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Énergie : « Sans soutien de l'Etat, beaucoup de collectivités pourraient sacrifier la continuité des services publics » (Johanna Rolland)

LA TRIBUNE - Au nom de l'association France Urbaine, vous avez lancé un appel à l'aide de l'Etat pour les collectivités françaises, que demandez-vous exactement ?

JOHANNA ROLLAND- D'abord, il faut rappeler que de nombreuses collectivité sont  frappées par l'explosion des coûts énergétiques et ont engagé des plans de sobriété qui incluent des mesures comme la réduction des températures de chauffage, la réduction des amplitudes horaires des éclairages publics, la limitation des plages d'ouverture des bâtiments publics.... Pour autant, quelle que soit l'ampleur de ces plans, sans mesure de soutien de l'État, beaucoup de collectivités pourraient être amenées à sacrifier la continuité des services publics. C'est bien ça l'enjeu. Toutes ces mesures ne permettront pas d'absorber la hausse exponentielle des charges énergétiques, alors que se pose la question du bouclage des budgets 2023.

On demande, donc, la mise en place de deux mesures d'urgence, à la fois pour permettre aux collectivités de passer le pic tarifaire et ne pas avoir à arbitrer entre bouclage du budget et continuité du service public. La première, c'est la création d'un bouclier énergétique d'urgence, qui doit plafonner le prix d'achat de l'électricité des collectivités, dont le montant est à définir, et qui puisse être assorti d'avances remboursables, à l'instar de celles qui avaient été décidées en 2020, au moment de la crise Covid. La deuxième mesure, c'est de permettre aux collectivités, qui n'ont pas eu d'autres choix que de signer, cet été, des contrats à des conditions tarifaires très, très défavorables. Et là, on demande qu'elles puissent sortir de ces contrats sans pénalités. Pour bénéficier de tarifs revenus à des niveaux plus soutenables.

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Que représentent ces surcoûts pour les collectivités ?

Les situations sont variables selon les dates de signature des contrats, les postes d'approvisionnement, mais en moyenne, la facture énergétique a au minimum doublé par rapport à l'an dernier. Pour certaines collectivités, la facture est multipliée par trois, par quatre ou six. A Strasbourg, par exemple, le tarif du gaz est passé de 12 à 65 millions d'euros pour la ville. Et de 3 à 17 millions d'euros pour l'Eurométropole. Autre exemple, à Toulouse, où la ville a annoncé une hausse de ses factures de 40% pour l'électricité et de 230% pour le gaz.

Et à Nantes ?

On chiffre aujourd'hui cette question à 5 millions d'euros pour la ville et 19,7 millions pour Nantes Métropole. Pour l'un des plus gros acteurs, la société de transports publics nantais, Semitan, cela représente une hausse de 20 millions d'euros. A Nantes, outre les conditions de notre contrat, c'est surtout la mise en œuvre de notre réseau de chaleur qui a permis d'amortir les choses.

Vous avez rencontré la Première ministre, Elisabeth Borne, la semaine dernière, vous a-t-elle rassuré ?

Nous avons eu une séance de travail de deux heures, utile et attentive, maintenant on attend des actes, des preuves... Nous soutenons les discussions de l'Etat engagées à l'échelle européenne pour le découplage du gaz et de l'électricité mais elles vont mettre du temps à aboutir pour produire des effets sensibles et durable sur les prix, alors que les charges subies par les collectivités sont d'effet immédiat. La Première ministre s'est engagée à apporter une réponse précise et écrite aux douze propositions faites par France Urbaine. On va regarder avec attention cette réponse écrite. Ça ne devrait pas être trop long...

Quelle est votre réaction à l'annonce de la création d'un « Fonds vert » pour la transition écologique ?

Evidemment, l'annonce d'un milliard et demi pour la transition écologique, c'est une bonne nouvelle. Néanmoins, une telle annonce sans concertation avec les collectivités, ça me parait étrange quand on dit que l'on veut changer de méthodes. Maintenant, il s'agit de savoir quel atterrissage et quel fléchage de ce Fonds. Ça a fait partie de nos échanges avec la Première ministre et des réponses que l'on attend.

En 2021, vous étiez plutôt satisfaite de la rallonge de 400 millions d'euros annoncée par Jean Castex en faveur des mobilités, comment cette enveloppe a-t-elle été employée sur la métropole nantaise ?

Nantes a obtenu 20 millions d'euros, ce qui a contribué à financer le CETEX,  le centre d'exploitation et de maintenance des tramways en cours de réalisation, qui sera le plus important d'Europe, ainsi que le développement des lignes de Busways et de tramways 6, 7 et 8, et l'acquisition de 98 nouveaux bus, dont la moitié de modèles électriques.

Vous venez d'annoncer dix mesures pour accélérer l'adaptation de la métropole nantaise au changement climatique, à travers l'eau, l'énergie, la végétalisation... c'est beaucoup d'actions au long terme mais comment économisez-vous l'énergie cet hiver ?

C'est à la fois du long terme et du court terme, comme le changement des éclairages, dans lequel nous investissons douze millions d'euros, qui nous permettra de réaliser 50% d'économie d'énergie. Nous allons abaisser d'un degré la température de l'eau et de l'air dans les piscines, supprimer l'eau chaude dans les bureaux métropolitains, éteindre symboliquement l'éclairage du patrimoine municipal... A plus long terme, nous axons nos priorités vers le développement des réseaux de chaleur et du photovoltaïque. Nous avons mis en place sept installations photovoltaïques en 2022, dix autres seront implantées d'ici au début d'année 2023 sur des écoles, le conservatoire de musique, la Cité des congrès, la maison des syndicats et des pôles associatifs. En 2022, cela représente une production de 500 KWc (kilowatt-crête NDLR). Dans la moitié Nord du pays, nous sommes la métropole qui va le plus loin sur ce sujet.

Vous visez le développement d'une production d'énergie tournée à 100% vers les énergies renouvelables en 2050, ou en êtes-vous ?

12% des logements du territoires, dont 35% de logements sociaux sont déjà raccordés au réseau de chaleur. Pour massifier l'utilisation des énergies renouvelables, nous poursuivons le raccordement aux réseaux de chaleur pour toutes les nouvelles constructions de plus de 100KW (20 logements) dans un périmètre de 50 mètres de part et d'autre d'un réseau existant à partir du 1er septembre 2022. Et allons développer ces réseaux sur les quartiers Nord Chézine et Centre-Loire pour y raccorder un centre commercial et le pôle maintenance et ateliers de la Ville de Nantes. On avait beaucoup anticipé sur ces sujets. En 2008, des objectifs pour 2020 avaient été fixés et ont été atteints dès 2018. Nous avions donc donc relevé nos objectifs pour viser une diminution de 50% des émissions de gaz à effet de serre en 2030, une baisse de 50% également de la consommation d'énergie et assurer une consommation du territoire en énergies renouvelables locales de 20%. Les réseaux de chaleur nous ont donné un temps d'avance pour amortir le choc énergétique et diminuer l'inflation des factures. On a mis en œuvre le programme « Grands Toits » pour équiper tous les toits des édifices publics et privés. On est vraiment sur un programme d'accélération avec un objectif de 100% d'ENR en 2050. Et l'on teste actuellement dans le quartier de la République, une opération d'autoconsommation collective inédite en France qui concerne 2.000 logements et bureaux, qui seront mis en réseau. Les centrales solaires installées en toiture, d'une puissance de 2 MWc, permettront de produire 2GWh, soit 15% à 20% de la consommation totale en électricité du quartier, sans revente au concessionnaire. La mise en service est prévue pour 2023.

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