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En Côte d’Ivoire, « les conditions du succès sont enfin réunies pour les “fintechs” »

Les technologies de la finance, qui développent des services bancaires personnalisés, gagnent le secteur bancaire après avoir conquis le Nigeria et l’Afrique du Sud.

Régis Bamba et Hassan Bourgi ne sont pas totalement étrangers au fait que la Côte d’Ivoire apparaisse désormais sur la carte mondiale des technologies de la finance, les fintechs. En novembre 2022, Djamo, la start-up spécialisée dans la fourniture de services bancaires personnels qu’ils ont créée il y a deux ans bouclait une levée de fonds de 14 millions de dollars (13 millions d’euros). Un record pour une entreprise technologique ivoirienne.

Sur les réseaux sociaux, le premier ministre Patrick Achi s’est empressé de saluer la nouvelle et le « dynamisme formidable » du secteur. En 2022, les fintechs installées à Abidjan ont réussi à lever un montant cumulé record de plus de 20 millions de dollars. Un chiffre qui peut prêter à sourire au regard des centaines de millions de dollars récoltées par les start-up financières égyptiennes et sud-africaines et du quasi-milliard de dollars atteint par les pépites technologiques du Nigeria la même année, mais qui traduit une tendance de fond : l’émergence, aux côtés des établissements classiques, de nouveaux acteurs financiers.

« Nouvelle génération hyper à l’aise »

Dans leurs locaux aux allures californiennes, occupés par une armée de développeurs aux visages poupins, les deux fondateurs de Djamo, âgés d’une trentaine d’années, ont le triomphe modeste. Si l’année passée a constitué un cru exceptionnel pour les jeunes pousses ivoiriennes, c’est « en partie conjoncturel et cela reflète avant tout une tendance du marché », estime Hassan Bourgi, chargé de la stratégie et de la levée de fonds.

Selon ce dernier, « il y a eu une explosion du venture capital (capital-risque) disponible à l’échelle mondiale », ce qui a poussé les fonds d’investissement « tech » à se tourner vers les marchés émergents à fort potentiel. La Côte d’Ivoire, plus grand pays francophone d’Afrique de l’Ouest, décrit dans un rapport du cabinet de conseil McKinsey d’août 2022 comme la région du continent qui connaîtrait, d’ici à 2025, le plus fort taux de croissance de son marché de services financiers, a naturellement attiré les regards.

Mais, au-delà de cet effet d’aubaine, la Côte d’Ivoire a su « réunir les conditions » et mettre en avant ses atouts pour attirer les financements, souligne Régis Bamba, responsable du volet « technologie » au sein de Djamo. Ces dernières années, la pénétration du spartphone et l’extension de la couverture réseau ont fait du pays le plus gros marché de « monnaie électronique » de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avec près de 30 % des comptes de « paiement par téléphone » de la zone (mobile money).

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Côté ressources humaines, des universités ont également développé des formations aux métiers du secteur. Mais, pour Régis Bamba, l’évolution majeure se situe ailleurs : « La nouvelle génération d’employés est largement autodidacte, hyper à l’aise avec la technologie et elle veut se frotter au marché et aux nouveaux métiers », poursuit-il en expliquant que les compétences se trouvent désormais sur le sol ivoirien.

Par conservatisme ou excès de méfiance, les établissements bancaires ivoiriens ont longtemps vu d’un mauvais œil ces nouveaux venus, apparus avec l’explosion des transferts d’argent par mobile au mitan des années 2010. Mais le vent a tourné : « L’ouverture des banques à l’innovation » est désormais acquise, se félicite Mathias Léopoldie, cofondateur français de Julaya, une start-up ivoirienne proposant aux entreprises des solutions de paiement intégrant le téléphone, qui a levé 5 millions de dollars en septembre, pour poursuivre son expansion en Afrique de l’Ouest, après l’ouverture d’un premier bureau au Sénégal.

Les banques, estime-t-il, ont pris conscience de la capacité des fintechs à offrir des services financiers à des publics a priori éloignés des institutions classiques. En Côte d’Ivoire, où trois quarts de la population ont moins de trente-cinq ans, le taux de bancarisation à l’échelle national ne dépasse pas les 20 %. « Nous nous sommes rendus indispensables. (…) Près de 60 % de nos clients n’avaient jamais eu de cartes bancaires avant qu’on le leur en fournisse une », constate Hassan Bourgi de Djamo.

Intérêts communs

Alors que beaucoup parient sur une hausse, dans les années à venir, de la demande de produits bancaires classiques – notamment des prêts –, les fintechs s’efforcent de palier un des principaux écueils des services financiers en Afrique de l’Ouest : l’interopérabilité entre les banques et les détenteurs des portefeuilles électroniques, les opérateurs télécoms. Etablissements classiques et start-up ont des intérêts communs. Et ce n’est pas un hasard si les quelque trente fintechs ivoiriennes recensées en 2022 travaillent toutes, d’une manière ou d’une autre, avec les banques de la place.

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La puissance publique a, elle aussi, mis du temps à réaliser l’ampleur du phénomène. En janvier 2023, le gouvernement annonçait le lancement de Startups Boost Capital, une initiative dotée d’une enveloppe de 1 milliard de francs CFA (1,5 million d’euros) destinée à injecter du capital dans les jeunes pousses des nouvelles technologies de la finance. Attendue depuis plusieurs années, une loi cadre, la « start-up act », devrait voir le jour en 2023 et proposer des incitations fiscales aux entreprises ivoiriennes. « L’appétence des institutions publiques pour les solutions numériques grandit à vue d’œil », explique Idriss Monthe, le fondateur de Cinetpay, une plateforme de paiement en ligne.

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Présent dans le paysage des fintechs ivoiriennes depuis une dizaine d’années, ce Camerounais âgé de 43 ans a levé 2,4 millions de dollars en 2021 pour sa start-up basée à Abidjan et présente dans dix pays africains francophones. Et le pionnier se réjouit des récentes levées de fonds autour de lui : « Il y a de la place pour tout le monde, notre principal concurrent contre lequel on se bat tous, c’est le cash ! », glisse-t-il.

Yassin Ciyow(Abidjan, correspondance)

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