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En Turquie, "la question n’est pas de savoir s'il y aura un séisme mais quand"

Au centre de trois plaques tectoniques, la Turquie se situe sur l'une des zones sismiques les plus actives au monde. Ces 120 dernières années, 18 séismes de magnitude supérieure à 7 sur l'échelle de Richter y ont été enregistrés. 

Un séisme de magnitude 7,8, le plus important qui ait frappé la région depuis près de 25 ans, s'est produit lundi 6 février à la frontière entre la Turquie et la Syrie, tuant plus de 1 000 personnes dans les deux pays et provoquant de très importants dégâts. Une catastrophe qui vient rappeler la vulnérabilité de ce territoire, situé sur l'une des zones sismiques les plus actives du monde.

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Une région en étau entre trois plaques tectoniques

Géologiquement, la région est en effet à la limite de trois plaques tectoniques : la plaque arabique au sud, eurasiatique au nord et anatolienne, en plein milieu, sur laquelle se trouve la grande majorité du territoire turc. Or ces plaques bougent constamment, entraînant des pressions à leurs limites. 

À certains endroits, ces dynamiques créent des montagnes comme les monts Zagros qui traversent l'Iran, l'Irak et la Turquie. Ailleurs, les sols peuvent se casser, provoquant des failles – les lieux privilégiés pour le déclenchement de séismes. La Turquie abrite ainsi, au nord, la faille nord-anatolienne qui court depuis l’Irak jusqu’à la mer Égée et qui traverse Istanbul et, à l'est, la faille est-anatolienne.

"Le séisme de ce lundi s'est produit sur la faille est-anatolienne", confirme ainsi Martin Vallée, sismologue à l'institut du Globe, à Paris. Survenu en pleine nuit, à 4 h 17 locales (1 h 17 GMT), selon l'institut sismologique américain USGS, à une profondeur d'environ 17,9 kilomètres, son épicentre se situe dans le district de Pazarcik, entre les villes de Gaziantep et de Kahramanmaras, à 60 km environ à vol d'oiseau de la frontière syrienne.

La Turquie, un pays situé sur l'une des zones sismiques les plus actives au monde.
La Turquie, un pays situé sur l'une des zones sismiques les plus actives au monde. © France 24

Quelque 70 % du pays en zone sismique active

"La question, en Turquie, n'est pas de savoir s'il va y avoir des séismes mais quand", rappelle de son côté Bilal Tarabey, chroniqueur international pour France 24. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon un rapport de l’Autorité des Désastres et des Urgences (AFAD) publié en novembre 2020, 70 % du pays est situé sur une zone sismique active. Dix-huit séismes de magnitude supérieure à 7 sur l'échelle de Richter y ont été répertoriés depuis 120 ans et plus de 75 % des pertes et dommages qu'a subi le pays au 20e siècle étaient dus à des tremblements de terres.

En octobre 2020, un tremblement de terre de magnitude 7 en mer Égée avait ainsi fait 114 morts et plus de 1 000 blessés en Turquie. Quelques mois auparavant, en janvier 2020, un séisme de magnitude 6,7 avait frappé les provinces d'Elazig et de Malatya (Est), faisant plus de 40 morts. Plus récemment, fin novembre, un tremblement de terre de magnitude 6,1 a frappé le nord-ouest du pays, faisant une cinquantaine de blessés.

Située à quelques kilomètres de la faille nord-anatolienne, Istanbul se prépare, de son côté, à être touchée par un séisme massif d'ici plusieurs années – un scénario jugé "inéluctable" par les sismologues. "L'ex-capitale ottomane a connu de nombreux tremblements de terre dans son histoire. En 1509, la ville a été dévastée par un séisme si puissant que les Ottomans l'ont nommé la "Petite apocalypse", rappelait à l'AFP en 2019 Sükrü Ersoy, spécialiste des séismes et enseignant à l'Université technique Yildiz à Istanbul. 

La crainte de répliques

Si les tremblements de terre sont ainsi attendus, le séisme qui a touché le pays lundi frappe cependant par son ampleur : il s'agit du plus important depuis celui du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul.

"Le séisme est d'une magnitude d'au moins 7,8. C'est très important pour cette faille", poursuit Martin Vallée. "Au moins 100 km de faille sont touchés, probablement plus. La zone de dégâts sera donc très grande et nous n'en avons pas encore la vision complète."

"Il faut par ailleurs s'attendre à des répliques sismiques dans les heures et les jours à venir", alerte-t-il. Dans la matinée, cinquante répliques avaient été enregistrées en Turquie, selon l’AFAD, dont trois de magnitude supérieure à 6 et huit de magnitude 5 et plus. Les secousses ont également été ressenties à Liban et à Chypre, selon l'AFP, et jusqu'au Groenland, selon l'institut géologique danois.

Un second séisme, de magnitude 7,5, a par ailleurs frappé le sud-est de la Turquie lundi, quelques heures après le premier, a rapporté l'institut sismologique américain USGS. Un phénomène peu surprenant : lors d’un séisme, la rupture de la faille se propage dans la croûte terrestre. Si cela libère des tensions à un endroit, cela peut en créer à d’autres et entraîner une réaction en chaîne.

Une région "marquée par la guerre"

"Nous ne pouvons pas encore connaître l'étendue de la zone de dégâts, notamment car nous ne savons pas précisément le nombre de villes touchées", termine Martin Vallée. "Mais face à cette ampleur, les dégâts humains et matériels seront massifs." Lundi matin, les images des zones touchées se sont rapidement diffusées sur les réseaux sociaux, provenant de part et d’autre de la frontière, montrant de nombreux bâtiments détruits et les secours à la recherche de survivants.

Après le séisme de 1999, qui avait provoqué un électrochoc, les autorités turques ont multiplié les mesures de prévention des risques : elles ont créé l'AFAD, mis en place des hôpitaux capables de résister à de violentes secousses et prévu des mécanismes prévoyant la coupure automatique des réseaux de gaz. 

Malgré cela, la zone touchée lundi reste très vulnérable face aux séismes. "Elle est déjà fortement fragilisée par la guerre et les troubles", rappelle Bilal Tarabey. "Des millions de personnes, notamment des déplacés syriens, y vivent dans des constructions précaires et fragiles, qui peuvent s'effondrer à n'importe quel moment." À Gaziantep, le gouverneur de la province a ainsi appelé les habitants à rester dehors malgré le froid, craignant l'effondrement en chaîne de bâtiments. 

Le bilan, très provisoire, devrait continuer de s'alourdir, un très grand nombre de personnes restant piégées sous les décombres. La neige, qui tombe en abondance et la baisse des températures, attendue en soirée et demain, va aussi rendre encore plus difficile la situation des personnes se retrouvant sans abri, ainsi que le travail des secours.