Juliette Baëza — 5 décembre 2022 à 11h43
La Coupe du monde de football au Qatar déchaîne les polémiques depuis son attribution. Parmi elles, celle liée aux droits humains, bafoués au sein de l'émirat, et en particulier à l'homosexualité, illégale dans le pays. Mais au sein des stades (comme en dehors), toute tentative de protestation est proscrite. La Fédération internationale de football martèle son règlement, qui interdit tout symbole politique lors de la compétition. Sur le terrain comme en tribune néanmoins, les messages engagés se multiplient. Joueurs, supporters, représentants politiques: ils sont nombreux à avoir bravé la censure. Tour d'horizon de ces gestes de contestation.
Sur la photo officielle, avant son premier match de la compétition contre le Japon le 23 novembre, l'équipe allemande se couvre la bouche, en réaction aux menaces de la FIFA. | Ina Fassbender / AFP
Ce sont les joueurs allemands qui ont manifesté le plus ouvertement leur désaccord avec la FIFA. Lors de leur match contre le Japon, l'équipe pose pour la photo officielle avec une main devant la bouche, mimant un bâillon. La Mannschaft souhaite ainsi dénoncer la censure de la Fédération internationale de football, qui interdit le port du brassard arc-en-ciel «One Love», symbole de lutte contre les discriminations, de soutien aux personnes LGBT+ et aux travailleurs migrants décédés sur les chantiers des stades. L'instance sportive a notamment menacé les joueurs de sanctions, y compris des cartons jaunes, s'ils arboraient le bandeau. «Il ne s'agissait pas de faire une déclaration politique –les droits humains ne sont pas négociables. Cela devrait être une évidence, mais ce n'est toujours pas le cas [...] Nous refuser le brassard revient à nous refuser une voix. Nous restons sur notre position», a commenté la fédération allemande.
L'équipe anglaise pose un genou à terre avant le coup d'envoi de son premier match contre l'Iran, le 21 novembre. | Catherine Ivill / Getty Images Europe / AFP
Un genou au sol pour dénoncer toutes les formes de discriminations. C'est par ce geste que les footballeurs anglais ont tenu à s'exprimer sur le terrain, après avoir été empêchés par la FIFA de porter le brassard «One Love» lors de leurs matchs de Coupe du monde. Face à l'Iran, ils ont ainsi affiché leur désapprobation en s'agenouillant pendant quelques secondes, un acte pratiqué par l'équipe depuis des mois à l'occasion des gros matchs de la ligue anglaise et qu'elle a tenu à répéter à l'occasion de cette compétition internationale. «On trouve que c'est un geste fort pour les jeunes gens autour du monde pour montrer que l'inclusion est très importante», a justifié l'entraîneur britannique.
Les joueurs danois revêtent un maillot ton sur ton, lors de leur premier match contre la Tunisie, le 22 novembre. | Miguel Medina / AFP
La FIFA a intimé au Danemark de bannir de ses entraînements les maillots pro-droits humains prévus par l'équipe. Mais la sélection danoise n'a pas dit son dernier mot: pour la compétition, les joueurs ont choisi de se parer d'un maillot sobre, aux chevrons, au logo et au blason de la sélection apparaissant ton sur ton, presque effacés. Hummel, l'équipementier de l'équipe, a revendiqué la dimension politique de ce chandail: «Nous ne souhaitons pas être visibles pendant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes.» Les sportifs avaient également préparé un maillot noir, symbole de deuil. Il n'a pas été dégainé.
L'attaquant belge Michy Batshuayi révèle des chaussures aux bandes arc-en-ciel, juste avant la confrontation avec le Canada, le 23 novembre. | Patrick T. Fallon / AFP
Le symbole est discret mais bien là: plusieurs Diables Rouges arboraient des bandes arc-en-ciel sur leurs chaussures d'entraînement, juste avant le début du match contre le Canada. Parmi eux, l'attaquant Michy Batshuayi, qui s'est également illustré sur Twitter en raillant la décision de la FIFA d'interdire l'inscription du mot «love» sur le col de leur maillot.
Le logo «One Love» apparaît sur la bannière publicitaire lors d'une conférence de presse de l'équipe allemande, le 25 novembre. | Ina Fassbender / AFP
Sur le mur des sponsors de l'équipe allemande, devant lequel se tiennent ses très médiatiques conférences de presse, le logo de la campagne «One Love» est ostensiblement épinglé. La Fédération allemande de football a ainsi remplacé celui de l'enseigne de supermarchés REWE après la rupture de leur partenariat en raison de la polémique autour du fameux brassard.
L'ex-Première ministre danoise, Helle Thorning-Schmidt, est vêtue d'une robe aux manches multicolores pour le match de son pays face à la Tunisie, le 22 novembre. | Mads Claus Rasmussen / Ritzau Scanpix / AFP
Les politiques s'en mêlent aussi. Dans les tribunes, l'ancienne Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt portait une robe aux manches multicolores à l'occasion du match entre le Danemark et la Tunisie. Les couleurs rappellent celles de la communauté LGBT+, opprimée au Qatar.
Le ministre britannique des Sports, Stuart Andrew, affiche le brassard «One Love», banni des terrains par la FIFA, à l'occasion du match entre l'Angleterre et le Pays de Galles, le 29 novembre. | Ina Fassbender / AFP
La tenue du ministre des Sports britannique était également très politique lors de la confrontation entre l'Angleterre et le Pays de Galles. Stuart Andrew, ouvertement homosexuel, a arboré à son bras le polémique brassard. Il a par ailleurs jugé injustes les menaces de sanctions sportives de la FIFA, expliquant qu'elles forçaient les joueurs à trouver d'autres manières de protester.
L'activiste italien Mario Ferri, surnommé «Le Faucon», envahit le terrain en brandissant un drapeau arc-en-ciel lors de la rencontre Portugal-Uruguay, le 28 novembre. | Kirill Kudryavtsev / AFP
Du côté du public aussi, les gestes de protestation prolifèrent contre les entraves aux droits humains au Qatar et la censure de la FIFA.
Au cours de la rencontre entre le Portugal et l'Uruguay, un activiste a réussi à pénétrer sur la pelouse, déployant un drapeau arc-en-ciel. Il s'agit de Mario Ferri, un Italien habitué des intrusions «politiques» sur le terrain. En 2014, pendant la Coupe du monde au Brésil, il s'était déjà illustré en plein match en portant sur son t-shirt l'inscription «Sauvez les enfants des favelas».
Un supporter américain, portant un brassard arc-en-ciel, est escorté hors du stade lors du match entre l'Iran et les États-Unis, à Doha, le 29 novembre. | Glyn Kirk / AFP
Si sur le terrain, la FIFA prohibe les couleurs du drapeau LGBT+, dans les tribunes aussi, ces teintes sont sources de tension. Un supporter américain qui assistait à la rencontre entre les États-Unis et l'Iran et arborait un brassard multicolore s'est ainsi fait exfiltrer du stade manu militari par des policiers qataris. Quelques jours avant pourtant, la FIFA avait assuré que ces symboles ne seraient plus interdits dans les gradins et que les consignes avaient été transmises aux forces de sécurité du Qatar.
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