renouvelable, qui gère le parc.

La délégation du parlement de la mer d'Occitanie s'est rendue compte de l'ampleur d'un parc éolien.
La délégation du parlement de la mer d'Occitanie s'est rendue compte de l'ampleur d'un parc éolien. YP

À ses côtés sur le bateau, la délégation du parlement de la mer d’Occitanie – élus, scientifiques, pêcheurs, techniciens – est venue voir in situ ce qui va fleurir au large de l’Aude et des Pyrénées-Orientales dans quelques mois (lire par ailleurs), avec comme pivot central Port-la-Nouvelle. Tous sont unanimes.

"Viser la souveraineté énergétique"

"Je ne suis ni surpris, ni choqué par l’immensité des machines de 185 m. Elles sont distantes d’un kilomètre les unes des autres, je trouve que c’est plutôt respectueux de l’espace et que cela s’intègre dans le paysage", réagit à chaud Didier Codorniou, président du parlement et premier vice-président de la Région chargé du littoral.

"Il faut anticiper ce qui se passe en Ukraine et viser la souveraineté énergétique. Je suis très optimiste quand je vois comment ce parc fonctionne."

Les fermes pilotes à venir en Occitanie, puis les parcs commerciaux

C’est le nombre d’éoliennes flottantes pour les trois fermes expérimentales en Méditerranée, d’ici fin 2023 et 2024. En Paca, le projet Provence grand large, à 17 km de Fos, a pris de l’avance avec le premier flotteur mis à l’eau mi-mai. Trois autres éoliennes du projet Eolmed seront en fonction au large de Port-la-Nouvelle (où elles seront assemblées) et Gruissan (Aude) pour alimenter 40 000 personnes tout comme les trois dernières au large de Port Barcarès (P-O) pour le projet EFGL.

En 2024 sera également désigné le lauréat de l’appel d’offres dit A06 pour deux champs d’éoliennes commerciales en Méditerranée dont une des deux zones a déjà été désignée en Occitanie. L’idée : produire, à l’horizon 2030-2032, deux fois 250 MW (de quoi alimenter deux fois 350 000 personnes) avec une vingtaine de machines à chaque fois, avant une extension. Sachant que l’État va annoncer un nouveau coup d’accélérateur pour la production d’électricité par l’éolien en mer.

Devant lui, les éoliennes alignées se font petites ou géantes selon que l’on s’en approche. Et pourtant, le gigantisme est là, symbolisé en un chiffre là encore. Le flotteur, le mat et les pales, "c’est de l’ordre de 1 500 tonnes", indique Benoîte Chenut, directrice financements et structuration chez EDF Renouvelable.

"En mer, on n'a pas la maison qui montre le rapport de grandeur"

"C’est moins impressionnant en mer parce que l’on n’a pas la maison ou la petite voiture qui vous montre le rapport des grandeurs. Mais ces équipements ont tendance à augmenter, on produit des turbines de 12 à 15 MW, demain elles seront encore plus grandes".

Ce n’est pas un détail mais une crainte également relayée lors du débat public mené en Méditerranée : celui de l’impact visuel depuis le bord. À La Turballe, du port, on aperçoit les éoliennes à l’horizon, même si le facteur météo peut jouer.

"Ça détruit notre paysage ! Et qu’est-ce qu’on va en faire quand ça me marchera plus ?", maugrée une retraitée du cru croisée sur le quai.

"Je préfère qu'elles soient là-bas plutôt que dans mon jardin"

"Pour beaucoup d’habitants, ça ne choque pas plus que ça. On les voit si vraiment on s’attarde dessus et je préfère qu’elles soient là-bas plutôt que dans mon jardin !, lui répond Fabien, le patron du restaurant Les Sarments juste avant son service de midi. Il faut créer de l’énergie, il en faut des éoliennes."

Sans compter qu’elles ont créé du travail : 1 500 emplois directs et 2 500 au total durant la phase de construction, 100 personnes dans la base de maintenance et 100 autres emplois indirects pour l’exploitation, assurent les gestionnaires. Les commerçants y voient aussi une opportunité touristique supplémentaire, Fabien croisant les doigts pour qu’il y ait une escale à La Turballe. Car si les pêcheurs sont autorisés à travailler à proximité (lire ci-dessous), le parc pourrait devenir une attraction…

Des éoliennes posées sur des fonds de 12 à 25 m, en Méditerranée, elles seront flottantes.
Des éoliennes posées sur des fonds de 12 à 25 m, en Méditerranée, elles seront flottantes. YP

"C’est un gros argument et un carton plein ! On ne s’attendait pas à autant d’engouement des touristes à vouloir visiter le parc et notre base de maintenance au port, assure Benoît Figarède. C’est accessible, ouvert depuis peu et des sociétés proposent des visites dans le parc, il faut du coup réserver longtemps à l’avance."

