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En Iran, le choc des déterminations entre un pouvoir aux abois et une révolte grandissante

Le «respect» exprimé par Emmanuel Macron et Joe Biden jeudi à Washington «pour les femmes et les jeunes Iraniens qui manifestent courageusement pour leurs libertés fondamentales» va sans doute alimenter la propagande du régime iranien. Quelques heures avant le communiqué commun publié au cours de la visite d’Etat du président français à son homologue américain, Ebrahim Raïssi appelait à «déjouer les plans des ennemis de l’Iran», responsables selon lui de fomenter les troubles. Le président de la République islamique s’exprimait lors d’une visite exceptionnelle au Kurdistan iranien, berceau de Mahsa Amini, dont la mort le 16 septembre, aux mains de la police des mœurs, a lancé la vague de protestation qui se poursuit pour le troisième mois à travers l’Iran.

Des arrestations par milliers

Face à un mouvement qui ne cesse de s’amplifier, le pouvoir de Téhéran continue d’accuser «des forces étrangères» de vouloir déstabiliser la République islamique. Désignant régulièrement les Etats-Unis, Israël ou l’Arabie Saoudite, il s’en était pris mercredi à la France. A la suite d’une résolution de «soutien au peuple iranien dans son aspiration à la démocratie et au respect de ses droits et libertés fondamentales» adoptée par l’Assemblée nationale, l’ambassadeur de France à Téhéran a été convoqué au ministère iranien des Affaires étrangères. L’Iran a élevé une «vive protestation contre les accusations sans fondement» des autorités françaises et a condamné «les interventions inacceptables de ce pays», a indiqué l’agence officielle Irna.

«Les accusations contre l’Occident font partie du narratif du régime de Téhéran», souligne Farid Vahid, directeur de l’observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès. «Une rhétorique destinée essentiellement à ses partisans pour tenter de resserrer les rangs d’un pouvoir affaibli», ajoute l’expert, lui-même iranien. Le soutien au régime serait de plus en plus circonscrit à l’entourage du Guide suprême, Ali Khamenei, et aux Gardiens de la révolution. Car le pouvoir n’a plus rien à offrir à sa population, alors que le pays est plongé dans une crise politique et économique sans horizon.

«Renversement»

Contrairement aux soulèvements précédents, en 2009 ou 2019 notamment, qui cherchaient à faire évoluer le système, la contestation vise cette fois-ci «le renversement d’un régime considéré comme irréformable», estime Farid Vahid. Et parce qu’il sait que le mouvement veut sa fin, le régime se bat pour sa survie et se montre de plus en plus dur et répressif. Des arrestations par milliers ont eu lieu et la torture est chose courante dans les prisons iraniennes. Les Gardiens de la révolution reconnaissent 300 morts depuis la mi-septembre, alors que le nombre de victimes à déplorer s’élèverait au moins à 450, selon les organisations de défense des droits humains.

Mais une détermination tout aussi forte domine du côté des contestataires. Faisant montre d’une créativité et d’une imagination remarquables, les femmes et les jeunes Iraniens multiplient les formes de mobilisations. La contestation a même gagné vendredi la province très conservatrice du Sistan-Baloutchistan, dans le sud-est de l’Iran. Dans les rues de Zahedan, capitale provinciale sunnite dans un Iran majoritairement chiite, des dizaines de femmes ont scandé dans les rues : «Avec ou sans tchador, en avant la révolution !» comme on a pu le voir sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Ces femmes sont parmi les «plus opprimées d’Iran», selon un défenseur local des droits humains.

Entre un mouvement de contestation grandissant et un pouvoir aux abois qui doit défendre son existence même, un choc entre deux déterminations est à craindre. Surtout si des manifestations rassemblant des centaines de milliers de jeunes Iraniens ont lieu dans les rues de Téhéran et d’autres grandes villes iraniennes. «Dans ce cas, le régime n’hésiterait pas à tirer sur la foule», avertit Farid Vahid. Une répression sanglante qui pourrait pousser la contestation, jusque-là plutôt pacifique, vers la confrontation violente.