France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Etudes de médecine : Pourquoi l’idée d’une quatrième année d’internat dans les déserts médicaux fait débat

Il faudra bientôt dix années d’études au lieu de neuf pour devenir médecin généraliste. Le gouvernement prévoit d’inscrire, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, l’ajout d’une quatrième année d’internat de médecine générale, apprend-on ce lundi.

« La réalisation de cette année supplémentaire de troisième cycle, réalisée en ambulatoire sous la supervision de maîtres de stages universitaires, sera encouragée dans les territoires les moins pourvus en médecins généralistes », indique le communiqué conjoint des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé. Une concertation va être lancée début 2023 pour définir les conditions d’application de cette mesure, mais on sait déjà que le gouvernement vise une mise en œuvre à la rentrée universitaire 2023.

Exercer « en autonomie supervisée »

Pour justifier leur choix, les deux ministères expliquent que la médecine générale est « la seule spécialité médicale à n’avoir que trois années d’internat, sans la phase de consolidation (…), au cours de laquelle les futurs praticiens peuvent exercer en autonomie supervisée ». Et pour eux, cette absence de quatrième année « ne favorise pas une installation immédiate en sortie de cursus ». L’idée d’allonger d’un an l’internat de médecine générale n’est d’ailleurs pas sortie du chapeau du gouvernement, car elle faisait partie des promesses de campagne d’Emmanuel Macron.

Benoît Veber, vice-président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, estime que cette quatrième année se justifie pédagogiquement : « La médecine générale est une discipline transversale qui demande du temps pour s’y former. Or, c’était la seule spécialité à n’avoir que trois années d’internat, les autres en comptant quatre à six. Cette mesure va donc restaurer un équilibre entre toutes les disciplines ». Autre avantage, selon lui : « Cela donnera un an de plus aux internes pour avoir accès aux formations spécialisées transversales (FST) qu’ils peuvent suivre dans différents domaines : douleur, soins palliatifs, médecine du sport, addictologie… ».

« On n’est pas là pour pallier les difficultés d’accès aux soins »

Mais l’allongement du cursus est loin de faire l’unanimité. « Ce n’est pas une demande des étudiants, et on forme déjà très bien les généralistes en neuf ans », déclare ainsi Théophile Denise, vice-président de l’Isnar-IMG, syndicat national des internes de médecine générale. Autre point de crispation : l’incitation du gouvernement à effectuer cette quatrième année dans les zones peu denses en médecins, sachant qu’à l’heure actuelle, six à sept millions de Français n’ont pas de médecin traitant. « On n’est pas là pour pallier les difficultés d’accès aux soins », estime Théophile Denise, qui craint que cette incitation ne soit en fait qu’une obligation déguisée. « Des parlementaires de différents partis veulent déposer des amendements pour rendre obligatoire cette année dans les territoires les moins pourvus en médecins généralistes », redoute-t-il.

Si la Conférence des doyens des facultés de médecine n’est pas favorable à l’imposition de cette mesure, Benoît Veber estime qu’il est « normal que les parlementaires se préoccupent de l’accès aux soins en France. Mais il faut que ce soit un système gagnant-gagnant ». Pour pousser les internes à aller dans les déserts médicaux, il juge qu’une prime serait efficace en plus de leur rémunération actuelle. Pas suffisant, selon Théophile Denise. « Il serait normal que nous soyons rémunérés à l’acte », défend-il.

Seul dans un cabinet, sans maître de stage ?

Les conditions d’exercice de cette année supplémentaire d’internat suscitent aussi des appréhensions : « Nous craignions que les internes soient envoyés en zones sous-denses sans supervision. Aurons-nous des maîtres de stages ? Pourrons-nous demander conseil lorsque nous aurons besoin d’un contre-avis ? », interroge Théophile Denise. Un tutorat que Benoît Veber juge aussi nécessaire : « Il faut que toute ouverture de terrain de stage soit agréée afin que l’on puisse s’assurer de l’encadrement dont l’interne va bénéficier ».

Les syndicats des internes craignent aussi des conditions d’exercice difficiles pour celles et ceux envoyés en zone rurale ou dans des banlieues défavorisées : « Ils vont devoir assurer des consultations pour des patients complexes qui changent de médecin généraliste tous les 6 mois. Par ailleurs, dans les zones sous denses, c’est difficile d’accéder à des examens paramédicaux », indique Théophile Denise. Des critiques qui amèneront peut-être certains internes à aller dans la rue. « Nous déciderons samedi si nous souhaitons nous mobiliser », annonce Théophile Denise. L’Intersyndicale nationale des internes (Isni) a quant à elle déjà annoncé « une grande mobilisation » en octobre, qui pourrait aller « jusqu’à la grève ».