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Eolien : Faut-il « dédommager » les riverains par des ristournes sur les factures d'électricité ?

Des ristournes sur les factures d’énergie pour faire passer la pilule d’une installation d’énergies renouvelables… La mesure figure à ce jour dans le projet de loi « accélération des énergies renouvelables (EnR) », débattu cette semaine à l’Assemblée. Le texte, présenté fin septembre par le gouvernement, vise à rattraper le retard de la France, mauvais élève européen en la matière.

Pour aller « deux fois plus vite », comme ambitionne Emmanuel Macron, la question de l’« acceptabilité » de ces énergies se pose inéluctablement alors que les projets éoliens, notamment, font l’objet de recours quasi systématique en justice. Pour réduire les crispations, ce projet de loi veut miser sur un plus grand partage de la valeur générée par ces énergies au sein des territoires où elles sont implantées. C’est l’objet du chapitre 2, dont l’article 18 prévoit donc « un versement forfaitaire annuel, déduit de la facture d’électricité » pour les riverains d’une installation de production d’EnR.

S’inspirer de l’Irlande

L’exemple, c’est l’Irlande, où un dispositif similaire existe. Les lauréats d’appels d’offres éoliens doivent payer 1.000 euros par an à tous les ménages situés à moins d’un kilomètre des éoliennes, cite le projet de loi. Le texte propose de s’en inspirer, sans pour autant préciser le périmètre au sein duquel la ristourne s’appliquerait, ni son montant. Toutefois, l’étude du coût financier, réalisée sur l’éolien terrestre, donne un aperçu de ce qu’a l’exécutif en tête. L’hypothèse prise est celle d’une remise annuelle de 20 euros par an et par ménage par mégawatt (MW) de puissance installée, sachant que le parc éolien moyen en France fait environ 12 MW de puissance. « Le coût total de la remise est estimé à 380 millions d’euros par an pour les particuliers, si tous les ménages à moins de 5 km d’une installation éolienne sont éligibles, et à 136 millions si cette distance est ramenée à 3 km », évalue le projet de loi.

Sur cet enjeu du partage local de la valeur des projets d’EnR, la France ne part pas d’une feuille blanche, rappelle Jules Nyssen, président du Syndicat des Energies renouvelables (SER), qui fédère les acteurs de la filière. « Les installations d’énergies renouvelables sont notamment assujetties à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer). Une taxe qui abonde directement les recettes des collectivités locales, rappelle-t-il. Il n’est pas rare non plus que les développeurs de projets et les collectivités travaillent ensemble sur des cofinancements et des mesures de partage de la valeur. »

Les EnR, un préjudice à indemniser ?

En revanche, il n’y avait pas jusqu’alors de partage de la valeur systématisé et dirigé directement vers les particuliers, souligne Jules Nyssen. C’est ce vide que combleraient les ristournes sur les factures d’énergie. Une bonne idée ? Le président du SER a des réserves. « Associer les riverains aux bénéfices d’un projet EnR n’est pas illogique, commence-t-il. Mais il ne faut pas non qu’on en vienne à présenter les installations d’EnR comme un préjudice qu’il faudrait indemniser bien plus que des projets d’intérêt général. »

Une limite qu’identifient aussi Alexis Monteil-Gutel, responsable de projets EnR au Cler-Réseau pour la transition énergétique, et Marie-Noëlle Battistel, députée PS de l’Isère. Mais ils en voient d’autres. « Comment choisir le périmètre ?, soulève le premier. Quelle que soit la méthode, à l’échelle de la commune ou dans un rayon de X kilomètres, ces ristournes seront source de conflits entre les riverains, parfois à quelques mètres près. » « En France, nous avons la chance de payer le kilowatt partout de la même manière, ajoute la députée. Cette mesure ouvrirait une boîte de Pandore. Tous les prétextes seront bons ensuite pour différencier les prix. » Enfin, Alexis Monteil-Gutel comme Marie-Noëlle Battistel tiquent sur le financement. « Non pas par les développeurs de projet, mais sur le budget de l’Etat, précise la députée. Autrement dit, les consommateurs des autres territoires ».

Plutôt des contributions à des fonds locaux ?

La socialiste fait alors du partage de la valeur l’un « des points durs » du projet de loi. Son examen en séance publique, à l’Assemblée, devait s’achever ce vendredi mais débordera très certainement sur la semaine prochaine, le temps de passer en revue les quelque 3.000 amendements déposés. Le texte pourrait donc encore beaucoup bouger, y compris sur cette proposition de ristourne. « Des amendements contre ont été déposés, nous avons bon espoir de convaincre », glisse Marie-Noëlle Battistel.

Dans tous les cas, ce projet de loi pourrait, in fine, faire avancer cette question du partage de la valeur. « On voit émerger des propositions, y compris du gouvernement, pour que les porteurs de projets soient à l’avenir obligés de contribuer à un fonds national pour la préservation de la biodiversité, mais aussi des fonds locaux pour accélérer la transition écologique, pointe Jules Nyssen. Cela nous semble plus intéressant. »

Et l’énergie citoyenne alors ?

Le responsable du SER cite aussi l’article 18 bis. Il vise à conforter la possibilité pour les riverains et les communes des territoires concernés de participer au capital des porteurs de projets. En clair : favoriser les projets d’énergie citoyenne. Rien de mieux pour accroître la désirabilité des renouvelables, à écouter Marion Richard, responsable de l’animation nationale d’Energie partagée, mouvement qui fédère et accompagne ces projets. « Pas seulement parce qu’ils permettent aux riverains et acteurs locaux d’avoir leur mot à dire, précise-t-elle. Cela facilite aussi grandement la compréhension des projets et les retombées locales sont bien meilleures, de l’ordre de deux à trois plus qu’un projet classique. »

A ce jour, Energie partagée recense 290 projets d’énergie citoyenne, dont 185 en fonctionnement. Là encore, la France est en retard, « surtout si on se compare à l’Allemagne ou au Danemark », regrette Alexis Monteil-Gutel. Il y a un an tout juste, Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, fixait le cap d’en avoir 1.000 de plus d’ici à 2028. Alexis Monteil-Gutel et Marion Richard regrettent alors que ce projet de loi « accélération des EnR » n’aide pas plus atteindre cet objectif. « L’article 18 bis peut être intéressant s’il est bien fait, mais il y avait des mesures bien plus urgentes à prendre * », estime Marion Richard.