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Escroqués sur le net, ils veulent faire banquer les banques

Escroqués sur le net, ils veulent faire banquer les banques
Des charentais se sont fait dérober des dizaines de milliers d’euros sur internet.

Photo CL

Par Henry GIRARD - h.girard@charentelibre.fr, publié le 7 décembre 2022 à 19h29.

Massive, l’escroquerie en ligne n’épargne pas les Charentais. À défaut d’attaquer les réseaux, les victimes veulent se retourner contre les banques qu’elles jugent aussi responsables.

Une augmentation de 101 % en 2022 selon le ministère de l’Intérieur. Le phénomène gangrène internet, touche la France entière et les Charentais ne peuvent y échapper : la cyberdélinquance inonde les messageries et les réseaux sociaux. « Certaines arnaques sont très facilement détectables, d’autres en revanche sont extrêmement bien ficelées », regrette Philippe Morin, Charentais retraité. Fin 2021, il se fait plumer de 105 000 euros dans des investissements nébuleux promis par Investquest, gestionnaire de patrimoine aux activités numériques a priori fructueuses. Un an plus tard, il fait face à un système aux ramifications...

Une augmentation de 101 % en 2022 selon le ministère de l’Intérieur. Le phénomène gangrène internet, touche la France entière et les Charentais ne peuvent y échapper : la cyberdélinquance inonde les messageries et les réseaux sociaux. « Certaines arnaques sont très facilement détectables, d’autres en revanche sont extrêmement bien ficelées », regrette Philippe Morin, Charentais retraité. Fin 2021, il se fait plumer de 105 000 euros dans des investissements nébuleux promis par Investquest, gestionnaire de patrimoine aux activités numériques a priori fructueuses. Un an plus tard, il fait face à un système aux ramifications obscures et pratiquement intraçable. Il est sûr d’une chose : « Il y a une faille dans le système de contrôle bancaire. Si on ne peut pas atteindre les escrocs, ce sont les comptes en banques qu’il faut remonter. Or, les voyous sont protégés par le secret bancaire. Les institutions ont amplement leur part de responsabilité. » Épaulé par deux avocats, il entame une lourde bataille juridique et souhaite convaincre d’autres victimes de s’associer à cette démarche. Pour l’instant, 5 autres internautes, escroqués eux aussi, ont décidé de l’aider à constituer une association.

« On se sent complètement démuni quand ça arrive, on se sent trompé mais surtout bête et on se demande comment on a pu mettre les économies d’une vie entre les mains de ces gens », constate encore amer Jean-Pierre Chevrier. Cet habitant de Nercillac a perdu près de 70 000 euros auprès de Wallet secure, une société de conseils en investissement qui fait l’objet d’une enquête de la police judiciaire du Val-de-Marne. Un sentiment de honte envahit les victimes. L’impression de ne pas avoir assez couvert ses arrières. « Elles n’ont pourtant rien à se reprocher, assure Frédéric Ibanez, enquêteur cybercriminalité et délinquance financière auprès de la section de recherche de la gendarmerie de Poitiers. Les rouages de l’arnaque en ligne sont de plus en plus perfectionnés et n’importe qui peut se laisser avoir par un mail trompeur ou une société qui présente un beau site internet. Une apparence professionnelle est capitale. » Dans ces escroqueries là, on est loin des hameçonnages amateurs bourrés de fautes d’orthographes.

Modre à l’hameçon

Philippe Morin pensait s’être assuré une protection maximale. Avant de conclure ses contrats financiers, il consulte l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le Registre des agents financiers (REGAFI) qui répertorie les sociétés autorisées à gérer des placements, et le Comissão do mercado de valores mobiliários, une entité portugaise jouant le même rôle que l’AMF. La société Investquest a effectivement son siège social à Lisbonne, comme de nombreuses autres sociétés citées par les victimes. Philippe Morin ira même jusqu’à contrôler la validité des IBAN sur des sites spécialisés qui permettent de donner les coordonnées de la banque correspondante sans connaître le bénéficiaire. Il est formel : « Aucun avis négatif ne transparaît, aucune alerte ne remonte, aucune anomalie », assure-t-il. Il ne reverra jamais son argent. Le RIB est frauduleux.

Il faut que chaque banque mise en cause se retourne vers leurs clients mafieux. Elles connaissent leur identité.

Le 28 février dernier, il a adressé un courrier recommandé à la direction de la banque franco-Luxembourgeoise Sogexia pour tenter un règlement à l’amiable avec demande de restitution de 70 000 euros. Silence radio. Il dépose plainte contre cet établissement auprès du Procureur de Luxembourg, le 4 avril, et auprès du Procureur de Lyon, le 18 mai. Aucune réponse, ni de l’un, ni de l’autre.

« J’ai missionné un avocat français et un avocat espagnol pour tenter un règlement à l’amiable avec les banques impliquées dans cette escroquerie », poursuit-il, soit BBVA Espagne et Sogexia. Il obtient finalement une réponse, dans une novlangue sidérante : « Même s’il est prouvé que le crédit est erroné, il est considéré que l’établissement récepteur n’est pas habilité à contre-passer les virements en vertu de simples instructions du donneur d’ordre, puisque les montants crédités sur le compte du bénéficiaire ne peuvent être contre-passés sans le consentement de ce dernier ou l’ordre ou le mandat légal requis. » En somme, on attend de l’escroc qu’il donne son accord pour la restitution des fonds.

Clients mafieux

Le bras de fer judiciaire et engagé. « Selon le code monétaire et financier, la cour d’appel exclut généralement la responsabilité des établissements bancaires, analyse son avocat. Au motif qu’ils ne peuvent pas être déclarés responsables des conséquences d’un virement frauduleux, peu importe qu’il n’ait pas attiré son attention sur une quelconque anomalie affectant les virements. » C’est là toute la défense du retraité : « Il faut que chaque banque mise en cause se retourne vers les clients mafieux puisqu’elles seules ont connaissance de leur identité qu’elles refusent de nous communiquer sous couvert de leur sacro-saint secret bancaire. Nous sommes les otages de ce système. »

Des interpellations possibles

Depuis quelques années, des cellules d’investigation ont été créées dans les régions afin de traquer les arnaques en ligne, comme la section recherche en cybercriminalité de la gendarmerie de Poitiers. Les enquêteurs sont chargés de recouper les affaires. Cela a été le cas en octobre dernier dans un dossier d’arnaque numérique d’ampleur européenne, jugé au tribunal d’Angoulême. Le gendarme Frédéric Ibanez avait pu réunir une dizaine de plaintes et procéder à l’arrestation de Sadi H., un maillon de la chaîne qui sévissait en région parisienne en ayant hameçonné des Charentais. Les parties civiles réclament des remboursements et dommages-intérêts. L’auteur sera condamné à douze mois de prison avec sursis, saisi des sommes d’argent découvertes lors de l’enquête et contraint d’indemniser quatre victimes à hauteur de plus de 50 000 euros.