France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

[Énergie] Faut-il renégocier ses contrats de gaz et d’électricité ?

Alors que le gaz russe composait plus de 40 % de l’approvisionnement européen, la fermeture des vannes à cause de la guerre en Ukraine n’est pas la seule explication de la hausse actuelle du prix du gaz naturel.

"Après l’épidémie de Covid en 2020, la reprise économique est survenue de façon assez brutale notamment en Asie, à tel point que les producteurs de gaz naturel ont eu toutes les peines du monde à suivre la cadence", détaille Aurélien Jouault, conseiller chez Opera énergie, société de courtage en gaz et électricité pour les professionnels. Une situation qui explique un premier décalage entre l’offre et la demande.

Comprendre le marché

Des phénomènes météorologiques se sont ensuite ajoutés pour expliquer les courbes toujours plus ascendantes des marchés. "En 2021, le manque de vent en Europe a engendré une baisse de la production éolienne. Et le manque d’eau en Amérique du Sud puis en Europe en 2022 a diminué la production d’hydroélectricité", constate Aurélien Jouault tout en citant aussi des "problèmes logistiques et techniques dans le golfe du Mexique, aux Pays-Bas et en Norvège".

Pour continuer à répondre à la demande d’électricité, les fournisseurs devaient donc augmenter la production à partir de gaz naturel, ce qui a participé à augmenter les besoins en gaz. Outre la règle de l’offre et de la demande qui influence le prix, le marché de l’électricité est animé par une mécanique économique dite du "merit order". Elle explique pourquoi l’évolution du prix de l’électricité est depuis un an intimement lié à celle du gaz naturel.

"L’électricité est une énergie secondaire qui a besoin d’une énergie primaire pour être produite comme le soleil, le charbon, le vent, l’eau, etc., explique Aurélien Jouault. Pour satisfaire une demande, on privilégie d’abord les moyens de production les moins onéreux. Mais aujourd’hui la demande est telle qu’ils doivent faire appel à tous les actifs de production disponibles pour la satisfaire : renouvelable, nucléaire, charbon et gaz dont le prix est actuellement supérieur au charbon. Pour produire, les centrales à gaz doivent pouvoir vendre leur électricité à un prix leur permettant de couvrir leurs charges, dont la principale est le gaz naturel."

Un autre élément accentue plus particulièrement la hausse du prix de l’électricité en France. Notre parc nucléaire, qui couvre une partie importante de notre approvisionnement, est loin d’être à sa pleine capacité. "Avec les retards de maintenance en raison du Covid et les soucis de corrosion sous contrainte détectée dans certains réacteurs, nous avons quasiment la moitié des réacteurs à l’arrêt. La production nucléaire est historiquement faible, observe l’expert. Comme cette production nucléaire diminue de façon drastique, le marché doit, sans doute pour la première fois, gérer une situation qu’il ne s’est pas bien géré : la pénurie." Une peur de manquer de courant cet hiver et les mois suivants qui amplifie donc les hausses de prix de l’électricité.

Les tendances qui se dessinent

Concernant les perspectives du marché de l’électricité, les prix devraient diminuer dès 2023 selon les échéances futures des contrats proposés aujourd’hui. "Le marché anticipe bon an mal an, une amélioration de la situation à moyen terme. Mais amélioration ne veut pas dire retour à la normale, prévient Aurélien Jouault. Les niveaux de prix pour une livraison 2024 et 2025 restent sur des niveaux très élevés entre 200 et 300 euros du MWh."

Avec la guerre en Ukraine, l’Europe a peut-être aussi dit adieu au gaz russe. "La Russie a bien compris que compter en grande partie sur l’Europe pour ses débouchés, c’est aussi une façon d’être pris en otage, analyse Aurélien Jouault. Ils ont développé plusieurs projets de pipelines en direction de l’Asie. Lorsqu’ils auront vu le jour, la Russie n’aura plus aucun intérêt de pousser son gaz en direction de l’Europe."

La France, comme l’Europe, devra donc trouver une autre solution pour s’approvisionner. "Un des moyens le plus facile à imaginer c’est le gaz naturel liquéfié. Contrairement au gaz naturel russe qui passe par pipeline, le gaz mis sous sa forme liquide est chargé dans un méthanier et vendu sur un marché mondial. Le calcul devient différent, ajoute l’expert. Si j’ai un méthanier dont la cargaison est pleine, je prends ma calculette et je regarde combien ça me coûte d’aller livrer mon gaz en Europe, aux États-Unis ou en Asie et à combien je peux le vendre sur place. L’Europe devra faire sa place sur ce marché en acceptant de payer plus cher. Par ailleurs, le gaz naturel liquéfié seul ne sera pas suffisant pour combler le manque de gaz russe, d'où le message de sobriété énergétique de plus en plus porté par les pouvoirs publics."