Des débouchées touristiques

Au large de l’Occitanie, les champs commerciaux seront en revanche plus éloignés, limitant l’impact visuel et ses possibles escapades.

"Le fait que les bateaux puissent passer à proximité des éoliennes et qu’il puisse y avoir des débouchés touristiques c’est intéressant", estime Gwendoline Chaudoire, maire de Portiragnes (Hérault) et présidente de l’association des communes maritime d’Occitanie.

En Bretagne comme partout où l’éolien en mer arrive, les enjeux financiers sont colossaux – 2Mds€ de coût pour Saint-Nazaire – et nombre d’habitants ont aussi soulevé les questions environnementales. Quid de la faune marine ? Des couloirs de migrations des oiseaux ? De cette électricité qui passe sous terre jusqu’à quai et l’impact sur les mammifères marins ?

Toutes ces questions sont scrupuleusement étudiées, notamment avec des robots sous-marins qui filment au niveau des fondations.

"Des ilôts de biodiversité se créent"

"Nous constatons aussi un effet d’attraction assez fort au niveau des fondations, une bio-colonisation au bout de quelques mois, des îlots de biodiversité se créent", indique Benoît Figarède. Qui rappelle par ailleurs que les câbles électriques sont ensouillés et suffisent à la protection physique des ondes électromagnétiques. Des études complémentaires sont en cours concernant l’impact sur les raies et requins.

Autant d’éléments que la délégation régionale va pouvoir restituer : "C’est l’occasion pour la Région et les acteurs du littoral de confronter les retours d’expériences en Pays de la Loire et en Bretagne et de créer des synergies en matière de transition verte et d’économie bleue", se félicite Carole Delga.

La pêche professionnelle est-elle compatible avec les éoliennes en mer ?

Le parc posé de Saint-Nazaire est ouvert depuis janvier à la pêche – avec une limite d’approche de 50 m – et les professionnels peuvent continuer à prélever langoustines ou homards. Ailleurs, la résistance s’organise comme en Méditerranée.

Sur le parc, Midi Libre a lancé le débat. "Je ne suis pas choqué de voir l’éolienne en mer", lance Bernard Perez, président du comité régional des pêches d’Occitanie en découvrant les machines.

"Mais si demain en Méditerranée nous avons un parc aussi grand, sincèrement c’est la fin de la pêche si les zones que l’on va définir ne sont pas établies en fonction de nos pêcheurs."

 Pour lui, les chalutiers ne pourront pas travailler car l’éolien sera flottant et les petits métiers n’ont pas l’armement adéquat. "Sur les macrozones définies, il faut une pêche durable. Vu l’espace que l’on a en Méditerranée, avec des zones avec moins d’activité de pêche et beaucoup de vent, j’ai confiance pour trouver un consensus, il y aura de la vie sous les flotteurs, ils vont pêcher un peu moins et s’adapter à d’autres techniques", répond Didier Codorniou, vice-président de la région.

"Il ne faut pas oublier la souveraineté alimentaire et le pêcheur veut rester pêcheur avec des compromis à faire, ce doit être une force, mais ce ne sera pas une reconversion", avertit Bernard Perez. De nouveaux métiers sont possibles comme conduire les navires de transfert de personnel vers les éoliennes.

"Il y a un projet de coopérative régionale où l’on regroupe les pêcheurs et l’on unit nos forces, collectivités, État, professionnels, pour dégager une valeur économique en termes d’unité et de perspectives y compris pour réfléchir au bateau du futur et sa décarbonation", annonce Didier Codorniou.

Un débat entre le premier vice-président de la région Didier Codorniou (à g.) et Bernard Perez, représentant des pêcheurs d'Occitanie.
Un débat entre le premier vice-président de la région Didier Codorniou (à g.) et Bernard Perez, représentant des pêcheurs d'Occitanie. YP